Chapitre 22: Maman dit "non"

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« Pour ce qui est de l'avenir, il ne s'agit pas de le prévoir mais de le rendre possible. »

Antoine de Saint-Exupéry

2020, France, lundi 22 juin, Aix en Provence

Point de vue Adam

Je finis mon service dans une petite demi-heure et je sais que Charlie est partie il y a plus d'une heure. Je sais que nous devions parler mais je suppose que j'ai dû la faire fuir avec mon ton froid tout à l'heure. C'était vraiment mal réfléchi et plus mal poli. Je n'avais pas à lui parler comme je l'ai fait, je dois m'éloigner d'elle mais lui parler aussi froidement, cela ne m'aide pas puisque je me sens coupable et éprouve le besoin de m'excuser et de lui parler encore plus.

-Monsieur ? demande mon dernier patient de la journée qui est maintenant face à moi.

-Oui, excusez-moi, je vous donne votre ordonnance, je lui réponds en lui donnant don bout de papier.

Il la prend, me tend sa main afin que je la serre avant de se lever et de quitter la pièce. Enfin ! J'adore mon métier mais cette journée était une des plus éprouvantes que j'ai vécu depuis bien longtemps. La seule raison n'étant pas la présence de nombreux patients qui n'étaient pas les miens mais bien celle d'une certaine patiente. Toutes mes pensées reviennent vers elle et je n'ai toujours pas trouvé la solution pour que cela cesse. Même si la médecine est mon point fort, là maintenant, pour ce cas, je ne vois pas le bout du tunnel.

Je suis un vrai con, cela fait des mois que je veux lui parler afin de pouvoir nous expliquer, le seul, je dis bien le seul, moment où c'est elle qui fait un pas vers moi, je l'ai rabroué comme un vulgaire morceau de viande. Je dois m'excuser, absolument !

C'est avec ce sentiment que je sors du bâtiment. Je sais encore par cœur le chemin de l'hôpital à la maison des parents Curnier. Je sais ce que vous pensez mais non, je ne l'ai pas fait pendant les quelques temps où elle n'était pas avec moi.

Ma voiture me fait du tort pour que je puisse sortir. Elle ne veut pas démarrer comme à chaque fois que j'ai besoin de cette foutue bagnole.

C'est une quinzaine de minutes plus tard que je peux enfin démarrer cette voiture. Une trentaine de minutes et avec un long chemin semé de pensées beaucoup trop culpabilisantes où l'actrice principale possède deux prénoms dont l'un va parfaitement avec le mien.

Assez ! Je dois me concentrer sur le fait que je vais revoir Charlie d'ici une à deux minutes et je ne sais même pas ce que je dois lui dire. Dois-je vraiment lui présenter des excuses ? Je ne suis pas prêt à faire tout ça mais il le faut.

C'est en claquant bien fort la porte que je descends de la voiture. Même en deux mois, la petite maison que j'ai vue il y plusieurs semaines n'a aucunement changé. Les fleurs n'étaient que des bourgeons il y a trois mois, mais maintenant, ils sont bien fleuris et cela donne un certain charme à cette petite maison.

Il y a du mouvement derrière un des rideaux de la salle à manger, ce doit être la mère de Charlie, sa mère qui a l'air beaucoup plus curieuse que son père.

La porte d'entrée s'ouvre une minute plus tard sur la mère de la famille Curnier. Elle n'a vraiment pas l'air heureuse de me voir, ce qui ne m'étonne guère. Je le comprends parfaitement. Je n'ai pas donné de nouvelles à leur fille pendant au moins trois mois.

-Que faites-vous là ? demande-t-elle sans un bonjour en plus d'être sur la défensive. Elle n'a vraiment pas l'air enchanté.

-Je viens voir votre fille, j'ai besoin de lui parler. Je peux ? dis-je par politesse alors que clairement je n'ai qu'une envie : la pousser et entrer dans cette foutue baraque. Je n'en ai rien à faire de la mère, c'est la fille qui m'intéresse.

-Je crois, hélas, que vous ne pouvez la voir, elle n'est pas là.

Comment ? Elle n'est pas là ? Elle habite chez ses parents mais elle n'est pas là à l'heure où toutes les familles de France sont en train de dîner.  C'est bizarre et instinctivement ma jalousie remonte. J'espère seulement qu'elle n'est pas avec ce génie de Bryan parce que malgré tout, je ne le supporterais pas. En fait, ma jalousie est à son paroxysme.

-Je peux l'attendre ici, elle ne va pas tarder ?

Dans son regard, je vois très bien que je suis à côté de la plaque mais c'est uniquement au moment où son aveu passe la barrière de ses lèvres que je comprends. Je l'ai perdu, pour toujours.

-Elle n'habite plus ici alors attendez là si vous voulez mais ça peut être long.

Elle n'habite plus ici, chaque mot est comme un poing dans le cœur. Je sais très bien où je peux la trouver. Elle a emménagé chez ce Bryan. Elle cherche à me parler alors qu'elle a tourné la page. C'est cuit.

Je me retourne en adressant un dernier sourire à cette vieille vipère.

-Je vous déconseille fortement d'aller la voir. Elle est heureuse maintenant, elle a retrouvé sa famille et sa vie, vous n'y avez pas votre place. Vous vous faites beaucoup trop de mal pour que vous fassiez parti à part entière de sa vie.

C'est elle qui m'adresse un sourire que je perçois comme sincère. C'est un conseil qu'elle me donne. C'est fini et cette fois-ci à titre définitif. J'ai été trop naïf, moi qui pensais que Charlie voulait me dire que je lui manquais et qu'elle m'aimait. Alors qu'elle avait juste l'intention de me dire qu'elle avait retrouvé la mémoire. Elle devait me parler juste parce que j'avais été son médecin dans un passé lointain.

Je démarre la voiture et essaye de reprendre le fil de mes pensées. Sauf que l'environnement dans lequel je suis ne m'aide aucunement. Une voiture me rappelle beaucoup trop mon ancienne protégée et surtout son accident ainsi que tout ce que cela a engendré. Il faut vraiment que j'arrête de penser à elle et tout nos moments ensemble. Elle me manque et c'est vraiment la dernière chose dont j'ai envie.

SANS NOMWhere stories live. Discover now