Les Effacés - Recueil de nouvelles

La Couturière

Le chef de la garde ouvrit de grands yeux, éberlué par la dextérité dont faisait preuve cette couturière à la réputation tant louée. Celle-ci venait alors d'attraper un couteau de céramique à la lame fort bien affûtée afin de tailler son patron dans un rouleau de satin mauve. La lame trancha bien nettement le tissu ; la découpe était plus droite encore que si elle avait été effectuée à l'aide d'une paire de ciseaux. Une fois la pièce de tissu prête, la couturière s'en saisit et alla vivement l'enrouler autour de la taille de l'un de ses mannequins en bois, maintenant le textile en place à l'aide d'épingles d'argent. Bien vite, une jupe élégamment plissée prit forme. Son ouvrage achevé, la femme, mains dans le dos et l'échine courbée, tourna lentement autour de son travail, l'examinant sous toutes les coutures et hochant la tête d'un air appréciateur. Satisfaite, elle se redressa et jeta une œillade victorieuse aux membres de la Garde.

— Eh bien, je pense vous avoir fourni une prestation plus que convaincante, représentative de mes capacités. Ces Messieurs estiment-ils mon talent suffisant pour satisfaire les attentes de Sa Majesté ? demanda-t-elle.

Dans quelques mois aurait lieu le baptême de la jeune princesse, future héritière du trône, et la reine cherchait pour sa fille une somptueuse robe de cérémonie. Ayant ouï le talent fou et insolent de Mme Carole, elle avait chargé une escouade de s'assurer des capacités de cette couturière et, dans le cas où elles seraient à la hauteur de sa renommée, de la ramener à la capitale.

Les yeux de la couturière brillaient d'un air de défi, semblant crier : "Osez seulement répondre par la négative et je saurai que vous mentez." Mme Carole se savait à même de répondre aux attentes de sa souveraine.

Le commandant s'apprêtait à lui répondre d'un ton acerbe quand il se ravisa. La couturière afficha un sourire rayonnant et nargua :

— Vous qui doutiez de mes capacités, je vous vois là bien étonnés de ma prestation.

Le plus jeune garde avança :

— Reconnaissez... qu'il est difficile d'imaginer des résultats dignes des plus grands quand on connaît votre manière de procéder. Vous avez une maîtrise technique remarquable, c'est indéniable, mais vous êtes une artiste bien peu conventionnelle.

La jeune femme balaya l'air de la main gauche :

— Je le comprends, il est également vrai que le bouche-à-oreille est loin d'être fiable, mais tout de même... Trancher la matière au couteau est le meilleur moyen d'obtenir une découpe droite et précise, quand on sait s'y prendre.

Un contrat fut signé et la couturière, escortée au palais, passa deux mois à confectionner la tenue. Quant à la jeune héritière, on raconte qu'à son baptême, le col de sa robe se durcit brutalement au contact de l'eau du prêtre, et lui trancha la gorge.

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On raconte également que j'adore faire des chutes spécialement abruptes x) Plus sérieusement, cette fin n'est pas bâclée, il s'agit d'un choix artistique à part entière ; il plaît ou ne plaît pas, mais... Je voulais simplement dire que je n'avais pas bâclé mes textes ^^'