Chapitre 5: Les points sur les "i"

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Deux semaines.

C'était le temps qui s'était écoulé depuis que James était revenu de l'enterrement de son père, complètement assommé par le chagrin, au point de se réveiller le lendemain matin surexcité dont le seul et unique but était d'oublier toute cette peine, et toutes ces lacérations qui lui tailladaient le coeur sans relâche, à chacun de ses moments de calme.

Deux semaines.

C'était aussi le temps qui s'était écoulé depuis que James ressortait avec Dorcas.
Au début, leur relation semblait avoir repris là où ils l'avaient laissée, il y a de cela un an, mais en fait, Dorcas était bien plus intrusive dans sa vie qu'il ne l'aurait imaginé. Pourtant, James ne lui disait rien... Au contraire. Il se laissait porter, au gré des flots, en décidant tout de même de ce qu'il avait envie de faire. Et sa petite amie ne le contredisait jamais. Elle avait bien trop peur de le perdre pour ça... Alors elle le laissait sécher les cours quand il en avait envie. S'entraîner avec des cognards sur le terrain de quidditch, après que James les ait ensorcelés pour les rendre plus tenaces. Boire plus que de raison les vendredis et les samedis soir. Se lever très tard, et se coucher encore plus tard. Ne pas rendre ses devoirs en temps et en heures. Et ne pas l'obliger à répondre aux lettres que lui envoyait sa mère.
En fait, Dorcas Meadowes n'était pas le catalyseur d'énergie dont avait besoin James. Non. Elle était simplement la personne qui le laissait vivre, et faire absolument tout ce qu'il voulait. Et plus elle allait dans son sens, et plus elle espérait que James Potter retomberait amoureux d'elle.

Deux semaines.

C'était surtout le temps qu'il avait fallu à Lily pour comprendre que cette situation entre James et Dorcas ne pouvait plus durer. Cette dernière le laissait s'enliser, au lieu de le maintenir vers le haut. Ce n'était pas en cédant à tous ces caprices, qu'elle allait le garder près d'elle, et qui allait lui permettre d'aller mieux... Lily en était persuadée. Et tout ce qu'elle voulait c'était que James aille mieux!
Pourtant, elle avait pris sur elle. Beaucoup. Beaucoup trop, peut-être.
Tous les soirs, la jeune rouge et or recopiait ses notes de la journée en double, pour au final, aller déposer la seconde version sur le bureau de James, dans son dortoir. Bien souvent, avec un petit mot de sa part. Pour au final, que son bureau soit recouvert de papiers de l'écriture de Lily sans qu'il ne prenne le temps de les consulter ou de la remercier. De manière officielle en tout cas. D'ailleurs, Remus était convaincu que James ne s'en rendait même pas compte. Ni des notes de Lily, ni de ses petits mots, et encore moins des friandises qu'elle lui laissait avec ses copies.
En fait, James Potter ne se rendait plus compte de rien. Mais Lily s'en moquait. Elle voulait juste qu'il puisse compter sur quelqu'un d'assez stable pour quand il se réveillerait de son moment d'absence. Et elle espérait être cette personne stable... En tout cas, Lily se trouvait être bien plus stable que Dorcas Meadowes qui vivait sur la fortune de ses parents, protégée par le post à hautes responsabilités de son père au Ministère.
A l'inverse, la jeune Gryffondor était, certes, orpheline, mais elle avait au moins le mérite de s'en sortir seule et avec dignité. Et c'était ce qu'elle voulait pour James... qu'il s'en sorte seul et avec dignité!


**********


Les Gryffondors et les Serdaigles de septième année étaient réunis dans la salle de métamorphose pour cette première heure de cours, et une fois que le professeur McGonagall avait noté le sujet du prochain devoir sur le tableau, l'atmosphère se fit plus silencieuse.
Les élèves commencèrent à rédiger quelques idées sur leur parchemin, voire la base d'un plan pour les plus inspirés comme Sirius Black, afin de mieux répondre à la problématique du devoir « Etre un animagus est-il un art? ». Mais le silence ne resta pas longtemps dans la classe.

A peine le professeur McGonagall venait d'annoncer que le devoir serait à rendre pour le lundi suivant, que la porte de la salle claqua violemment, laissant apparaître alors James Potter, décoiffé au possible, sans sa cravate d'uniforme ou son sac de cours, un sourire arrogant sur le visage.

- Désolé, s'excusa-t-il en se laissant choir sur sa chaise, entre Remus et Sirius.
- Merci de nous honorer de votre présence, Mr Potter, répondit McGonagall d'une voix sèche, avant de pincer fortement les lèvres.
- J'ai loupé mon réveil, marmonna-t-il.
- Dois-je venir vous réveiller moi-même pour que vous descendiez à l'heure? demanda-t-elle en croisant ses bras sur sa poitrine.
- Non, répondit James, gêné.
- Alors c'est la dernière fois! prévint le professeur de Métamorphose.

Mais James ne l'entendit pas de cette oreille. Il leva les yeux au ciel, et son professeur préféra ignorer cette provocation. Elle avait une bien meilleure idée en tête. Et elle espérait de tout coeur, que cela allait jouer en sa faveur.

- Vous viendrez me voir à la fin de l'heure, Mr Potter! ordonna-t-elle.

Le jeune homme soupira, et le cours repris là où il s'était arrêté.

- Il va falloir que tu te ressaisisses, Cornedrue, lui dit Sirius en le dévisageant.
- Oh lâche-moi, bougonna James en sentant sa bonne humeur tomber aux oubliettes.

De toute façon, c'était comme ça depuis deux semaines.
Dès que James se retrouvait en compagnie des Maraudeurs, ou d'Alice et Marlène, il avait subitement envie de hurler tant leur inquiétude l'agaçait. Il avait l'impression d'être materné à tout bout de champs. Et ça lui était insupportable. Pourtant il ne pouvait s'empêcher de revenir toujours à eux... Ils étaient sa famille depuis sept ans maintenant.
Pourtant, paradoxalement, il essaya par tous les moyens de se tenir à distance d'eux, de Sirius, qui le connaissait trop bien, et surtout d'elle. Lily Evans. Elle lui rappelait sans cesse ce qu'aurait pu être sa vie s'il n'y avait pas eu le décès de son père...

Combien de fois s'était-il imaginé la présenter à ses parents? A son père? Des dizaines de fois... Et maintenant, ce n'était plus possible.

Il n'en pouvait plus de croiser ses grands yeux verts tous les matins au petit déjeuner, de sentir son odeur de fleurs des champs tous les après-midi en étude, de l'entendre rire timidement tous les soirs au coin du feu, et par-dessus tout, il n'en pouvait plus de voir ses notes sur son bureau! Comme s'il n'était pas capable de les prendre soi-même! C'était d'un ridicule sans nom. Mais il devait bien s'avouer que la regarder chaque jour à la dérobée, était tout de même d'une douceur sans égal. Il arrivait à faire le vide dans son esprit, à trouver ce fil harmonieux entre la colère, la tristesse et la résignation, chose qui n'était pas faisable avec Dorcas. Mais c'était encore trop délicat, trop subtil, pour que James en prenne pleinement conscience...

- Tu ne prends pas de notes? s'inquiéta Remus, en fronçant les sourcils.
- Je n'ai pas de stylo, répondit James en haussant les épaules. Et puis, je maîtrise déjà le sujet, lâcha-t-il en montrant du menton le titre du devoir.

Remus se retint de soupirer, essayant de se rappeler que si son meilleur ami était aussi insupportable, c'était parce qu'il souffrait. Alors il laissa une nouvelle fois son tempérament de feu glisser sur lui, et reporta son attention sur les explications du professeur McGonagall.

A la fin du cours, James se traîna à contrecoeur au bureau de son professeur et celle-ci attendit que la totalité des élèves aient quitté la salle, puis d'un coup de baguette magique, elle referma la porte à double tour, ce qui surprit le jeune Gryffondor.

- Savez-vous depuis quand je connais vos parents? demanda le professeur McGonagall, le visage fermé.
- Non..., répondit James. Enfin... depuis longtemps, je présume?
- Je connais votre mère depuis 1933! Et votre père depuis 1938! Pensez-vous que je sois assez idiote pour ne pas savoir ce qui se passe dans votre tête? Ou la difficulté de votre contexte familial?
- Non, marmonna James en plantant ses yeux sur le bureau, désireux de se trouver partout, sauf ici, devant la meilleure amie de sa mère.
- Et savez-vous depuis quand je vous connais? continua-t-elle en essayant de se radoucir.

Le jeune homme haussa les épaules. Il n'avait pas la réponse.

- La première fois que je vous ai vue, Mr Potter, c'était un 18 avril... 1960, précisa-t-elle en arquant un sourcil, insistant bien sur l'année.
- 1960? répéta James, étonné. Mais c'est...
- Trois semaines après votre naissance, oui! coupa-t-elle en pinçant ses lèvres.
- J'ai vu le bonheur dans les yeux de vos parents d'avoir enfin un fils..., reprit-elle. Et je tiens énormément à votre mère. Comme si elle était ma propre soeur, avoua McGonagall en se levant de son bureau.

Elle posa ses mains à plat, de part et d'autre de celles de James, et se pencha dangereusement vers lui, son visage à une dizaine de centimètre du sien.
Son chapeau sombre à plume et sa longue cape verte émeraude la faisait paraître encore plus terrifiante qu'à son habitude. Encore plus stricte, encore plus charismatique. Et encore plus attentionné envers James, qui avait toujours été son élève préféré.

- Alors il est hors de question que je vous laisse vous enliser comme un veracrasse, vous m'entendez-bien, Mr Potter? demanda-t-elle, le regard noir. Vous êtes en train de détruire votre vie, et je ne vais pas rester là, à vous regarder vous tuer à petit feu! Pensez-vous un peu à votre mère? Pensez-vous qu'elle serait heureuse de vous savoir au fond du gouffre, à ignorer tout ce que vos amis font pour vous? Et votre père alors? Est-ce là l'image que vous voulez qu'il voit de là où il est?

La respiration de James se fit saccadée. Il ne s'attendait pas du tout à ce genre d'entretien avec son professeur. Les larmes commencèrent à inonder ses yeux, toujours rivés sur le bureau, mais McGonagall n'en resta pas là. Peut lui importait qu'il se mette à pleurer, elle voulait qu'il comprenne certaine chose.

- Le deuil est quelque chose d'atrocement long et d'horriblement douloureux, continua-t-elle, plus doucement. Je le sais... et je comprends ce que vous vivez. Bien plus que ce que vous pouvez imaginer. Mais ce n'est pas une raison pour fermer les yeux sur vos agissements! Alors ressaisissez-vous Mr Potter, sinon je vous trainerais moi-même tous les matins en salle de cours, et je viendrais vous border tous les soirs dans votre dortoir, s'il le faut! C'est ça que vous voulez?
- Non, répondit James, la gorge nouée.
- Alors pour l'amour de votre père, reprenez-vous, bon sang! s'exclama-t-elle en se rasseyant à son bureau.

Elle sortit un parchemin vierge et commença à noter quelques informations dessus, signe que l'entretien venait de prendre fin. Elle fit un signe à James pour qu'il se lève et qu'il sorte de sa salle classe, ce qu'il s'empressa de faire en essuyant les larmes qui commençaient à glisser sur ses joues.
Minerva McGonagall sentit son coeur se comprimer dans sa poitrine avant de se ressaisir. Elle faisait tout ça pour son bien... Et c'était mieux ainsi.

Au moment où James allait sortir de la salle, elle se souvint d'un détail et lui demanda de s'arrêter, afin de lui donner ce dernier conseil.

- Vous n'êtes pas seul, Mr Potter, dans cette épreuve. Il suffit juste de regarder du bon côté..., souligna-t-elle en se replongeant dans son parchemin.
- Je suis censé comprendre quoi? demanda-t-il, perplexe.
- Que le meilleur soutien provient toujours de la personne dont on en attend le moins...

Elle continuait de gratter sa plume contre l'encrier avant de l'apposer sur le parchemin, sans relever les yeux vers son élève, complètement abasourdis par ces nouveaux propos.

- Je n'attends pas de soutient! Et je n'en n'ai pas besoin! s'exclama James en ouvrant la porte, agacé.
- Alors pourquoi continuez-vous d'avoir le regard fixé sur miss Evans si vous n'attendez pas de soutient?

Les Traces EcarlatesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant