Mai - 11.

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— J'en ai marre !

— Arrête donc de te plaindre, soupira Yann. Ce n'est pas en regardant nos mails toutes les deux heures que ça ira plus vite.

Victor se massa les tempes. Cela faisait à présent un bon moment que les deux artistes avaient envoyé leur roman à plusieurs maisons d'édition. Mais pour l'heure, ils n'avaient reçu aucune réponse. Le silence radio pesait sérieusement sur le moral du brun, bien qu'il se gardait de le dire à son compagnon.

— Tu ferais mieux de te concentrer sur tes notes...

— T'es rigolo, toi ! Je fais comment avec un beau gosse juste en face de moi ?

— Si t'es sage, le beau gosse pourrait être très gentil... Quoi que, même si tu n'es pas sage...

Le clin d'oeil que Yann lui adressa réveilla une armée de frissons et de papillons dans tout son corps. Le souvenir de cette nuit torride continuait de ronger tout son corps. Il inspira longuement pour dissiper le courant électrique qui le picotait dans le bas ventre.

— C'est pas le moment, grommela Victor.

— Au contraire... C'est parfait.

— Pervers... On est au bahut, là. On fera ça plus tard.

— Ouais, t'as raison. De toute façon, ce n'est pas comme si on en avait la possibilité.

— Pourquoi ?

Il n'eut besoin d'entendre Yann ; la réponse arrivait, perchée sur ses talons. Doriane se rapprochait et fut bientôt sur eux.

— Salut les gars. Vous allez bien ?

— Plutôt bien. Et toi ?

— Super. Je peux te parler deux minutes, mon poulet ? Seul, je veux dire.

Bien sûr, comme toujours, elle ne s'adressait pas à Victor. C'était à peine si elle le regardait. Elle avait la fâcheuse tendance de ne fixer que son meilleur ami lorsqu'elle venait discuter avec eux.

— Euh... Oui, bien sûr, hésita Yann.

— Elle va pas te bouffer, vas-y, j'attendrai.

— Bon, tu viens ? Allez, Yannou ! Suis-moi.

— Ok, bon ben...

Yann se leva et suivit donc sa meilleure amie. Victor soupira et sentit son corps se relâcher, toujours crispé lorsqu'elle se trouvait dans les parages. Il se tassa sur son siège et tenta de reprendre sa lecture. En vain. Il se demandait bien ce qu'elle voulait. Pourquoi désirait-elle s'entretenir seule avec le blond ? Il espérait seulement qu'elle ne dirait rien de dérangeant sur lui. Et il espérait surtout que Yann ne lui parle pas de ce qu'ils avaient fait ce soir-là. Il imagina tout un tas de possibilités, mais aucune ne lui convenait vraiment.

Posant sa tête au creux de sa main, il lut quelques lignes de son cours, grattant la feuille devant lui de son crayon à papier. L'exercice était plus ennuyant encore qu'il ne le pensait. Il l'abandonna bien rapidement. Il leva donc la tête et entreprit d'observer le peu de lycéens qui voguaient entre les rayons ou chuchotaient autour de tables sur lesquelles trônaient plus de portables que de cahiers.

La bibliothèque... Dire que tout avait commencé ici. Cela ne faisait que quatre mois, et pourtant, une éternité semblait s'être écoulée depuis. Une éternité de bonheur, de plaisirs, de moments où s'étaient mêlés la joie et le désespoir, les questions et les réponses, les désirs et les regrets. Yann avait débarqué ce jour-là comme une explosion atomique qui avait balayé toutes ses certitudes. Une simple phrase avait soufflé sur son existence les vents de l'amour.

Lie tes raturesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant