Pour la Dernière fois

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CROSS 2)

PDV N :

N... tu le regretteras, le sais-tu ?
- Oui.
Alors pourquoi y aller ?
- Pour la voir pour la toute Dernière fois.

J'avais appris qu'un cross de son lycée avait lieu aujourd'hui. Et... je trouvais cette occasion belle. Assez pour être un adieu.
J'imaginais déjà parfaitement la scène qui allait se dérouler... mais également l'après. Et j'admets que je ressentais une boule au ventre incroyable, si ce n'est pas une souffrance indescriptible par des mots.
Les mots étaient un moyen pour certains d'exprimer leurs sentiments, certes, mais ce n'était pas mon cas. Et pourtant, j'avais décidé de faire cet ultime effort pour Touko et mon frère, avant de quitter la ville, dans l'espoir de me libérer de ce poids sur mon coeur et mon esprit.
La tête ailleurs, j'admirais ces gens courir de toutes leurs forces pour arriver premier en souriant : il y a peu, j'étais à leur place, bien que j'arrivais souvent dans les derniers, je finissais toujours.
Ray, lui, était généralement dans les premiers et ramenait les médailles qui, pour être franc, à part pour se vanter, ne servaient pas à grand chose sauf décorer sa chambre.
J'attendais que sa classe passe avec impatience pour ne serait-ce que la soutenir de loin. Après tout, le cross était bel et bien une souffrance !
N'exagère pas non plus, N.
- J'ai le droit aujourd'hui.
Tu vas souffrir plus encore. Il est encore temps de partir.
- Non. Je veux la voir.
Idiot.
Je m'avançais vers les barrières qui faisaient la course, avant d'apercevoir un visage familier.
Touko...
Elle semblait incroyablement concentrée, comme si rien n'allait la décourager. Elle était dans les vingt premières, et une fille vêtue de rose et d'un manteau plus que visible la talonnait de peu. Elle leva la tête pour manger un morceau de sucre qu'elle avait soigneusement pris de chez elle, et m'aperçut. Elle portait une tenue légère laissant apparaître son nombril et ses jambes fines : c'était la tenue que toutes avaient.
Je t'interdis de regarder.
- Tu es mort. Je ne risque rien. Je crois.
Je te garantis que tu regretteras.
Touko : N ?
- Allez, Touko !

Je lui affichais le plus beau sourire que je pouvais faire, qu'elle me rendit avant d'accélérer, devançant son amie.
Tu es pathétique, N. Tu es venue lui annoncer ton départ, pas l'encourager. Lâche. Tu ne comptes pas le lui dire, peut-être ?
- Non. J'ai juste dit...vouloir la revoir avant de partir. Pas lui annoncer ça.
Pourtant, tu devrais lui dire, que tu es un égoïste.
Je baissais la tête avant de marcher vers le bord du lac, seul, là où on pouvait me voir. Lieu paisible où le soleil se couchera quelques heures plus tard. Là où j'avais décidé que mon attirance se manifestera une fois de plus, une dernière fois, là où mes souvenirs et mes remords me laisseront en paix. Là où Ray partira, lui aussi. Du moins, je l'espérais. Peut-être allait-il continuer à me hanter jusqu'à la fin de mes jours : j'étais prêt à l'assumer, prêt à encaisser encore une fois. Après tout, il était le résultat même de mes péchés, de mes pensées. Me repentir de cela m'était impossible. Je fermai les yeux.

{ FLASHBACK }

Touko : Dis, pourquoi ne viendrais-tu pas discuter avec moi ?
- Moi...?
Touko : Oui, toi, avec les cheveux verts !
- oh...

Je m'avançais vers elle, nerveux, avant de lui sourire.
Touko : Moi, c'est Touko ! Enchantée !
- De même...

{ FIN FLASHBACK }

Encore aujourd'hui, elle ne sait pas que c'était toi, N.
- J'en ai bien conscience.
Ce n'est pas de toi dont elle est tombée amoureuse, même autrefois.
- Je sais...
Alors pars.
- ...

Peut-être devais-je en effet partir. Je sentais le peu de courage qu'il me restait s'envoler face à la motivation de Ray à me faire renoncer.
Je me dégonflais plus les secondes passaient, et je commençais déjà à regretter.
-Aurai-je le courage de la regarder dans les yeux ?
J'en doute, lâche que tu es, N.
Touko : N !

Je relevais les yeux et tombai sur le visage fatigué mais heureux de celle que j'attendais.
Dommage.
- Tais-toi...
- Tu as fini combien ?
Touko : Vingt-quatrième !
- C'est impressionnant ! Bien joué.
Touko : Merci. Au fait, que fais-tu là ?
- T'encourager ?

Menteur. Tu es venu la voir avant de t'enfuir.
- Elle ne le saura pas.
Ne crois-pas que même une fois parti, moi aussi, je partirai. Tu sais comment me faire partir.
- Comment ?
À toi de réfléchir, N. Je ne suis que ta conscience.
Touko : Et euh... comment savais-tu qu'on serait là ?
- Je...

« Je me suis renseigné ». Je n'allais pas lui dire ça, j'aurais l'impression d'être un psychopathe.
Je rougis d'un coup avant de sortir la première chose qui me vint à l'esprit dans l'espoir de changer de sujet.
- Quoi, tu n'es pas contente de me voir... ?

Elle me dévisageait en souriant, avant d'éclater de rire.
- Elle a un beau rire... c'est mieux de l'entendre et la voir ainsi de près.
C'est sûr que moi, j'ai pu en profiter, contrairement à toi, N.
Un sentiment complexe vint s'installer en moi, mais j'avais l'habitude. Cela faisait longtemps, après tout.
C'est vachement triste, N, tes pensées que voilà.
- N'oublie pas à qui va la faute.
Mais c'est la tienne, non ? Je t'avais prévenu.
- Pars...
Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, N.
Plus les minutes passaient, plus Ray prenait de la place. Il fallait que je termine rapidement, que je fuis, avant d'être complètement envahi et de me lâcher comme je l'avais fait devant ce magasin la fois dernière.
- Touko... je voulais te donner ceci, au fait.

Oh, un truc que tu as fait dans mon dos... c'est quoi, un collier ? Ah non, elle en a déjà un !
Ma main commençait à trembler. Je voulais, cette fois, qu'elle aie un cadeau fait par moi et offert également par moi. Mon défunt frère ne pouvait pas le faire à ma place, cette fois-ci.
C'était un petit bracelet en argent, sur lequel son nom était gravé à l'ancre noire. C'était mon écriture qui l'ornait, tout comme le derrière du collier que j'avais fait autrefois.
Et si elle le refuse...? Je ne suis personne après tout...
Elle le prit délicatement entre ses doigts avant de l'admirer.
Touko : Wow, il est magnifique ! Vous avez un talent dans cette famille pour faire ce genre de choses, c'est fou !

Je t'avais prévenu...
Mes yeux s'ouvrirent en rond sous le choc.
- Qui sait...

Je souriais difficilement, avant de me retourner brutalement. Je lui fis un signe de main avant d'entamer une longue marche rapide.
« Un talent dans cette famille pour faire ce genre de choses ! »
Je te l'avais dit, N. Elle ne te vois pas vraiment. C'est moi, N. L'auteure ne m'a mis que ce genre de réplique, je pensais qu'à force tu comprendrais.
J'avais conscience que ce qu'elle avait dit n'était pas pour me blesser, elle ne savait pas après tout. Mais... en disant cela...
Elle avait remué un couteau déjà profondément ancré en moi avec une force décuplée.
Touko... c'était moi... pas lui...
Je levais les yeux au ciel, pensant aux valises que j'avais déjà préparées : à l'au-revoir avec ma mère, mon père, et...
Cet au-revoir-ci, qui malgré moi était un souvenir que j'allais garder.
Je repensais également à cette douce chaleur dans ma main qu'elle avait comblé avec la sienne lors de ce beau feu d'artifice : il était éphémère, tout comme nos doigts enlacées l'étaient... tout comme nos discussions, son rire et le mien l'étaient.
Et c'était en repensant à tout cela que les mots « raison » et « envie » prenaient un véritable sens.

L'envie était quelque chose de touchant, qui embrasait ton coeur, âme et corps tellement fort qu'il fallait à tout prix l'écouter. Quelque chose qui donnait le sourire sur le moment.
La raison était l'exact opposé : il fallait l'écouter malgré la douleur de l'instant, auquel cas, c'est à dire si l'on succombait à l'envie, une souffrance inimaginable attendait l'après. La raison était là pour éviter le chagrin, pour préserver un bonheur prochain.

Je t'ai toujours aimé, Touko... pardonne-moi. Je pars là où tu pourras tourner la page. Ou le fantôme de celui que tu as aimé ne viendra plus te hanter... moi.

Le coeur à L'ouvrage Where stories live. Discover now