CHAPITRE 3

14 4 2
                                    


« Ceci est la plus grosse éthérite que j'ai ! déclara haut et fort Mr Holliger en soupesant la pierre de sa main. C'est un marin de Gloutonnia qui l'a trouvée sur l'intrépide île de Last. C'est une pièce d'exception – on en compte moins d'une centaine sur tout Ananké ! » Il prit la posture d'un paysan qui vient de cueillir la première pomme de la saison. « Si ce n'est pas incroyable, ça ! Vraiment incroyable ! Je dirais même mieux : Ma-gni-fique ! On peut dire que tu en as de la chance, jeune fille ! Et comme je suis de très bonne humeur aujourd'hui, je vais te faire un prix. Disons, mmh. » Il tira sur sa moustache qui, une fois déroulée, était étonnement longue. « Disons que je te la cède pour cinq Merx d'or. Oui, tu as très bien entendu : cinq ! Si ce n'est pas une affaire en or ça, alors je veux bien en manger mon chapeau ! »

Il esquissa un sourire marchand – le genre trop tendu pour être sincère. La fille aux cheveux rouges inspecta le cristal de près, réfléchit, puis fit une drôle de tête. Son nez se retroussa en trois plis, et des ridules fines comme des moustaches de chat apparurent sur ses tempes.

« Non merci », prononça-t-elle.

Sa voix fut brève et cristalline telle la dernière goutte d'une averse. Même après avoir éclaté, elle perdura dans la résonance de sa chute.

« Qu... quoi ! » Mr Holliger cligna des yeux comme s'il venait de sortir d'un rêve. Son visage perdit de son élasticité porcine et devint flasque et transpirant – comme fondant au soleil. Il agita nerveusement ses mains devant lui, brassant l'air à petits cercles. « Alors tu dis non, comme ça, sans réfléchir plus longtemps. Tu es sûre ? Tu ne trouveras pas plus grosse éthérite dans le coin. Je te fais la proposition du siècle ! Cinq Merx, quand même. Réfléchis-y bien. Tu passes peut-être à côté de l'opportunité de ta vie. »

La jeune fille haussa les épaules avec nonchalance.

« Peut-être bien. Peut-être pas. Je m'en fiche.

— Même pour quatre Merx d'or ? »

Cheveux rouges secoua la tête. Mr Holliger se mordit le coin de la lèvre inférieure, l'air contrarié.

« Trois ? » proposa-t-il avec une certaine réserve.

La jeune fille grimaça et fit un pas en arrière.

« Pas la peine d'insister. Je sais très bien que cette éthérite ne vaut pas plus de deux Merx d'or. On en trouve dans toutes les éthéristeries d'Hybris de cette taille. Ce n'est pas ce que je recherche. Elle est beaucoup trop petite. »

Mr Holliger resta figé sur place, l'air hagard, la moustache moite.

J'ai bien entendu ? Elle a dit que cette éthérite était trop... petite ? s'effara Zino dont un éclat de la taille d'un ongle aurait suffi. Cette fille a perdu la tête ou quoi ?

« Trop petite ? répéta le vendeur en sourcillant. C'est une grandiosa, quand même ! Tu es bien prétentieuse pour une gamine en guenilles. » Il lorgna la bourse de la jeune fille. « T'as peut-être de quoi t'acheter mieux que ça, mais je peux t'assurer que des si grosses pierres, tu n'en trouveras pas d'autres dans le coin. Il va falloir revoir tes prétentions à la baisse, mademoiselle, et te contenter de ce que j'ai à t'offrir. »

La jeune fille se tapota le menton du bout de l'index et leva les yeux au ciel.

« Oui, elle est aussi petite qu'une pomme de Sarten. Appétissante, d'un magnifique rouge translucide, mais quand on y regarde de plus près, on se rend compte qu'il y a des vers à cornes à la place des pépins... Oh, je déteste vraiment ces petites bestioles. Elles donnent un goût beaucoup trop amer à mes fruits préférés. Un goût de lame rouillée, ou de semelle en cuir.

Pruna Feu FolletWhere stories live. Discover now