Chapitre 4 - Joshua

5 1 0
                                    


CHAPITRE 4

JOSHUA

L'unique heure d'amphithéâtre qu'il avait ce matin-là lui avait paru durer une éternité. Décidément, il n'avait pas assez dormi et ses yeux avaient eu tendance à se fermer tout seuls. Depuis qu'il était à l'université, il avait de toute façon abandonné tout scrupule. Il avait envie de dormir ? Il dormait. Et tant pis s'il loupait la majeure partie d'un cours. Son mal de tête commençait à taper de plus en plus fort ; la gueule de bois le lundi matin, vraiment, ce n'était pas une bonne idée. Poussant un soupir résigné, il se rendit à la cafétéria afin de s'acheter de quoi manger et surtout, un café qui pourrait le réveiller un peu. Ce fut au moment où il allait passer en caisse avec Bérénice, une de ses amies, qu'il le vit. Il resta bien une minute, planté, là, à le regarder. C'était le type qu'il avait rencontré la veille. Il portait un pull rouge avec un col en V dévoilant une partie de son buste imberbe et un jean noir moulant qui lui allait à merveille.

« Josh ? Josh ? La Terre appelle Joshua, la dame attend que tu payes ! »

Une main passa devant son visage ce qui le fit sursauter. Le jeune homme se tourna vers la vendeuse, s'excusa et paya rapidement avant d'aller s'asseoir à une table, suffisamment loin du garçon pour qu'il ne le voie pas mais suffisamment près aussi, pour pouvoir l'observer à sa guise.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? On dirait que tu as vu un fantôme. Remarqua Bérénice en s'asseyant à ses côtés, attaquant directement son déjeuner car elle mourait de faim.

- Rien... Enfin si. Hier soir je ne suis pas revenu seul. Le gars en question est ici. Il est parti ce matin sans me laisser un mot.

- Oh... »

Il savait déjà ce que voulait dire ce « oh » et il se sentit tout de suite stupide. Bien sûr qu'il se doutait qu'il s'agissait d'une histoire d'un soir, bien sûr qu'en allant dans des soirées et en finissant complètement éméché, il y avait peu de chances de rencontrer l'homme de sa vie. Il n'avait pas besoin qu'on le lui dise car il le savait déjà. Mais malgré lui, il ne pouvait se défaire du souvenir de ce sourire. Comment pouvait-on sourire autant et tout le temps ?

« Ça ne te ressemble pas en tout cas. Ajouta la jeune fille.

- De quoi tu parles ?

- Les histoires d'un soir, ça ne te ressemble pas. C'est peut-être pour ça que tu es perturbé.

- J'avais un peu trop bu tu sais alors... Je crois que pour le coup c'est l'instinct qui a tout fait. Et peut-être lui aussi. » dit-il en désignant Eliott de la tête.

C'était parce que ça ne lui ressemblait pas qu'il s'était souvenu de son nom. Généralement, Joshua était plutôt quelqu'un de sérieux, qui évitait de trop boire. Mais la veille, des amis à lui l'avaient convaincu de venir à une fête et il s'était laissé tenter. Enfin, à bien y penser, il était bien moins ivre que son partenaire de la veille.

Bérénice, après avoir mangé, le laissa car un de ses cours commençait dans quelques minutes. Comme il lui restait une bonne heure avant de reprendre, il quitta à son tour la cafétéria afin d'attendre dans un des couloirs de l'université. Il était bien souvent plus facile de patienter, assis dans un couloir qu'à la cafétéria car elle était bien trop petite pour accueillir les milliers d'étudiants de la faculté. Alors, depuis sa première année, Joshua avait pris l'habitude de s'asseoir non loin de ses salles de cours, un livre à la main. Parfois, ses amis le rejoignaient et ils discutaient tous ensemble, d'autres fois, ils travaillent, au sol, sans s'adresser la parole. Ce lundi-là, il était seul à suivre ce module et il ne fut pas étonné plus que cela en voyant que personne n'était présent dans le couloir. Il se posa donc et ouvrit un de ses livres de cours afin de s'occuper.

Encore plongé dans sa lecture du Ménon de Platon, il fut dérangé par un corps s'asseyant à côté du sien. La personne avait visiblement un casque sur les oreilles mais la musique était tellement forte qu'elle finit par lui faire lever les yeux de son livre. C'est alors qu'il le vit. Eliott. Il était assis à côté de lui, les yeux fermés, bougeant doucement la tête au rythme de la chanson. Il était parti ce matin comme un voleur et maintenant il revenait vers lui ? Mais pour qui se prenait ce type ?

« Hey ? Oh oh. Tu voudrais pas baisser le son, tu me déranges. »

À l'instar de Bérénice une heure plus tôt, il venait de passer la main devant le visage de son vis-à-vis, espérant le faire réagir. Le jeune homme finit par ouvrir les yeux sentant quelque chose devant lui et Joshua sombra alors dans l'abîme de ses prunelles. Hier, il avait cru voir un ciel orageux, aujourd'hui, c'était un simple jour de pluie.

« Hm, quoi ? Demanda-t-il, retirant le casque de ses oreilles pour le remettre autour de son cou.

- Tu pourrais baisser le son ? Tu me déranges.

- Ah désolé. »

Et ce sourire un peu contrit. Ce même sourire que la veille. Joshua sentit la colère monter en lui lorsqu'il se rendit compte que le garçon ne l'avait même pas reconnu.

« Tu ne me reconnais pas, hein ? Finit-il par demander, une pointe d'agacement perçant dans le ton qu'il employait.

- Je devrais ? »

Un large sourire avait encore étiré les lèvres de l'étudiant et sa voix s'était faite plus suave en prononçant ces mots. Entre ses yeux couleur d'orage et son sourire, il n'y avait rien d'étonnant que Joshua soit tombé entre ses filets. Ce garçon devait sans doute avoir qui il voulait et il s'en rendait parfaitement compte.

« Non mais je rêve...Tu as passé la nuit d'hier avec moi et tu ne t'en souviens pas ?

- Oh... J'avais un peu trop bu faut dire... »

Un long silence gêné vint s'installer. Aucun des deux n'osa prononcer un mot. Joshua s'en voulut immédiatement. Il aurait dû tourner la page et passer à autre chose. Et pourtant.

« Ça avait l'air triste ce que tu écoutais. C'était quoi ?

- Mad World, la reprise de Gary Jules et Michael Andrews, c'est parce qu'elle est triste qu'elle est belle.

- Comment un gars qui sourit autant peu écouter de la musique aussi triste ? Tu es quoi, une sorte d'Emo ? »

Eliott partit d'un grand éclat de rire mais son vis-à-vis eut le sentiment qu'il sonnait bien faux, comme s'il cherchait à cacher ce qu'il pensait réellement.

« Non, mais regarde-moi, j'en ai pas la dégaine faut pas pousser. J'aime bien, c'est tout.

- Au fait, je m'appelle Joshua mais la plupart des gens m'appellent Josh. Et toi, c'est Eliott, c'est ça ? »

Joshua lui tendit la main qu'Eliott serra vivement. Il avait beau être élancé, il n'en demeurait pas moins qu'il avait de la poigne et sa main demeura dans la sienne une bonne seconde de trop. Troublé, il la retira et reprit son livre pour reprendre sa lecture. De son côté, le jeune homme aux cheveux hérissés avait remis son casque sur sa tête et fermé les yeux pour replonger dans son monde.


L'emo (également appelé emocore) est un style musical de musique punk caractérisé par des paroles expressives, éminemment politiques et axées sur la catharsis, l'expression de soi.



------------

Voilà un chapitre un peu plus long ;) ! L'intrigue commence à se mettre peu à peu en place !

N'hésitez pas à me donner votre avis !


A corps perdus (roman BxB)Where stories live. Discover now