Chapitre 2 : seul face au monde

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Keres, 11 ans :

Dix ans.

Dix ans. Un nombre si petit, un nombre tout rond, un nombre qui a marqué le début de ma descente dans les abysses de l'enfer.

Dix ans.

C'est aussi le nombre d'années depuis que j'ai enduré ce calvaire.

Je déteste ce nombre.

Dix ans. Tout s'est écroulé. Je n'étais qu'un enfant. Mon père, ma mère, ma sœur jumelle. Tous les trois décédés dans les flammes de l'enfer, sauf moi, le survivant damné à supporter le poids d'être toujours en vie.

Mon père, cet homme que je déteste, ivre mort, fait tomber sa bouteille d'alcool au sol. Comme toujours. Mais c'était la fois de trop, la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Ma génitrice à ses côtés sursaute, et fait tomber sa cigarette au sol sous le bruit strident du fracas du verre.

Puis, une étincelle. C'était déjà trop tard. Une flamme ardente et dévastatrice naît au cœur de l'alcool qui tâche la moquette délabrée. La maison brûle. Ma mère, mon père, ma sœur, en criant d'agonie et suffocant dans la fumée.

Tous, sauf moi. Ma soeur que j'aimais tant, celle qui rendait ma vie remplie de noir et de blanc en couleurs vives et resplendissantes. Diana, voilà son nom qui a lui aussi péri dans les flammes.

Les pompiers sont arrivés, j'étais le seul survivant. On m'a placé sous la garde de ma seule famille restante, mon oncle, le frère de ma mère.

Horrible ordure, je ne lui souhaite qu'une seule et même chose : qu'il rejoigne le reste de ma famille en enfer. Je veux qu'il crève dans d'atroces souffrances, qu'il subisse chaque secondes de sa misérables vie toutes les infâmes choses qu'il m'a faite, et qu'il se mette à mes pieds en me suppliant d'arrêter comme le vulgaire et misérable homme qu'il est. Exactement comme je faisais, sauf que je ne l'épargnerai pas, comme il l'a fait encore une fois.

Je me suis échappé. Le plus loin possible. Courant à en perdre haleine. Je sombrais dans les rues de Londres, seul, livré à moi-même. La faim, le froid, la soif, le sommeil, la peur, la haine et la rage me rongeaient la peau à chaque inspiration que mon corps produisait. J'avais l'impression de m'étouffer.

Mais j'avais un espoir. Celui de me faire sauver.

Les Héros de la ville étaient si grands, majestueux, gentils, et protecteurs envers la capitale du pays. C'est ce que se disait le petit Keres à ses onze ans, une once d'attente à se faire secourir battant dans son cœur rempli de fissures.

En effet, dans ce monde infâme régnait une justice pure ; des héros, qui étaient nés dotés de pouvoirs et d'habiletés que le commun des mortels n'avait pas.

Enfin, cette justice pure, c'est ce que je pensais.

Un jour, la faim était trop grande. Je ne voulais pas continuer à chercher de la nourriture au fin fond des poubelles délabrées des ruelles.

Je m'étais approché d'une petite épicerie. La porte était grande ouverte. Le gérant ne prêtait même pas attention à ma sinistre personne. Plus personne ne me regardait depuis longtemps, les regards des gens me fuyaient quand ils me croisaient mendier dans la rue.

Je vis alors un sandwich, mon ventre gargouilla. Je restais quelques secondes à le fixer tant la faim me mettait dans une phase. Ma main se tendit vers la nourriture, hésitant, puis mes doigts le prirent d'un coup en se crispant sur l'emballage. Je me dirigeai pas à pas vers la sortie en baissant la tête, tremblant de peur et le visage pâle face au délit que j'allais commettre.

Good villainWhere stories live. Discover now