CHAPITRE 1

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Certains disent qu'une flamme brûle au plus profond de notre être. Si c'est la vérité, alors nous faisons tous partie du même foyer. L'humanité, née du feu originel, éparpillée en escarbilles, perpétue la première lumière du monde. Ainsi, tant que nous existerons, la flamme initiale perdurera. Dans cette hypothèse, la seule manière de vaincre l'incarnation du monde serait que la race humaine s'éteigne jusqu'à la dernière des étincelles.

Si flamme intérieure il y a, le fléau se perpétuera jusqu'à notre disparition.

Pline Stawn le grand, dit barbochvil (Barbe aux chevilles)

Phebé,

Aslan 899 après L'éclat


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Quelle est la valeur d'une vie ?

De toute évidence, cette question est absurde. La vie est une chance unique qui nous est donnée à la naissance. Elle est aussi inestimable qu'une poignée de ciel – impossible de la tenir dans une bourse. Mais pour Herv Holliger, un marchand itinérant, la vie valait bien quelques Merx, surtout quand il s'agissait de celle d'une prostituée Kama ou d'un Invi costaud. Oui, Herv était le genre de gars à estimer quelqu'un au premier regard. Pour lui, toute vie pouvait se mesurer en piles de pièces métalliques. D'un œil scrupuleux, il cherchait toujours la perle rare, « l'affaire du siècle », disait-il. Ce qu'il ne savait pas, c'était qu'il en était. Sa vie et celle des quelques 2457 habitants d'Aello allaient être prises pour seulement quatre Merx d'or – l'affaire du siècle.

Tout commence, dans cette petite ville reculée du royaume de Némésis. Le soleil s'étirait tout juste, ses longs doigts dorés agrippaient les toitures des bâtisses, pas un coq n'avait encore chanté, et seul un jeune blond du nom de Zino était déjà levé.

Il faut dire que ce garçonnet attendait ce jour depuis longtemps, un aslan exactement – depuis la fin de la dernière fête du cuivre. Il avait compté le nombre d'éthéristes présents – dix-huit en tout, soit deux fois plus que la fête précédente. Le seul point noir de la journée était que Vingt doigts, le plus célèbre de tous, avait annulé sa venue. Personne n'avait su dire pourquoi – même si tout le monde savait pertinemment qu'un gars comme lui ne poserait jamais les pieds dans un trou aussi perdu.

C'était un bricoleur, Zino. Il avait les yeux rouges des Telchines, mais il rêvait parfois d'être un Hybra. Ses amis se moquaient régulièrement de lui à cause de ça, d'ailleurs. Surtout Perka, son amoureuse. Elle ne comprenait pas qu'on puisse vouloir rester petit toute sa vie et l'appelait le grand bébé. Même son père, Gildas, lui reprochait de ne pas être fier de ses origines. Il le sermonnait souvent à la manière des hommes de Némésis : « Les Telchines sont forts, ce sont des guerriers qui forgent leurs lames de leurs poings, il n'y a aucune fierté d'être un petit homme aux doigts fragiles. » Ce à quoi le garçonnet répondait : « Les Hybras ne sont pas assez stupides pour forger leurs armes avec leurs poings, ils inventent des machines qui le font à leur place ! » Ce genre de conversation finissait toujours mal pour Zino qui s'enfermait dans sa chambre, parfois pendant plusieurs jours. Les principales responsables n'étaient autres que les mains de son père, elles étaient impressionnantes, grandes comme des enclumes – de véritables mains de forgeron ! Le cou et les Bras de Zino en étaient souvent marqués comme au fer rouge.

Pour cette journée si particulière, le garçonnet avait mis sa salopette grise – celle pleine de poches de toutes les tailles. Il avait cassé sa tirelire la veille et en avait tiré sept Merx de cuivre. Ce n'était pas énorme, mais il espérait pouvoir acheter une petite éthérite avec – il avait lu dans un livre qu'un de ces cristaux rouges de la taille d'une graine pouvait faire fonctionner une araignée de cuivre. Ce n'était pas ce qu'il voulait, mais ça suffirait pour sa propre petite invention.

Pruna Feu FolletWhere stories live. Discover now