Chapitre 5

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L'appartement était froid comme depuis quelques mois maintenant. Sorrow y pénétra avec son précieux fardeau. Elle le déposa négligemment sur la table basse jonchée de factures impayées. Cette vue lui donna la migraine. Déjà que la plomberie laissait à désirer, bientôt il n'y aura plus d'électricité. Elle en était même réduite à ne manger qu'une fois par jour afin d'économiser autant que possible. Parfois Léa la forçait à venir partager ses repas. En un an, elle avait perdu énormément de poids à cause de la fatigue et du stress.

Elle se laissa tomber dans le vieux fauteuil de Betty en soupirant. Bizarrement il portait toujours l'odeur agréablement réconfortante de la vieille dame. Elle s'était séparé de certains objets de valeur mais refusait de se détacher de ce meuble ci, se rappelant des soirs où elle rentrait pour y trouver sa mère adoptive entrain de tricoter le sourire au lèvres. Si seulement elle avait su que ce n'était qu'un masque cachant la dure réalité, elle aurait agit plus tôt... Mais en faisant quoi? Malheureusement elle s'était contentée d'y croire dur comme fer.

La jeune femme sortit de ses pensées moroses et se dirigea vers la cuisine pour donner à manger à son animal qu'elle appela par la suite. Après s'être assurée que Daisy se nourrissait, elle se fit un café qu'elle trouva dégueulasse. Elle aurait tué en ce moment précis pour du chocolat chaud mais avala quand même le liquide en grimaçant de temps à autres.

Reprenant sa place, la tasse en main, elle effleura du bout des doigts l'imperméable. Est-ce que ce monsieur dont elle ignorait le nom reviendra le chercher ? Elle avait attendu son retour durant tout l'après-midi mais il ne s'était pas manifesté. Peut-être qu'il s'en foutait, après tout il avait l'air riche et pas du genre à se prendre la tête pour un vêtement oublié. Si ça se trouve, il ne s'en préoccupait pas du tout. Cette idée ne la réjouit guère car elle voulait recroiser ses yeux ambrés. Au souvenir de leur intensité, son intimité fut saisie par une douce chaleur insensée, la forçant à se tortiller, les joues cramoisies. Inutile de se leurrer soi-même avec hypocrisie, elle avait aimer la façon dont il l'avait reluquer avec convoitise, rien à voir avec les regards pervers auxquels elle était habituée. Oui, elle voulait le revoir ne serait-ce qu'une fois.

Poussée par une force inconnue, elle déposa sa tasse et approcha le vêtement de son nez. Ça sentait la pluie, ça sentait lui. Se mordant la lèvre, elle faufila sa main dans les poches sans savoir ce qu'elle cherchait au juste. Ses doigts finir par rencontrer quelque chose qui semblait être en cuir. Un portefeuille, comprit-elle en le sortant. Il en avait combien sur lui? Sorrow se rappelait parfaitement bien l'avoir vu remettre l'autre dans une des poches de son pantalon.

Elle jongla pendant quelques secondes entre l'envie de l'ouvrir et celle de ne pas le faire. Cependant la curiosité l'emporta car après tout c'était pour la bonne cause. Si elle s'attendait à y trouver une photo de lui ou même un objet lui appartenant, elle fut vite déçue. Il ne contenait qu'une simple carte où étaient inscrits un nom et des contacts. Était-ce lui Nikolaï Kostas? Sorrow décida de l'appeler malgré la nervosité qui lui nouait l'estomac.

Elle pris son téléphone et composa le premier numéro qui se trouvait sur la carte. Toujours rien après plusieurs sonneries. Au moment où elle allait raccrocher, se disant qu'il valait mieux réessayer une autre fois, un « Allô » se fit entendre. Un frisson la parcourut de la tête aux pieds à l' entente de cette voix grave puis elle se figea. Que dire? Que faire? Elle aurait dû préparer un discours ou n'importe quoi, ça lui aurait évité de se faire passer pour une gourde car là, son cerveau semblait être vide de mot.

– Allô ? réitéra l'interlocuteur.

Elle ouvrit la bouche mais aucun son ne parvint à franchir la barrière de ses lèvres roses. La panique la gagnait.

– Qui est à l'appareil ? Gronda t'il en perdant visiblement patience.

Sorrow s' exhorta au calme puis se pinça fortement la jambe afin de retrouver ses esprits.

– M-monsieur Kostas ?... S'enquit-elle avec hésitation. Je suis la vendeuse de la boutique d'antiquité où vous avez acquis un collier cet après-midi. Vous avez euh... oublié quelque chose en partant et je me suis dit....enfin je pensais que vous voudriez peut-être le récupérer... Il s'agit de votre manteau.

Un long silence s'en suivit. Elle examina son téléphone sourcils froncés puis le ramena à son oreille, se demandant s' il avait osé lui raccrocher au nez.

– Monsieur, vous êtes là?

– Mademoiselle Daniels, quelle surprise! Fit-il suavement.

Elle frémit à la manière dont il avait prononcé son nom.

– Désolé pour mon ton quelque peu... cassant.

– C'est de ma faute, je n'aurai pas dû appeler à une heure aussi tardive. Je tenais juste à vous prévenir au cas où vous chercheriez à savoir où se trouve votre imperméable. Je ne vous dérange pas j'espère.

– Non, pas vraiment. Je sortais de la douche.

Sorrow s'étrangla avec sa salive. Pourquoi il lui avait dit ça?! Bon sang, ce n'était pas la réponse à laquelle elle s'était attendue!

– Oh je...eh bien je...hum…

Elle se racla la gorge. L'idée de cet homme nu sous la douche l'avait terrassée. A l'autre bout du fil, son interlocuteur s'amusait de sa réaction.

– Alors dois-je vous le rapporter?


– Inutile, je comptais revenir comme je vous l'avais promis.

Quelle idiote. Maintenant il allait s'imaginer quelle était désespérée au point de vouloir venir à lui d'elle-même.

– Très bien... Dans ce cas, j'attends votre visite monsieur Kostas et à très bientôt, finit-elle par dire d'un ton légèrement sec.

Elle raccrocha hâtivement et repris le souffle qu'elle avait retenu sans même s'en rendre compte, tellement le trouble l'avait envahit. Maudit Nikolaï Kostas, il a fallu qu'elle tombe sur lui pour éprouver ces sentiments ridicules : désir, timidité, confusion et agitation de l'esprit. Vivement qu'il récupère ce fichu imperméable et qu'il déguerpisse, pensa t'elle benoîtement en se donnant un air faussement indifférent. Fermant les yeux, Sorrow se remémora les traits parfaits de l'homme charismatique et foutrement sexy. Quoi qu'elle dise, quoi qu'elle conçoive, la seule pensée de le revoir la mettait de bonne humeur alors non, qu'il ne déguerpisse pas de si tôt. Songeuse, elle reporta la tasse à ses lèvres mais fut dégoûtée en constatant que le liquide était devenu froid et plus incipide qu'il ne l'était déjà. Elle alla donc jeter le tout puis se rendit dans sa chambre pour se déshabiller.

La vieille beignoir l'accueillit à bras ouverts mais elle ne pu s'y délecter. Elle en avait assez de se laver à l'eau froide. Il fallait qu'elle règle ce gros problème avant la venue de l'hiver sinon elle allait mourir d'hypothermie à force. Elle se voyait mal frapper à la porte de sa voisine pour quémander une douche chaude même si elle était persuadée que la concernée aurait dit oui avec joie.

Mais en attendant, elle désirait faire le vide dans son esprit. Demain une dure journée l'attendait, ou plutôt une horrible journée. Elle allait de nouveau être confrontée à Philippe Lancaster.

Sorrow : une troublante rencontreWhere stories live. Discover now