La Course Mouvementée

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CROSS 3)

PDV PIERRE :

Pourquoi avais-je fait ça ? Le malaise était palpable, et c'était insupportable ce blanc !
Nous ne nous étions plus adressé un mot depuis mon avertissement, et je commençais à regretter ma brutalité du moment.
Et surtout...
Pourquoi n'étais-je pas allé jusqu'au bout ?
Cela aussi faisait partie de mon regret : je m'étais au tout dernier moment retiré alors que j'avais l'occasion de l'embrasser, même si ce n'était qu'une fois. Et j'en connaissais bien évidemment la raison : j'étais un professeur, au lycée, et je ne voulais pas qu'elle me voie en mal, ce qu'elle aurait pu faire et qu'elle faisait peut-être, je ne le savais pas.
Je ne savais pas non plus si elle respectait vraiment ce que je lui avais dit : peut-être m'évitait-elle car je la répugnais tout simplement, mais il était préférable que ce soit le cas. Pour elle, du moins. Parce que je vivais assez mal cette distanciation, personnellement. Servir de coussin et me moquer d'elle aussi commençaient à me manquer.
Bon, cela ne faisait qu'un jour depuis, ce n'était pas comme si je m'étais pris un râteau... enfin...
c'était ce prendre un râteau, non ?!
J'enfilais ma tenue de sport, un shirt court et un tee-shirt un peu trop petit pour moi de couleur blancs.
Ils n'avaient pas pris la bonne taille. Tant pis.
Je ne comptais de toute manière pas courir pour aider les élèves en difficulté. Plutôt mourir. J'étais assez sportif, mais disons... comme diraient les ados... « j'ai la flemme » ?
D'autant plus que certains étaient vraiment motivés pour ceci, je comptais donc simplement les laisser s'en charger.
Je sortis rapidement, mais était très rapidement gêné : certaines ne se gênaient pas pour se rincer les yeux.
Regardez les jeunes de votre âge et arrêtez...
Je détournais mes yeux, avant de croiser ceux de Flora : elle prit une teinte rosée avant de s'enfuir presque en courant vers ses amies et un garçon en mauve qui passait son manteau sur les épaules de... euh... Sugisaky, me semblait-il.
Oh, oh... mademoiselle mate... puis est comparable à une tomate... c'est drôle, ou adorable ? Les deux.
Je souriais diaboliquement. Cette information allait ressortir dans une discussion, si un jour on en avait l'occasion, du moins. 
Lysandre : Dis-moi, tous les regards sont tournés vers toi, Pierre. Tu es la représentation parfaite de la beauté, tout le contraire de certains.

Euh...
Je fronçais les sourcils, choqué. Son haleine remontait jusqu'à mes narines, pendant que je restais coincé sur sa dernière phrase.
Sally : Laisse-le un peu... tu n'as pas une once de féérie, mon cher Lysandre. Toujours avec tes discours sur la beauté du monde, franchement...
Lysandre : Et vous, madame, toujours avec vos fées et vos paillettes.

Je m'éclipsais sans un bruit vers Kabu, toujours l'air ahuri. Il se trouvait juste à côté de l'ordinateur pour les résultats et des récompenses, là où il était possible de voir tous les départs et arrivées. Lysandre et Sally avaient entamé une conversation impressionnante sur leurs idéaux, de quoi laisser perplexe n'importe qui.
Kabu : Courage à toi, ce ne doit pas être facile.
- En effet.
Kabu : Mais il n'a pas tort sur le fait que tous, enfin plutôt toutes, te regardent. Tu vas avoir tout un fanclub un jour.
- De toute manière, je ne courrai pas.
Kabu : Pourquoi ? Certaines élèves m'ont harcelé avec ça tout le début d'année, laisse-leur ce plaisir...
- Jamais.

Il n'y avait qu'une élève que j'autoriserais bien à courir avec moi, mais je supposais que je devrais éviter.
Kabu : Pitié, elles vont me harceler toute l'année auquel cas...
- Kabu, aie-pitié plutôt de moi. En plus, je pourrais me salir.
Kabu : J'avais oublié ta manie de propreté.
- Moi pas.

