Chapitre 5 - L'impensable (Teano) [Partie 1/2]

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Musique : Camille Saint-Saëns - Danse Macabre

L'Impensable

J'étais censé rejoindre Samay au plus vite, mais j'avais l'esprit trouble. Je revis Sylvania me suggérer de faire un tour dans les quartiers de mon père. Le simple fait d'imaginer y mettre les pieds me donna presque des vertiges. Qui savait s'il n'y avait pas installé des caméras ? Concrètement, rien ne m'empêchait d'essayer. J'avais un peu de temps, j'étais seul, et mes parents ne reviendraient pas de sitôt.

« Papa ne laisserait quand même pas cette pièce ouverte sans la fermer à clef ! Quoique... il est parti tellement vite tout à l'heure ! Et je ne l'ai pas vu redescendre les escaliers vers le bureau pour vérifier quoi que ce soit. »

Plus je réfléchissais, plus les possibilités d'entrer me semblaient grandes.

— Puisque Sylvania s'est motivée à sortir sans l'autorisation de sa mère, je peux au moins prendre ce risque.

Je bombai alors le torse et inspirai de toutes mes forces. Mon cœur s'emballa. Rapidement, j'imaginai les pires conséquences, mais tout aussi vite, je chassai ces pensées d'un revers de la main. Je devais être fort. Si cela pouvait également aider et rassurer Sylvania, alors j'étais prêt à tenter l'aventure.

D'un pas assuré, je traversai le corridor vers l'escalier descendant. Avoir l'intention de me rendre en ces lieux me donnait l'impression de ne plus vraiment être chez moi. Au fur et à mesure que j'entamais les marches, je me sentis observé. C'était certainement ma conscience qui, à sa manière, me hurlait de remonter sur-le-champ et d'arrêter cette folie. Pourtant, chaque fois que la peur grimpait, je me rappelais les raisons qui m'avaient convaincu d'entreprendre cette excursion, trouvant ainsi la force d'aller toujours plus loin.

Le sous-sol était une partie complexe du manoir. Il comportait de nombreuses pièces relatives à diverses inventions et travaux menés par mes parents. J'avais même déjà eu le droit d'y accéder par moments. J'avais affirmé le contraire à Sylvania, mais je me souvins de la salle principale où j'avais mis les pieds deux fois dans ma courte vie, quand j'étais bien plus jeune. D'instinct, je traversai les circonvolutions dessinées par l'interminable couloir avant d'atteindre une porte rouge ocre, pourvue d'une poignée de dorée.

— C'est ici, murmurai-je.

Les murs étaient en pierre, grisâtres, ornés d'annotations maladroites rédigées par mes parents. On pouvait y voir des calculs complexes et des phrases incompréhensibles, éclairés par la lampe blanche grésillant au plafond. C'était un endroit exigu. J'avais la sensation que d'un instant à l'autre les murs pourraient se rapprocher pour m'écraser tout entier. Ici, la température était encore plus froide et une odeur fade, inhospitalière, emplissait les lieux.

« J'ai pas envie de passer tout mon temps ici, autant en finir rapidement et voir si j'avais raison. »

Posant ma main sur la poignée, je tournai doucement avant de pousser la porte. Je plissai les paupières, craignant d'entendre une alarme. J'entrai pourtant librement, découvrant l'entièreté de la salle, yeux écarquillés.

— Oh bordel, c'est pas vrai ! Il a vraiment oublié de fermer la porte ! laissai-je échapper, emporté par la surprise.

Me reprenant soudain, je portai mes mains à ma bouche et fis silence. Quelle idée de m'exprimer ainsi à pleine voix dans un lieu qui demandait tant de discrétion ! Emporté par ma découverte, je posai un pied dans la salle, et mon cœur battit de plus belle. J'entrai au creux de l'interdit. Mon regard balaya la grande pièce arrondie, aux murs colorés d'un bleu givré. Un tableau périodique des éléments trônait en hauteur. Une série d'ordinateurs, reliés à différentes machines via des câbles solides et emmêlés, remplissaient la salle, plus bas. La lampe clignotait comme celle du couloir.

Lumières & Origines : I - L'autre côté du TempsWhere stories live. Discover now