Chapitre 25 : Imprévu

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Deux jours s'écoulèrent encore sans que Sanhild ne puisse visiter le bureau d'Aodan. Elle avait fini par retracer l'emploi du temps du jeune homme : il lisait dans la bibliothèque avant de retourner dans ses appartements pour dormir. Son bureau se trouvant directement contigu à sa chambre, si elle en croyait le bavardage des domestiques, il fallait le visiter lorsque le jeune homme était absent. Elle ne pouvait donc compter sur le sommeil de ce dernier pour agir.

En étant seule, il était difficile pour l'Officieuse de faire le guet et de s'assurer que les lieux étaient déserts sans se faire voir en cas d'arrivée impromptue d'Aodan. Il l'avait déjà croisée alors qu'elle patientait dans les couloirs pour jauger du temps qu'il mettait avant d'aller se coucher. Il n'avait pas paru s'en inquiéter, mais des rencontres inopinées et trop répétées finiraient par intriguer. Elle avait toujours estimé qu'il quittait la bibliothèque trop tôt dans la nuit. Mais, malheureusement, ce laps de temps ne suffisait pas à Sanhild pour effectuer une fouille efficace.

La jeune femme avait craint qu'il ne change de comportement en sa présence après leur brève conversation lors du dernier bal. Pourtant, Aodan ne parut ni gêné, ni rancunier, fidèle à sa capacité à ne montrer aucune émotion lorsqu'il le pouvait. Bregan ne devait pas lui avoir parlé, pas plus qu'il n'avait dû échanger avec Cierhan, car ce dernier continuait à faire à la jeune femme une cour assidue. Tant mieux, car le temps était devenu précieux à l'Officieuse dont l'enquête n'évoluait pas assez vite à son goût.

Elle avait rapidement écarté l'idée se débarrasser de Bregan pour éviter qu'il ne parle et lui attire des ennuis. Non seulement elle n'était pas censée tuer sans réfléchir à la première difficulté mais, de plus, comme pour Cierhan, elle se devait d'abord de savoir qui était, ou non, le traître. Supprimer la mauvaise personne ne ferait que lui compliquer la tâche et attirer l'attention sur elle. Si elle passait pour une intrigante auprès de Bregan c'était qu'elle jouait plutôt bien son rôle.

Peut-être en saurait-elle davantage si elle demandait directement au concerné pourquoi Bregan parlait de sa mort comme d'une évidence ? Difficile d'aborder ce sujet de front, surtout avec Aodan qui gardait toujours une certaine distance. 

Aussi, quand elle le rejoignit l'après-midi suivant, dans la bibliothèque, elle fut étonnée de surprendre un petit sourire de sa part.

- Vous savez, s'exclama-t-il alors qu'elle faisait semblant de se plonger dans le traité de tir à l'arc qu'il lui avait offert, je reste persuadé que nous nous sommes déjà rencontrés auparavant.

Sanhild se figea et dut faire un effort sur elle-même pour ne pas paraitre inquiète. Elle avait déjà beaucoup réfléchi à cette question et elle ne se souvenait vraiment de rien le concernant. Il avait une certaine prestance lorsqu'il se comportait comme le futur héritier qu'il était... ou n'était pas, elle ne savait plus. Cependant, la plupart du temps, il se montrait si discret qu'il ne risquait pas de se faire remarquer et de rester dans les esprits. Se pouvait-il qu'elle l'ait croisé durant l'une de ses précédentes missions ou bien pendant son entrainement ?

Elle s'imposa de le regarder sans ciller, bien que l'envie de quitter les lieux soit forte. S'il émettait des hypothèses qui s'avéraient un peu trop vraies et qu'il en tirait des conclusions dérangeantes...

- Je vous crois volontiers, messire, répondit-elle en lui rendant un sourire forcé. Cependant, je crains ne pas vous faire honneur. J'ai eu beau chercher en ma mémoire, je peine à me rappeler si je vous ai ne serait-ce que déjà croisé. Comment pouvez-vous être si sûr de vous ?

Cierhan aurait sans doute répondu qu'il ne pouvait oublier de tels yeux ou un si joli sourire, mais Aodan se contenta de froncer les sourcils en la dévisageant, pensif.

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