Chapitre 8

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Face à mon silence profond, elle se décalait, et reprenait place un peu plus loin de moi sur le canapé. J'étais silencieux parce que je ne savais pas quoi dire, comme souvent depuis que nos chemins s'étaient croisés. J'avais envie, pourtant, de lui dire qu'elle me faisait tourner la tête et que j'avais adoré sentir ses lèvres contre les miennes. J'aurais voulu lui dire aussi que j'avais le bide en vrac dès qu'elle m'approchait et que son mari n'avait qu'à bien aller se faire foutre. Mais j'avais le cerveau en mode OFF, j'étais incapable d'aligner des mots pour en faire une phrase.

En l'espace de quelques secondes, on s'était mis dans un pétrin incroyable. Ça devait être encore pire pour elle. Elle faisait semblant de se focaliser sur le film, mais son corps la trahissait. Elle tordait nerveusement ses doigts, tirait sur ses manches, entortillait le bas de son T-shirt. J'aurais payé cher pour lire dans ses pensées et comprendre ce qui se tramait à l'intérieur de son crâne. Mais bien évidemment, j'arrivais pas à lire dans son esprit, et je crois que c'est ça, au fond, qui  m'empêchait de sortir de mon mutisme.

A ce niveau-là, ce n'était même plus de la gêne qui flottait dans l'air. C'était un profond malaise. J'étais partagé entre l'idée d'essayer à tout prix d'entamer une discussion pour briser la glace ou fuir comme un gros lâche. Mais depuis qu'on s'était rencontrés, elle avait systématiquement fait le premier pas, elle avait toujours baissé la garde la première. Je sentais que je devais faire quelque chose, mais j'étais pétrifié.

C'était pas un manque de volonté de ma part, ou un manque de courage. Mais il fallait avouer que la situation était quand même compliquée. J'avais du mal à me positionner, j'avais peur de la brusquer, peur d'avoir l'air trop entreprenant alors qu'elle avait quelqu'un dans sa vie. Si elle n'avait pas eu le mariage dont elle avait rêvé enfant, un autre homme lui avait quand même passé la bague au doigt. Ils s'étaient engagés l'un envers l'autre, même si ce n'était pas pour les meilleures raisons. Et moi, dans tout ça, quelle était ma place ?

En la voyant aussi mal à l'aise, je comprenais que non, son but n'était pas uniquement de passer du bon temps en attendant le retour de son mec. Je ne saurais pas vraiment vous l'expliquer, mais elle dégageait quelque chose, dans son attitude, dans son regard, qui me faisait comprendre qu'elle était probablement aussi perturbée que moi par la tournure que prenaient les évènements.

- Lise... Je commençais après pris mon courage à deux mains.

- J'aurais pas dû faire ça. Elle me coupait. Je suis désolée... Tu vas avoir une mauvaise image de moi maintenant...

- J'ai pas une mauvaise image de toi. Je tentais de la rassurer. Je sais juste pas comment réagir... Dans d'autres circonstances les choses seraient plus claires mais là...

- Je crois que le mieux c'est de faire comme s'il ne s'était rien passé. On peut mettre ça sur le compte de l'alcool ?

- Je sais pas ...

- S'il te plaît. Elle me suppliait presque, visiblement rongée par les remords. On s'entend bien je crois et j'aime bien passer du temps avec toi, j'ai pas envie de tout gâcher.

J'aurais aimé lui dire qu'elle pouvait m'embrasser quand ça lui chantait, et que je la laissais gérer son fantôme de mari, mais son ton était sans appel. Et puis, au fond, j'avais pas vraiment envie d'avoir ce rôle-là non plus. J'ai une gueule à jouer à l'amant ? 

Plus que jamais, j'aurais eu besoin d'un mode d'emploi, qu'on m'explique clairement comment je devais faire.

- Je vais y aller... je finissais par dire après avoir remis en place ma casquette.

SUR TES LÈVRES SUCRÉES [FRAMAL]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant