Epilogue

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— Alors ça y est ? Tu te décides enfin à me laisser tranquille ? 

— Oh arrête, je sais que tu m'apprécies au fond.

Nemuri sourit et la blancheur de ses dents sûrement brossées au Colgate m'aveugle. A peine deux jours se sont écoulés depuis qu'Izuku et moi avons quitté la fête d'Ochako. Tokoyami avait prit le contrôle de la planche de ouija et Tenya était parti se cacher dans la salle de bain, la queue entre les jambes.  Personne ne nous a remarqué. Personne ne nous a posé de question le lendemain.

D'après Izuku (et je le crois sur parole), Tomura est passé dans l'au-delà dans cette même nuit. Il était soulagé d'avoir pu le guider après tant de temps à lui tenir la main. Il n'était pas désagréable mais lorsqu'un Errant nous colle pendant plusieurs mois, on a juste envie que cela s'arrête. Les Âmes ne sont pas des amies, elles ne peuvent pas l'être.

Je secoue la tête négativement en réponse à Nemuri.

— Aucune chance, vu ton plan foireux complètement bancal...

— Il a très bien marché mon plan, vu ton couple ! Va pas me dire qu'il va rien se passer avec Izuku maintenant que j'y ai mis mon nez !

Elle me lance un regard malicieux avant de fixer sa tombe. 

— Je crois que ça va me manquer, dit-elle avec un sourire las. De jouer les cupidons. J'espère que l'au-delà n'est pas trop chiant sinon je jure que je fais une réclamation ! 

Je ris. 

— Fais ce que tu veux là-bas, c'est plus mon problème. 

— Jusqu'à la prochaine Âme... 

Elle se lève dans un mouvement élégant. "Une chance d'être morte en allant au boulot, je ne passerai pas le reste de l'éternité en pyjama délabré !" M'a-t-elle dit une fois, je-ne-sais-plus-quand-exactement. 

Elle pose un pied brumeux dans la stèle sculptée. Elle a littéralement un pied dans la tombe et l'image me fait sourire. 

— Hé, Shoto ? Sois pas idiot. Aime Izuku jusqu'à ce que vous soyez vieux et ridés par le temps. N'oublie pas de regarder des deux côtés de la route avant de traverser. 

Je hoche la tête sérieusement.

— Je ferai attention. J'ai l'intention de mourir à la fin de ma vie, t'en fais pas.

Elle secoue la tête, riant aux éclats. Elle murmure même un "imbécile".

C'est ce mot en particulier qui me restera en tête lorsque je parlerai d'elle. Elle disparaît dans le froid du marbre et je me retrouve là, en tailleur aux milieu des fleurs qui dépérissent. Le silence et la brise du printemps sont présent lorsque le souffle froid de la mort disparaît pour quelques jours.

Je ne suis généralement pas triste lorsqu'une âme quitte ce monde. Aujourd'hui pourtant, j'ai le cœur qui me serre la poitrine.

— Oui c'est vrai, je murmure pour moi-même. Je t'appréciais, Nemuri.

•••

La clef tourne dans la serrure, ouvrant le verrou dans un clic sonore. Izuku se tourne vers moi, un immense sourire sur le visage.

— Bien, nous informe l'agent immobilier. Il est à vous. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, vous n'avez qu'à passer à l'agence.

L'homme sourit poliment et se retire. Enfin, je rentre dans l'appartement flambant neuf que nous venons d'acheter. Il est vide, peint en blanc et en gris et j'ai déjà hâte de colorer les murs. Peut-être en vert.

— Alors on y est ?

Izuku attend ma réponse, lui n'a pas encore posé le pied dans l'entrée. Dès que nous nous sommes expliqués et avoué nos secrets étranges, tout est passé très vite. Les dix jours qui ont suivit cette soirée improbables ont été les plus angoissants. Izuku et moi passions tout notre temps, dans la peur et le doute que ce que nous avions appris était une illusion. Mais ni lui ni moi ne sommes morts et le soulagement a été immense. Nous avons réussi nos examens, terminé nos études et avons supporté chaque fardeaux et sautes d'humeur de fantômes tous aussi paniqués.

J'ai amené Izuku dans mon ancienne ville, pour lui présenter Katsuki. Cela m'a aidé à tourner la page, à faire la paix avec lui et son départ si injuste.

C'était étrange au début, de ne pas avoir à se faire discret entre nous. Aujourd'hui, bien deux ans plus tard, je m'amuse a chaque fois que j'entends Izuku parler dans une pièce à côté. Il m'arrive même d'oublier que je ne suis potentiellement pas le seul autre occupant de nos rendez-vous.  Nous sommes jamais vraiment seuls de toutes façons. Je ne compte même plus le nombre de rendez-vous que nous avons passé dans un maudit cimetière. Et maintenant, nous franchissons un cap qui me paraît plus intime que la mort ou la caresse de sa main sur ma peau de la nuit.

Je hoche la tête et le prend dans mes bras. Je suis plus grand et la pointe de ses chaussures frottent contre le faux parquet brillant. Nos rires échos dans la pièce vide de meuble et les murs nus. Il n'y a même pas d'Âme en ce moment.

Je me sens heureux.

Enfin, jusqu'à ce que Izuku lâche un soupire las.

— Ça n'aura pas duré longtemps...

Je tourne le regard dans la même direction que lui. Nous n'avons peut-être pas encore de meuble, ni de noms scotché sur la boîte mais l'enveloppe d'un blanc immaculé et scellée par un cachet rouge sang sait parfaitement où nous trouver.

— C'est pour toi ou pour moi ? je demande en m'avançant vers le papier.

— Pour toi j'espère, j'ai eu ma dose la dernière fois... C'était une vraie peau de vache.

— Alors ça, c'est vraiment pas gentil.

Il hausse les épaules, dans un petit rire.

— Je saurai me faire pardonner j'imagine...

Je secoue la tête avec un sourire et attrape l'enveloppe. Sans hésiter, je casse de sceau et lis le nom, bien plus confiant que je ne l'ai jamais été. On verra bien lequel va être accosté.

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Ton nom noir sur blanc [TodoDeku]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant