8.

519 54 0
                                    

Ce fut étrange. Comme si mon corps n'existait plus. Mon esprit s'était enfuit. Avais-je répondu quelque chose aux deux secrétaires ? Peut-être. Avais-je couru jusqu'au parking, les yeux brûlants de larmes ? Peut-être. Ce fut ainsi qu'Ethan me retrouva, en proie à une crise que je n'arrivais pas à extérioriser, une main sur le capot de la voiture, une main sur le cœur. Mon cœur cognait. Mon sang cognait. Ma colère cognait. Sa main se posa sur mon bras, aussi doucement qu'il en était capable, il murmura :

_ Edwin. »

Je hurlai. A m'en briser la voix. Je frappai la voiture. Je frappai mon cœur douloureux alors qu'il n'avait pas le droit de souffrir. Je ne pouvais pas être triste, non, je n'avais pas le droit. Je n'étais pas triste, j'étais enragé, j'étais fou. Fou de savoir qu'il était trop tard. Fou de rage qu'il soit mort paisiblement sans avoir jamais entendu ce que je voulais lui hurler. Fou de rage contre mon frère qui l'avait laissé partir

« Edwin ! »

Sa voix m'apparut comme à travers un brouillard et déchira l'obscurité. Je le vis, le visage tordu d'inquiétude. Ses lèvres tremblantes, ses joues pâles. Il me tendait une main.

Alors ce fut un calme qui m'envahit. Presque inquiétant. Comme si je ne ressentais plus rien d'autre que sa présence. Comme si soudain, m'envahissait la peur de le perdre et la volonté féroce de le garder près de moi.

J'expirai de toute mon âme, tout le mal que j'aurais voulu sortir en un simple souffle. Sa main se posa sur mon avant-bras maintenant que je ne frappais plus. Je le regardai. Dans la lumière blafarde d'un matin d'hiver en bord de mer, ses yeux remplis d'inquiétude pour moi et d'autre chose. De cette lueur que j'avais toujours vue, toujours surveillé. Cette lueur qu'il voyait sans aucun doute dans mes yeux aussi et qui en cet instant, devait briller plus fort que jamais. Cette lueur qui nous avait tous les deux fait peur.

J'avais vingt-neuf ans. J'avais perdu mon père, celui qui m'avait détruit, que j'avais fuit en rêvant un jour de le poursuivre. Je l'avais perdu. Le but, le seul que j'avais de ma vie, envolé. Je l'avais laissé fuir, par peur d'affronter.

Alors de mes deux mains j'attrapai le visage d'Ethan, glacial entre mes paumes brûlantes. Je l'embrassai. Il ne réagit même pas, stoïque entre mes doigts.

« On rentre, chuchotai-je. » 

Le dernier arrêtWhere stories live. Discover now