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- Comment ça, tu ne l'as dit à personne ? répétai-je en fronçant les sourcils.

- Je n'ai pas eu le courage de le faire, avoua ma mère, les joues rouges.

- Qu'est-ce que tu as bien pu inventer à Inès, Danaé et Guillaume, alors ?

Inès et Danaé étaient mes petites soeurs, Guillaume, mon beau-père.

- A eux, je leur ai dit, forcément. Je n'avais pas le choix.

- Qui ne le sait pas, alors ?

- Tout le monde à part eux.

- Bon, et bien, tant pis. Ou plutot tant mieux. Maintenant que c'est fini et que je suis bien vivante, ils n'ont pas besoin de savoir, raisonnai-je.

- Tu ne m'en veux pas ?

- Non, dis-je, et c'était vrai.

Qui aurait le courage de dire à sa famille que son enfant va participer à une guerre et qu'il risque de mourir ?

J'ouvris un autre sachet qui contenait un donut au chocolat et demandai :

- Comment ont réagi Inès, Dana et Guillaume quand tu leur as dit ?

- Au début, ils ne m'ont pas crue. Ils étaient persuadés que je leur faisais une blague. Ce n'est que le lendemain qu'ils ont été forcés de me croire, car ils ont bien vu que tu ne rentrais pas à la maison. Danaé et Inès ont pleuré chaque jour où tu n'étais pas là. Guillaume s'est renfermé sur lui-même et n'a presque plus parlé depuis. Ils vont être sacrément contents de te voir, crois-moi.

- Je n'en doute pas, dis-je en croquant dans le donut.

Puis, j'expliquai à ma mère toute l'histoire avec Océane. A la fin, elle en resta stupéfaite.

- Impossible, dit-elle, sous le choc.

- C'est ce que je croyais aussi, et pourtant, c'est bien réel, répliquai-je.

Nous parlâmes tellement cette journée-là que ma mère ne travailla quasiment pas. Vers seize heures, on rentra chez nous. Dès qu'elle me virent, mes deux petites soeurs se jetèrent sur moi, en larmes. Tout en les serrant contre moi, je vis mon beau-père me sourire, les larmes aux yeux. Je lui rendis son sourire puis me détachai de mes soeurs et le pris dans mes bras.

- Tu m'as manqué, Célia, me murmura-t-il à l'oreille.

- Toi aussi, dis-je en fermant les yeux.

Et, pour la je ne sais combien de fois, je racontai tout ce qu'il s'était passé depuis le "grand jour" où monsieur Kala nous avait annoncé qu'on allait faire la guerre.

- Tu as été très courageuse, dit alors Guillaume.

- C'est grâce à vous que j'ai survécu.

- Comment ça ?

- C'est grâce à vous que je ne suis pas morte, c'est grâce à vous que j'ai trouvé le désir de survivre. Et vous savez pourquoi ? Parce que vous êtes les personnes que j'aime le plus au monde, et qu'à chaque fois que je devais combattre quelqu'un, je me disais : "Ne meurs pas. Tes amis et surtout ta famille ne le supporteraient pas."

Avec stupéfaction, je vis mon beau-père pleurer pour la première fois depuis que je l'avais rencontré, c'est à dire quatre ans.

- Pourquoi tu pleures ? lui demandai-je en lui prenant la main.

- Pour rien, répondit-il en serrant la mienne. Je suis content que tu sois de retour, c'est tout.

J'eus un sourire malicieux.

On meurt pour une aveugleWhere stories live. Discover now