CHAPITRE ONZE

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J'enfile un sweat-shirt et un bas de survêtement. Je sèche mes larmes et je descends les escaliers sur la pointe des pieds. Tout le monde semble dormir dans la maison. Au rez-de-chaussée, un rapide coup d'œil sur la pendule de la cuisine m'indique qu'il est déjà vingt-trois heures passées.

Mon cœur bat fort dans ma poitrine. Non seulement je fugue en pleine nuit, mais en plus pour retrouver un autre garçon qu'Adam. Je sais que mes parents ne m'en voudraient pas s'ils débarquaient soudain dans la pièce et me surprenaient en train de me faire la malle, mais je préfère les laisser en dehors de mes états d'âme.

J'abaisse lentement la poignée de la porte d'entrée. Un grincement sinistre déchire le silence de la nuit. Je me fige, l'oreille tendue. Quand je suis sûre que personne ne s'est levé pour voir ce que je trafiquais, je lâche la poignée et décide de passer par la baie vitrée, beaucoup moins bruyante. L'air frais de la nuit qui s'engouffre dans mes cheveux me surprend. Il a un goût de liberté. Je travers la grande pelouse au pas de course. Plus vite je serais sortie de chez moi, moins j'aurai de chance de me faire chopper. J'escalade le portail sans difficulté. Fût un temps, plus jeune, où je le faisais presque tous les soirs pour rejoindre mes amies et nous amuser toute la nuit. J'ai vite arrêté quand j'ai réalisé qu'il était beaucoup moins risqué de prévenir mes parents. Ils ne m'ont jamais refusé aucune sortie, et je n'ai pas eu à trahir leur autorité. Tout est plus simple quand on ne lutte pas contre la volonté des autres.

Je saute du portail et atterri avec souplesse sur le trottoir. Je me redresse et regarde autour de moi. Seul le lampadaire dans la rue, à quelques mètres de là, diffuse une pâle lumière.

- Pssst, Talia !

Je sursaute et regarde dans la direction de laquelle venait la voix. Il me faut quelques secondes pour que mes yeux s'adaptent à l'obscurité. Petit à petit, sa silhouette se dessine dans la pénombre. Grande, musclée, virile.

Je m'approche de lui. Il me sourit. Nous hésitons à nous faire la bise, mais nous renonçons. Je ne suis jamais très à l'aise, seule avec lui.

- Ça va ? demande-t-il d'une voix douce.

- Ça pourrait aller mieux, mais ça va. Et toi ?

Il hoche la tête.

- Tu es venu en voiture ?

- Oui. Je me suis garé un peu plus loin pour ne pas risquer réveiller tes parents.

- C'est gentil, merci.

Un petit blanc s'installe. C'est étrange de se retrouver en pleine nuit, chez moi. Je me demande comment réagiraient mes copines si elles l'apprenaient.

- Si on allait s'assoir sur le banc, là-bas ?

J'accepte d'un mouvement de tête, et nous partons rejoindre le banc, sous un joli cerisier en fleurs.

- Pourquoi tu m'as rappelé, après avoir raccroché ? je demande, rompant le silence.

- Je me suis dit que tu n'avais pas besoin que je t'enfonce davantage, et que c'était le moment de te prouver que je pouvais t'être utile.

- En quoi le seras-tu ?

- Je vis plus ou moins la même situation que toi. Je sais que tu ne confis pas tout à tes amies parce que tu as peur qu'elles ne comprennent pas. Elles ne pourront jamais vraiment se mettre à ta place tandis que moi, je le peux.

- Je suis désolée de t'avoir fait te déplacer aussi tard.

Il hausse les épaules. Il n'a plus l'air énervé.

Le paradis peut attendreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant