The White Death Partie 3

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Il faisait un temps magnifique malgré les -20° C ambiants. Le soleil se réfléchissait sur la neige et on était obligé de plisser les yeux dès qu'on voulait regarder quelque chose. Ivan se forçait néanmoins à regarder. Il cherchait un mouvement, n'importe quel signe qui aurait pu signifier une attaque, un buisson qui bouge, un cri d'oiseau. Tous ses sens étaient en éveil. Il ne fallait jamais relâcher sa garde, pas une seconde. Sa main était posée sur la crosse de son arme, prête à tirer. Il pouvait sentir toute la tension qui régnait dans l'air.
Soudain un coup de feu claqua et un homme s'effondra tout prêt d'Ivan. Celui-ci dégaina son arme et contempla la colline d'où venait le coup. C'était lui, il en était sûr. Il resta immobile, son arme braquée sur la colline derrière laquelle venait de disparaitre l'autre. Il fallait être rapide, précis. Il n'aurait peut-être pas de 2ème chance. Il perçut soudain un mouvement. Sans hésiter il tira. « Touché ! ». Il en était presque sûr mais ne prit pas le temps de s'en assurer. Le russe bondit et s'élança vers la colline. L'autre ne lui tira pas dessus. C'était bon signe ça, très bon signe même.
Il atteignit le haut de la colline à temps pour voir une silhouette disparaitre dans les bois. Il tira à nouveau. Avait-il atteint sa cible ? Ivan n'en savait rien. Il se précipita dans les bois, suivant les traces laissées par les skis de l'autre. De jolies auréoles rouges coloraient la neige, preuve que la balle avait atteint sa cible. Il les suivit, gardant la main sur son pistolet. On n'était jamais trop prudent.
Soudain, il tomba sur un paquet de neige tout remué. Le tireur avait du tomber. Ses skis étaient abandonnés à côtés. Des traces de pas s'éloignaient dans les bois. Ivan les suivit. Il se sentait comme un chasseur traquant un gibier. L'autre ne pouvait pas lui échapper. Il était blessé, il n'avait plus ses skis. La neige marquait chacun de ses pas, l'empêchant de disparaitre. Trahi par cette même neige qui avaient permis aux tireurs de se dissimuler pour accomplir leur sinistre forfait. Ivan en aurait presque ri.
Les traces croisèrent un ruisseau puis disparurent. Ivan réfléchit. L'homme avait dû marcher dans l'eau pour masquer ses traces. Pas bête. Il n'y avait que deux possibilités : ou bien il avait remonté le courant, ou bien il l'avait descendu. Vu l'état du blessé, Ivan aurait parié pour la 2ème solution. Néanmoins, l'autre avait pu penser à ça aussi et remonter exprès. Le russe hésita puis choisit de remonter.
Il marcha un temps au bord du cours d'eau. L'eau devait être gelée. Si elle n'était pas glacée, c'était uniquement grâce à la force de son courant. Il commençait à se dire qu'il avait dû faire fausse route. Comment un homme, blessé et épuisé, trouverait-il la force de braver le froid et le courant ? Il s'apprêtait à faire demi-tour lorsqu'il vit soudain quelque chose, accroché à un rocher au milieu de l'eau. Prudemment, il s'avança sur les rochers glissants. Une baignade ne lui faisait pas spécialement envie, surtout vu la température extérieure qui devait avoisiner les -20° C. Il récupéra l'objet. C'était un morceau de tissu, qui avait dû être une poche. Avec se trouvait une photo délavée et légèrement humide. Le russe la regarda pensivement. On y voyait deux hommes, un très grand et sérieux avec des lunettes et un autre, plus petit et plus mince, qui souriait joyeusement. Ils se tenaient la main. Ivan resta un instant là, à contempler cette petite image, pleine de joie et d'insouciance. Puis il se souvint d'où il était et de ce qu'il avait à faire. Il rangea l'image dans son grand manteau et reprit sa marche. Il était dans la bonne direction, cette fois c'était sûr !

Froid. Il avait froid. Respirer lui faisait mal. La tâche rouge sur sa poitrine s'agrandissait lentement tandis qu'il sentait ses forces le quitter. De petites tâches de lumière dansaient devant ses yeux. Il était terrifié. Il ne voulait pas partir, pas ici, pas maintenant ! Il voulait revoir Berwald, sentir de nouveau ses grands bras qui l'enlaçait, entendre de nouveau sa voix rude. Il voulait encore se réveiller à ses côtés le matin, l'embrasser, lui dire qu'il l'aimait. Il ne voulait pas partir, pas abandonner tout ça. Tous ces petits plaisirs : il voulait encore ressentir la caresse du vent dans ses cheveux, la chaleur du soleil sur sa peau. Il voulait encore entendre les oiseaux chanter, il voulait encore sentir l'odeur salée de la mer. Il voulait encore tant de choses ! Il voulait encore vivre. Pourtant la vie le quittait. Lentement mais sûrement, la tâche sur sa poitrine devenait de plus en plus importante. Il sentit des larmes couler sur se joues à la pensée de tout ce qu'il abandonnait. « Berwald... » murmura-t-il. Seul un murmure rauque sortit de ses lèvres. Soudain, il vit une immense silhouette apparaitre au-dessus de lui, entre les arbres. « Berwald ? ». C'était lui ! Il était là. Il venait le chercher ! Tout allait bien aller maintenant. Tout irait bien. Il laissa le sommeil l'emporter, tombant peu à peu dans le noir. Il sentit ses yeux se fermer, sa conscience disparaitre doucement.

Ivan regarda le finlandais étendu à ses pieds. « Berwald ? Je ne sais pas qui c'est mais ce n'est pas moi. ». C'était parfaitement inutile de dire ça, il le savait. L'autre ne parlait probablement pas russe.
Une dernière volute de fumée s'échappa entre les lèvres gelées de l'homme puis plus rien. C'était fini. La vie avait quitté son corps. Ivan le regarda pensivement. C'était le petit homme souriant de la photo. Il n'était effectivement pas très grand, surtout par rapport au russe. Il avait des cheveux blonds très fins, pleins de neige. Ses yeux étaient fermés. Il était calme, tranquille. On aurait dit qu'il dormait. La trainée rouge le long de on visage attestait que sa première balle l'avait bien touché. La deuxième tâche, énorme, sur sa poitrine était son deuxième coup. Il ne l'avait pas manqué. Il l'avait fait, il avait réussi ! Il avait abattu le tireur invisible, il avait vaincu la Mort Blanche. Il avait vengé les centaines de jeunes hommes tombés sous les balles de ce tueur implacable.
Pourtant, quand Ivan le voyait maintenant, il ne pouvait s'empêcher d'être pris d'un doute. L'homme avait une allure tellement angélique, tellement calme. On disait qu'il ressemblait à une femme et ce n'était pas complètement exagéré. Les traits du finlandais était beaux et fins. « Il ne faut jamais se fier aux apparences, décidément. » pensa le russe. Mais peu importe l'allure de l'autre. A présent c'était fini. Son corps allait lentement pourrir, se décomposer. Les vers dévoreraient le joli visage et ne resterait plus que quelques os abandonnés.
Ivan, lui, continuerait à mener ses hommes dans cette guerre qu'il devinait déjà perdue. Il mourra avant la fin ou il survivra et retournera en Russie pour mener encore d'autres combats, mener d'autres hommes à la mort.
Un jour, il mourra lui-aussi et les vers mangeront son corps comme ils avaient mangé ceux de ces hommes, comme ils mangeront bientôt celui du sniper abattu à ses pieds. C'était ainsi. C'était la vie et ça l'avait toujours été. Ivan n'avait pas peur de la mort. Il l'affrontait en permanence. Un jour, il perdrait et c'était comme ça.
Il aurait aimé enterrer le corps du finlandais. Malgré son appartenance au camp ennemi, c'était un soldat extraordinaire et Ivan l'admirait sincèrement. Mais le sol était trop dur et il n'avait pas de pelle. Alors il laissa le corps là où il était, contre cet arbre où l'homme épuisé avait dû s'effondrer. Il partit, fit quelques pas puis retourna vers le corps. Il glissa la photo des deux hommes à l'intérieur du manteau du mort et s'en alla tandis que la neige commençait à tomber, recouvrant lentement le corps de Tino Väinämöinen.

The White DeathWhere stories live. Discover now