Tournesol & Rose de Lune

Chapitre 4: Coquelicot, la fleur des champs

10/07/2020.

Jane et Cassiopée sont rentrées chez elle il y a deux jours afin de passer les vacances avec leur famille respective. Leur absence a comme laissé un vide dans la maison de mes grands-parents dont la superficie m'a semblé s'être multipliée. C'est une maison immense et il m'arrive réellement de me demander comment papi et mamie n'entende pas à travers les murs, le chant de la solitude. A deux toute l'année, moi je ne tiendrais pas. Même assis sur le même canapé, je trouverais le moyen d'avoir l'impression que deux mètres de distances nous séparent.

Ces derniers temps, papi dort beaucoup. Je ne le vois qu'aux repas. Même lorsqu'il n'est pas dans sa chambre, je le retrouve affâlé sur le fauteuil, endormi devant la télé. C'est donc à ça que cela ressemble de vieillir ?

Ma grand-mère tout au contraire ne se ménage pas. Elle qui a une obsession pour les tâches et corvées de maison donne toute sa force pour que le sol brille, en dépit du fait qu'elle fatigue elle aussi avec l'âge. Je l'aide autant que je peux mais mes grands-parents ont toujours été du genre à me pousser à sortir.

En un sens, je ne peux pas le leur reprocher, la périphérie d'Apple Hills a toujours eu ce petit quelque chose mélancolique qu'ont les jours tant chéris d'automne. Parfois je trouve l'été encore plus triste. C'est peut-être à cause du calme qui épouse les campagnes où le silence est-elle qu'on y entend le moindre éclat de rire qui se perd dans les ruelles vieilles de 500 ans. Alors moi je traverse doucement en équilibriste les murailles. Je regarde à la surface du vieux ruisseau qui se faufile dans toute la ville, les petits poissons suivre le courant. Moi aussi, je suis le courant. Je ne devrais pas ?

Et à force de marcher, de croiser Rozënmiel, le plus beau des arbres et ses compagnons, je finis par me retrouver toujours sur cette même prairie. Vous avez, c'est une chose qui m'a toujours parue bien étrange. Depuis que je suis petite, chaque fois que je me promène seule et que je me laisse guidée par le vent, mes pas m'emmènent toujours sur cette prairie châtoyante où les rayons de soleil caresse les pétales printaniers des coquelicots. Ces fleurs-là sont une spécificité d'Apple Hills. Il y en a partout mais cette plaine se distingue des autres car les coquelicots y prolifèrent en masse et plus longtemps qu'il n'est possible de le demander à des plantes si fragiles de douceur.

Et si j'avais juré que la tranquilité de la vallée qui avait perduré depuis ma plus tendre enfance, ne s'estomperai jamais, aujourd'hui m'a fait grandement mentir.

Pour une raison ou une autre, mon esprit m'a quémandé de tourner la tête à ce moment-là et c'est ainsi que je l'ai aperçu. Un jeune homme plein d'entrain, doré de soleils, le visage fugace vagabondant et dévalant la colline parmi les chiens-loups et leur course effrénée.

J'aurai pu trouver ça ridicule et absurde mais un sentiment contradictoire m'a envahie. Cela m'a fait sourire, j'ai trouvé ça beau et presque unique comme moment. Et encore que, je n'étais que simple observatrice, cela devait être encore mieux de le vivre, de le sentir dans son souffle où sommeille la liberté.

J'ai voulu connaître et admirer un peu plus cet inconnu sauvageon alors je l'ai suivi du mieux que j'ai pu. Curieusement je n'ai pas senti mon corps criait de fatigue, bien que mes jambes se tordaient de douleur et que ma respiration se faisait plus difficile. Le fils des chiens-loups courrait drôlement vite, ce qui ne m'étonnait pas si c'était ce qu'il avait toute sa vie. J'ai oublié de mentionner le cadre splendide mais durant cette course poursuite je n'ai pas trop eu le temps de m'extasier devant. Lorsque je suis parvenu à le rattraper, le soleil était en train de se coucher. J'avais obtenu en ce jour béni, le meilleur des timings : la « golden hour ».