Je soupirai profondément, et patientai en admirant les beaux gâteaux que les parents d'élèves avaient préparé pour après.
Ils ont l'air tellement booooooon...
Mon côté enfantin commençait à ressortir, mais d'un point de vue extérieur, personne ( sauf une ) n'aurait pu savoir à quoi je pensais.
« Pierre, c'est pour après. Non. »
Je parvenais même à entendre sa voix m'interdire d'y goûter comme une mère punirait de goûter son enfant cruellement.
Mais j'en veux une part...
Je baissais la tête pour ne pas voir ce spectacle et partis pour ne pas continuer à sentir cette odeur alléchante.
Je dévisageais alors les personnes au départ.
Oh, c'est le tour des filles ! Flora doit y être.
Je la cherchais des yeux en souriant jusqu'à l'apercevoir dans sa tenue courte : elle semblait affreusement gênée et tirait discrètement son tee-shirt pour essayer de le baisser sous son nombril.
Adorable...
Le départ fut annoncé, et contrairement à ce que j'aurais pu penser, elle courait incroyablement vite : elle bondissait et ses pas rivalisaient avec ceux d'un géant pressé, la faisant rapidement se hisser aux dix premières places. Elle semblait respirer normalement, et n'avait aucun problème.
Impressionnant...
Chaque adversaire se faisait doubler, et même si quelques fois ils la surpassaient, elle revenait à la charge immédiatement après sans s'essouffler.
Allez Flora !!!!! Je compte sur toi !
Elle était désormais première, et avait et de loin dépassé les concurrents.
Elle allait gagner.
Du moins, c'était ce que je pensais.
Ce virage final était crucial, car incroyablement glissant : la pauvre fut surprise et tomba malencontreusement sur le sol mouillé.
- Flora...

La foule n'encourageait plus, ils étaient tous silencieux, et une personne la surpassa. Elle tenta désespérément de se relever, en vain : sa cheville avait l'air mal en point.
Elle ne se relève pas...
Je ne savais pas vraiment comment je m'étais retrouvé dans cette situation, mais à peine eut-elle le temps de tenter de bouger une seconde fois que j'étais en plein milieu de la course, mon bras passait sous le sien pour la maintenir debout. Elle était dégoulinante de sueur, me faisant faire une grimace, mais je ne partis pas malgré tout.
Elle avait besoin de moi.
Je la regardais avec un petit sourire pour la rassurer et avançait un peu.
- Un pas après l'autre. Doucement.
Flora : Pierre...

Elle ouvrit des yeux surpris avant de grimacer de douleur. Une autre personne la doubla.
- Si tu veux abandonner, tu peux.

Elle mit son pied droit devant l'autre, puis l'inverse. La brune prit la peine de s'appuyer sur moi, et de me murmurer un « merci » à peine audible.
- Il reste que quelques pas. Encore un effort. Tu as bien devancé tout le monde. Tu peux le faire, Flora.

J'avais murmuré son nom pour qu'elle seule l'entende. Les deux premières étaient déjà arrivées, et les encouragements pour Flora reprirent pendant que la jeune fille avançait malgré la largeur de sa cheville qui avait considérablement enflée. Sous mon regard attendri, elle termina alors troisième du cross.
Je m'avançais vers Kabu de nouveau.
Kabu : Finalement, tu as aidé une élève...
- Je n'ai pas couru. Donne-moi la coupe, je la ramène.
Kabu : Je lui donnerai la coupe demain en personne. Ses parents ne peuvent pas ?
- Très bien, et en effet. J'en prends la responsabilité. À demain.

J'attrapai sa récompense et deux parts d'un des gâteaux avant de retourner vers Flora qui était assise sur une chaise.
- On rentre.
Flora : Oui Monsieur !

Elle me fit un sourire magnifique, avant d'essayer de se mettre debout : les infirmiers sur place lui avaient mis une poche de glace, mais elle ne suffisait pas à la remettre sur pieds illico-presto. Je lui donnais alors le gâteau, lui tournais le dos, et m'accroupis.
- Monte.
Flora : Mais...
- C'est un ordre. Sauf si je te dégoûte à ce point bien sûr.
Flora : Jamais tu ne me dégoûteras.

Elle hésita un dernier instant avant de s'appuyer sur moi et de monter comme je lui avais proposé sur mon dos. Je la soulevai en la tenant par les cuisses, sans arrières pensées, avant de commencer à marcher alors qu'elle enroulait ses bras autour de mon cou et qu'elle posait sa tête contre celui-ci.
- Tu peux dormir, il y a dix minutes de trajet jusqu'à la voiture et un petit quart d'heure jusqu'à la maison. Tu dois être fatiguée, championne.
Flora : Pierre ?
- Oui ?
Flora : Merci...

Elle soupira de contentement avant d'inspirer profondément. Je pouvais sentir sa respiration lente et apaisée sur ma nuque.
Je rêve ou elle renifle le parfum ? Bon, pour cette fois, je ne l'engueulerai pas.
Je souriais une fois de plus comme un idiot en marchant.
En cet instant, j'espérais au fond que ce moment allait durer. J'étais concentré à ne pas trébucher par accident, évitant même les branches les plus futiles pour la protéger, et son souffle régulier m'indiquait qu'elle s'était endormie.
Dors-bien, Flora.
Le trajet du retour fut alors bercé par un silence complètement différent de l'allé : c'était un silence non pesant, mais plutôt reposant et apaisant.
C'est mal, mais cette gamine me fait vraiment fondre.

Le coeur à L'ouvrage Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin