Le Geek Ultime (2. Intertwined Destinies)

Space oddity - 3

            Je suis étonné que notre chauffeur ne soit pas un robot mais un dossien en chair et en os. Jusqu'à maintenant, nous n'avions croisé que des machines. Je découvre que les membres de cette race ne se différencient en rien des terriens, morphologiquement parlant. Il y a forcément un lien entre nos deux peuples ? Quelle est la probabilité que nous soyons identiques à eux alors que des années-lumière nous séparent ? Shaka m'avait expliqué que les humains avaient été créés par les Elfes. Se sont-ils inspirés des habitants de Doss ou est-ce un hasard que l'on peut classer parmi les grands mystères de l'univers ? Je pense cela peu probable.

Tout me paraît étrange en commençant par notre véhicule. Il est entièrement manuel utilisant le même principe de fonctionnement que les Cable Cars qui sillonnent la ville de San Francisco. Il est actionné par un système de poulie qui permet aux roues de tourner, ces dernières suivent des rails. Pourquoi utiliser un moyen de transport aussi archaïque alors que l'astroport et ses gardes laissaient envisagé que les dossiens possédaient une technologie avancée ? Cet engin a l'air d'avoir été bricolé par un menuisier peu précautionneux. Sa carcasse est faite d'une sorte de métal, un alliage qui n'existe pas sur Terre où alors en développement de niveau top secret dans la fameuse Zone 51. Je pense qu'elle est d'origine mais toutes les modifications sont en bois et semble tenir parce que c'est la mode comme disent les anciens.

Quand je regarde autour de moi, je constate qu'il n'y aucun appareil technologique en fonctionnement visible. A l'inverse de New Gaïa qui ressemblait à une version de La petite maison dans la prairie agrémentés de robots prévus pour s'occuper des cultures, où les habitants possédaient des véhicules volants capables de se miniaturiser, Doss présente un visage futuriste à la Blade Runner avec de hautes tours de verre et d'acier mais il n'y a aucun mouvement du tout à part notre véhicule de fortune. Cette ville est figée. Une sorte de Time Square géant sans lumières qui clignotent dans tous les sens, Time Square après une apocalypse ayant décimé toute vie. Sur Terre, dans ce genre de décor, des passants se promèneraient le long de ces grandes avenues et il y aurait des échoppes à chaque coin de rue. De la vie. Ici, il n'y a rien d'autres que de l'absence. Où sont les dossiens ? Sur quoi règne Er-Wann ? Du vide. Si on ajoute à ça la luminosité rouge de leur soleil qui donne une atmosphère de fin du monde, se déplacer dans ces allées mortes m'oppresse terriblement.

- Où sont les gens ?

- Personne ne vit de ce côté de la cité, réponds notre chauffeur. Plus rien ne fonctionne depuis plus de mille ans. Déjà mille ans. Depuis la Guerre des sept royaumes et l'avènement des rois de Doss. Nous préférons habiter les jardins près des lacs de l'autre côté... Mais je ne suis pas censé vous parler. Sa majesté répondra peut-être à vos questions... quand vous aurez répondu aux siennes.

Nous n'en saurons pas plus avec lui. Quand il nous indique que nous sommes arrivés, nous sommes devant une sorte de place entourée de pylônes rappelant des colonnes grecques. En son centre, il y a un trône très simple aux angles abrupts et dans lequel il ne doit pas être agréable d'être assis. Debout devant le trône, se trouve le roi de Doss, Er-Wann. Je n'ai pas besoin qu'on me le présente pour savoir que c'est lui. Il n'a pourtant ni sceptre, ni couronne qui pourrait le définir comme souverain. Il porte une combinaison quasiment semblable à celle de Joplin. J'en viens à penser que c'est le genre de truc que l'on doit probablement trouver dans n'importe quelle boutique aux quatre coins de l'univers. Il n'a pas besoin de se différencier pour que je sache qui il est. Cet homme est mon père. J'en suis persuadé car il suffirait que je me laisse pousser la barbe pour voir son reflet tous les matins dans mon miroir. Il se tient plus droit que moi, il a une posture de leader. Il est aussi plus grand et plus musclé. Je n'ai malheureusement pas hérité de sa carrure d'athlète. Il n'y a aucun doute à avoir, nous avons beaucoup trop de traits en commun. D'ailleurs le regard de Joplin passe de lui à moi plusieurs fois. Elle aussi a remarqué. Ce qui est étrange, c'est qu'il paraît avoir mon âge. Ce qui semble impossible. Il est vrai que je n'ai aucune idée de la longévité des habitants de Doss. Il pourrait très bien avoir trois cents ans et paraître en avoir à peine quarante.