Chapitre 2: Un soutien insoupçonné

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Les trois jours, qui avaient suivis cette tragédie, étaient passés à une vitesse fulgurante... La totalité du château semblait avoir revêtu son long manteau de deuil, tout comme la plupart des élèves.
Par respect, par curiosité, ou par pitié, personne ne pouvait réellement le dire, mais une chose était certaine, Poudlard n'avait jamais connu une tranquillité aussi morbide depuis l'arrivée de James Potter dans l'enceinte de l'école... C'était vide de vies, vide de plaisanteries, vide de rires. Même le jeune homme avait arboré le visage de l'impassibilité, comme si tout cela ne faisait que couler sur lui sans jamais s'imbiber dans ses pores.
Seule et unique façon pour James de continuer à vivre, à survivre, malgré cette béance dans sa poitrine.

McGonagall lui avait donné une autorisation de ne pas se rendre en cour le vendredi, profitant de cette journée et du week-end pour retourner chez lui à Godric's Hollow, mais James avait catégoriquement refusé. Impossible de retourner dans sa maison, et de constater de ses propres yeux que son père n'y était pas... James n'était même pas certain de vouloir se rendre à son enterrement lundi après-midi.
Toute trace de courage semblait l'avoir déserté... ce qui le rendit encore plus léthargique.

Le vendredi, il s'était installé en classe, à sa place habituelle entre Sirius et Remus, et n'avaient pas ouvert la bouche de toute la journée. Ni pour fanfaronner, ni pour faire les yeux doux à Lily, ni pour embêter leur professeur de Sortilèges, et encore moins pour discuter allègrement avec ses meilleurs amis.

Le corps de James était bien présent à chaque cour, mais son esprit, lui, n'y avait jamais mis les pieds. Il était devenu en moins de vingt-quatre heures cette coquille vide, sans âme, sans pensées, sans sentiments pour animer cette enveloppe vide de vie.

Le samedi était arrivé, et tout comme la veille, James semblait être absent... Il s'était installé sur un des fauteuils de la cheminée et avait fixé les flammes toute la journée. Sans manger, sans sourciller, sans broncher.
Lily s'inquiétait vraiment à son sujet, allant même jusqu'à se demander si James respirait un minimum...

Il avait annulé l'entraînement de quidditch du samedi après-midi, et celui du dimanche matin, ne désirant même pas voler sur son balai. Il n'avait plus goût à rien... Même se transformer en cerf lui semblait infaisable, au-dessus de ses forces. Et puis, il aurait fallu qu'il traîne sa carcasse vide jusqu'à la forêt interdite et ce n'était pas possible. Il ne savait même pas s'il était encore capable de mettre un pied devant l'autre, tant la douleur l'avait assommé.

Quelques élèves étaient venu prendre de ses nouvelles, mais en vain. Il ne leur avait même pas adressé la parole. Ni un sourire. Aucun mouvement de tête. Rien qui aurait pu laisser penser que son cerveau avait enregistré ce qui s'était passé.
Ses yeux chocolats habituellement si brillant, n'était que sécheresse et malheur. Et Lily n'arrivait plus à le supporter... Elle n'arrivait plus non plus à supporter le défilé d'idiotes qui passaient sous son nez pour tenter de remonter le moral du jeune homme. Elle avait juste envie de les décimer une à une.

La rouge et or avait cette désagréable sensation de retour en arrière et d'incompréhension... Elle savait par quelle étape était en train de passer James. Le choc, le déni, la tristesse, la résignation, l'acceptation, la reconstruction... Il voulait être seul. Elle avait respecté ce choix mais à présent, au bout de trois jours, en ce dimanche soir, ce n'était plus possible pour elle de faire comme si de rien n'était.

Elle avait besoin de savoir que ça allait au moins un minimum. Ou un sentiment qui pouvait s'en rapprocher le plus.

Que James ne la taquine plus, l'inquiétait fortement, la rendait triste même, mais en connaître la raison, la mettait hors d'elle... Comment lui montrer qu'elle était là pour lui? Alors que leur relation était d'une telle complexité que tout pouvait prêter à confusion ou être interprété à l'envers?

Oui c'est vrai, ils faisaient partis de ces individus qui n'arrivaient pas à se parler de manière civilisée, sans se sauter à la gorge ou de rire des déboires de l'autre. Oui c'est vrai, James Potter pouvait être cet adolescent arrogant et égocentrique, mais tout comme Lily pouvait être cette fille hautaine et indécise. Comment réussir à corréler leur caractère si fort et si orgueilleux? C'était d'une complexité extrême où seuls eux pouvaient avoir les clés pour y remédier...

Pourtant la jeune fille devait bien s'avouer que depuis quelques semaines leur relation avait évolué... Positivement ou pas, elle ne le savait pas réellement. Elle savait juste que cela avait changé. Elle se surprenait à rire timidement des idioties de James même si pour rien au monde elle ne l'aurait avoué...
De toute façon c'était comme ça depuis le début. Ils étaient sans cesse dans un contrôle perpétuel de leur espace vital par rapport à celui de l'autre. Comme si tout débordement pouvait amener une nouvelle tournure dans leur relation.

Mais aujourd'hui, tout était différent...
James venait de perdre son père et rien ni personne ne semblait savoir quoi faire pour l'extirper de ce brouillard traumatisant qui clouait son esprit dans les abysses d'un malheur certain.

Peut-être qu'elle, Lily Evans, pourrait y arriver. Peut-être... Et c'était exactement ce à quoi elle pensait lorsqu'elle le vit rentrer dans la salle commune, ce dimanche soir, après qu'il ait été faire un tour dans le bureau de Dumbledore pour prendre des nouvelles de sa mère et de l'avancement des préparations des funérailles. Bien qu'il soit toujours décidé à ne pas y aller...
C'était la seconde phase... Le déni!

Il avança jusqu'au canapé, contournant tout le monde qui s'était retourné vers lui, un petit sourire réconfortant sur les lèvres, alors que son regard raclait inlassablement le sol.

Lily respira un bon coup et marcha droit dans sa direction, un peu hésitante au démarrage mais elle devait bien s'avouer que les battements de son coeur avait pris le pas sur les tremblements de ses jambes.
La jeune fille arriva en face de lui, l'empêchant de continuer son chemin tout droit, telle un automate. Elle tendit la main vers son poignet et posa timidement ses doigts contre son avant-bras.

- Comment tu te sens? osa-t-elle demander, en un bas murmure.

Ses yeux n'avaient pas quitté le point de contact entre sa main et son avant-bras, et elle avait l'impression que le temps venait de se suspendre avec cette simple phrase.
Cela semblait tellement dérisoire... mais qu'aurait-elle pu dire à la place?

Elle releva son regard vers les yeux inexpressifs de James et constata que ses sourcils venaient de se froncer. Il retira sa main, lasse, avant de secouer la tête.

- Comment je me sens? répéta-t-il, dubitatif. Au sommet de ma forme! termina-t-il en contournant Lily, mais cette dernière l'arrêta en posant de nouveau sa main sur son bras.
- James, arrête, repris-t-elle, tout bas. Tu ne peux pas continuer comme ça...
- Franchement Evans, ce n'est pas le moment pour venir me prendre la tête, lança-t-il sans même relever le fait qu'elle ait utilisé son prénom.

Il s'était toujours dit que la première fois qu'elle l'appellerait James, il sentirait tout son coeur vibrer. Ça le rendrait tellement heureux qu'il l'embrasserait sur place. Sauf que dans ses rêves, la scène n'était pas du tout censée se passer de cette manière.
Il s'attarda quelques instants sur la bouche pulpeuse de Lily, puis sur ses yeux en amandes, inquiet, avant de détourner la tête de manière définitive. Il n'arrivait pas à passer outre cette douleur qui le ravageait de l'intérieur, lui rongeant les os jusqu'à la moelle.
Et voir la pitié se peindre sur le visage angélique de la jolie rousse ne faisait que mettre sa peau et sa chair à vif.

- Arrête, répéta-t-elle, doucement, désemparée de le voir aussi réfractaire même à son contact à elle. Ne me repousse pas...
- C'est étrange, non? De voir les rôles s'inverser!

Il secoua la tête, nerveusement, alors que les yeux de Lily venait de s'embuer de larmes, peu habitué à entendre une voix aussi cassante, aussi impassible sortir de la bouche de James Potter. Elle préférait largement l'entendre rire aux éclats et débiter tout un tas d'idioties à la seconde, que de le voir s'enliser dans cette peine étouffante.
Elle ouvrit la bouche, mais se ravisa, peu certaine si elle devait, ou non, continuer cette échange.

Il y avait encore un bon nombre d'élève autour d'eux, mais Lily s'interdisait d'y penser.
Que tout le monde raconte ce qu'il avait bien envie de raconter, elle s'en moquait royalement. La seule chose qui la préoccupait était de savoir James si malheureux. Elle ne le supportait pas, sans vraiment savoir pourquoi, comprendre ce qui la faisait se tenir aussi droite face à lui et son regard noir, alors qu'elle aurait pu de ne pas y accorder autant d'importance.

Lily n'aurait jamais été aussi inquiète, aussi triste... même si cela avait été le cas d'un autre de ses amis, d'un autre élève. Mais James Potter n'était pas n'importe qui. Il était... tout simplement lui! Et Lily voulait qu'il aille mieux. Par tous les moyens. Même si cela voulait dire se faire ratatiner devant tous les gryffondors... Elle était courageuse, elle s'en remettrait facilement. Par contre, pour James, c'était une autre histoire. Allait-il s'en remettre un jour?

- Je sais ce que tu ressens, lui dit-elle, la gorge nouée, en ignorant sa dernière réplique.
- Non Evans, tu ne sais pas! s'agaça James. Personne ne sait!

Il fronça les sourcils, l'obligeant alors à s'écarter pour qu'il puisse rejoindre son dortoir librement. Mais dès qu'il s'avança vers les escaliers en colimaçon, il sentit le regard brûlant et peiné de Lily lui lacérer minutieusement la nuque et le dos, et cela même à travers sa veste et son sweet.
Sensation assommante.

Mais ce qui fût le plus assommant dans cette situation, résidait en la dernière phrase que venait de lâcher Lily en pleine milieu de la salle commune, ravageant alors tout sur son passage comme un tsunami au beau milieu de la barrière de corail.

- Mes parents sont morts cet été...

La respiration de James se glaça dans sa poitrine alors que la totalité de la pièce semblait s'être fait aspirer dans une autre dimension tant le silence était devenu lourd et assourdissant.
Il se retourna difficilement vers la jeune fille, et lorsqu'il vit quelques larmes rouler le long de ses joues, qu'elle essuya machinalement avec le revers de sa manche, James eu l'impression qu'on venait, brutalement, de le ramener sur terre, ancrant ses pieds solidement au parquet de la salle commune.

Le visage de Lily, soucieux et larmoyant, était sans nul doute la seule et unique image, la seule et unique chose, qui semblait l'atteindre, au plus profond de lui, depuis trois jours. Depuis qu'il avait appris le décès de son père...


Les Traces EcarlatesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant