01. visions of Gideon

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[Chanson: Visions of Gideon, Sufjan Stevens]

Choerry avait les cheveux bruns, Seungmin les avait rouge bordeaux. Ça faisait un contraste quand il l'attrapait par derrière pour la chatouiller. Jiwoo avait une frange, et un blond vénitien qui lui allait très bien. Avec mes cheveux noirs, ça faisait un arc-en-ciel détonant sur le bleu de la mer. C'est bête, peut-être, mais c'est la première chose qui m'a frappé dans le petit groupe qu'on a commencé à former.

Enfin, ça, c'est après être tombé amoureux de ta couleur de cheveux, à toi. Un roux scintillant, des bribes d'automne sous ce soleil estival un peu trop fort. Ce roux, il allait tellement bien avec ton sourire. Avec tes tâches de rousseurs. Avec ton être tout entier, qui semblait vibrer de couleurs chaudes. Tes cheveux me fascinaient, je crois que tu ne soupçonnais pas à quel point j'aimais passer ma main dedans quand tu t'allongeais sur le sable et posais ta tête sur mes genoux.

On se voyait tous les jours. Le matin, on allait parfois marcher sur les sentiers, on explorait les collines, les endroits cachés que seul un solitaire comme moi avait pris le temps de découvrir. Vous aimiez bien ça, faire les aventuriers, s'inventer des cabanes, vous disiez que ça vous rappelait votre enfance. Et moi, ça me plaisait de vous entendre raconter ces histoires, de vivre à travers vos mots une enfance si différente de la mienne. Vous n'aviez jamais vécu seuls, mais vous ne me le faisiez pas ressentir. En vous écoutant, j'avais l'impression, moi aussi d'avoir eu des amis, ou des cousins, avec qui jouer dans la pinède.

Surtout toi, Felix. Tu avais un nombre important, si important, de personnes dans ta vie. On aurait pu se demander comment tu avais encore le temps de passer du temps avec nous, mais on a oublié cette interrogation, parce que la réponse semblait naturelle. On était ensemble, c'était tout, et personne n'y pensait à deux fois. C'était assez grisant pour moi, je crois.

L'après-midi, on allait à la plage, quand on arrivait à se motiver pour marcher un peu, le temps de s'éloigner de la foule. On trouvait un petit coin de sable entre deux rochers, et on y restait jusqu'au soir, avec l'impression que la mer n'appartenait qu'à nous.

Le soir, on ressortait, souvent. C'était souvent toi qui nous entraînais, d'ailleurs. Mes grands-parents n'en revenaient pas, ils ne comprenaient pas un changement si soudain d'attitude. Je n'arrivais pas moi-même à le comprendre totalement, du moins je crois que je cachais l'évidence au fond de mon subconscient. Tu m'attirais, comme un aimant, dès que j'avais l'occasion de te voir, de vous voir, je n'avais pas envie de refuser. Le changement était si soudain que je préférais me voiler la face, et considérer que c'était normal, qu'il n'y avait rien d'anormal à sortir avec des amis – tout le monde fait ça, non ?

Je me suis rendue compte plus tard que non, peut-être pas autant. Du moins, pas tout le monde. Qu'il y avait quelque chose de trop fusionnel dans notre groupe, que je n'avais pas envie d'expliquer à mes grands-parents. Pour une fois que quelque chose non-ordinaire m'arrivait.

Avec le recul, je me demande s'ils savaient. Je leur parlais beaucoup de vous, de toi. Peut-être qu'ils avaient deviné ce qu'il se passait. Et je leur suis reconnaissant de ne pas me l'avoir dit, parce que c'était une réalité que je n'étais peut-être pas prêt à accepter.

***

Le soir, on allait sur la grande plage, déserte à cette heure. On marchait, encore, on courait en criant à la lune. Toi et moi devant, parfois main dans la main, nos pas chaotiques foulant le sable, loin devant les trois autres, qui se baladaient tranquillement au rythme de la musique.

Je voyais ton sourire, encore ce sourire, ce sourire bleu sous la lune et les vagues. Ce sourire qui faisait presque disparaître tes pupilles. Malgré ça, jte jure, je pouvais y décerner le reflet de quelques constellations que tu avais emprunté aux cieux.

Et puis ta main, toute petite, qui se noyait dans la mienne, qui s'appuyait sur elle quand tu te penchais pour me chuchoter des secrets à l'oreille. Tu me disais des choses que je n'avais jamais entendu, des choses sur l'univers que jamais je n'aurais soupçonné. Je ne sais pas si tu les inventais, mais je m'en fichais – d'une certaine façon, je préférais mille fois découvrir ton univers à toi.

Puis, souvent, on grimpait sur les rochers, ceux du bout de la plage, où les autres finissaient par nous rejoindre. On regardait la mer, la plupart du temps t'étais affalé sur moi, ou alors tu posais ta tête sur l'épaule de Seungmin. Je crois que si j'avais pu, je t'aurais gardé toute ma vie entre mes bras. Et j'aurais admiré la courbe de tes lèvres, qui reflétaient légèrement la lumière de la lune, comme un écho discret au pendentif argenté autour de ton cou. Ce pendentif, c'était une boussole, et jme suis souvent demandé pourquoi, sans jamais oser te demander. Je crois qu'au fond, je connaissais la réponse, et que je n'avais pas envie de l'accepter.

Toi aussi, t'étais perdu, hein Felix ?

summertime sadness ʲᵉᵒⁿᵍˡᶦˣDonde viven las historias. Descúbrelo ahora