Chapitre 4 : Spèctre

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La peur au ventre, Aurora tremble, aucun son ne parvient à franchir la barrière de ses lèvres. Des bruits étranges et persistants grandissent dans l'ombre. Elle tend l'oreille pour écouter, mais ils semblent venir de partout. Des branches se cassent à sa droite, des murmures résonnent à sa gauche. Son cœur bat aussi fort qu'un tambour et sa respiration est de plus en plus rapide. Elle ne voit rien, elle est dans le noir, pétrifiée à l'idée de découvrir quelle est la chose qui bouge autour d'eux. Théobald, quant à lui, reste vigilant. Mais tel un preux chevalier, il prend la main de la belle Lockwood et tente de la rassurer :

— Chhhh, n'ayez pas peur. J'ai placé des cristaux magiques autour du camp qui nous assurent une protection invisible ! Tant que nous restons dans le cercle, nous ne risquons rien, chuchote-t-il à son oreille.

— Mais qu'est-ce que c'est ? marmonne-t-elle.

— Les spectres. Ils ont dû détecter votre présence lorsque vous avez franchi le portail qui sépare notre monde du votre.

— Qu...qu...quoi ?

Ce qu'Aurora entend dans les bois n'a rien de rassurant. Au contraire, cela lui glace le sang. Ça rampe, ça grouille, ça lui fiche la trouille...
Il se dégage aussi une odeur cuivrée, incroyablement fétide qui provoque une sensation fort désagréable. Tout à coup, ses yeux s'élargissent lorsqu'elle pense apercevoir aux abords d'un sapin une drôle de silhouette, blême, qui ne ressemble en rien à un humain. La forme paraît flotter au-dessus du sol. L'horreur s'empare de son corps, tandis que cette vision cauchemardesque l'effraie.

— Je ne resterai pas ici une minute de plus ! hurle-t-elle en poussant Théobald pour s'enfuir.

— Non ! lui crie-t-il, restez à l'intérieur du cercle !

Mais celle-ci ne tient pas compte des supplications et court aussi vite qu'elle le peut vers le nord. Dans son sillage, le vent gifle son visage déjà rougi par le froid. Derrière elle, quelqu'un ou quelque chose la poursuit. D'aussi loin qu'elle se souvienne, Aurora ne s'est jamais retrouvée dans un tel pétrin. Bien que ses poumons soient en feu, elle continue sa course folle, jusqu'à ce qu'elle atteigne la lisière de la forêt. Pensant avoir échappé à ses poursuivants, elle s'arrête brusquement pour reprendre sa respiration. Mais elle n'a pas le temps de souffler qu'une ombre surgit juste en face d'elle. La jeune femme fluette panique, recule et ne remarque pas les racines tortueuses qui lui font perdre l'équilibre et tomber lourdement. Relevant son regard, elle constate que la créature des ténèbres a disparu. Au même moment, elle entend Théobald crier :

— Auroraaaa, où êtes-vous ?

— Par ici ! s'époumone-t-elle, en se redressant péniblement.

Sur le sol gelé, elle se paralyse, comme prise d'une anesthésie progressive. Elle reste un instant figée, écoutant les battements de son pauvre cœur affolé. Même si le froid redouble d'intensité, et que ses membres ne peuvent s'empêcher de grelotter, la peur prédomine et l'étreint férocement. Tout à coup, un curieux frisson vient lui caresser la nuque. Serait-ce le vent ?

— Mon maître te veut... susurre une voix sournoise derrière elle.

Un regard par-dessus son épaule lui fait découvrir une grande forme au visage transparent et nuageux comme une ombre. Aurora pousse alors un hurlement et semble sur le point de s'évanouir. Au lieu de ça, elle rampe à quatre pattes, tandis que deux longues mains aux ongles jaunis se tendent vers elle et l'attrapent par le col. Elle se débat, tire en avant, puise toute sa force et sa volonté. Au prix d'un effort surhumain, elle parvient à se dégager de l'être malfaisant en basculant sur le côté. Au même instant, une voix s'élève dans sa tête, une voix qu'elle n'a jamais entendue auparavant...

— Mon enfant, tu n'as rien à craindre. Laisse-toi aller et suis le spectre.

— Laissez-moi tranquille, allez-vous-en ! hurle-t-elle, en se bouchant les oreilles.

Sur le dos, bloquée par la peur, elle fixe les doigts glacés du revenant se rapprocher de plus en plus de son visage. Elle est comme une gazelle à la merci d'un lion. Mais qui qu'il soit, elle ne veut pas rester là sans se battre pour sa survie. Ainsi avec un esprit combatif, Aurora se ressaisit et tapote désespérément le sol dans l'espoir de trouver quelque chose qui pourrait le repousser. Par chance, ses doigts touchent une vielle branche. Elle l'a ramasse et la lui lance dessus. Malheureusement, cela ne l'affecte pas, il continue d'avancer. Confrontée à son échec, Aurora ferme les yeux sur la mort qui s'apprête à l'avaler. Mais contre toute attente, Théobald émerge de l'obscurité en brandissant une pierre incandescente :

— lux luceat ! crie-t-il.

Un immense rayon argenté jaillit du caillou et frappe la créature de plein fouet. Celle-ci est immédiatement rejetée en arrière, mettant ses bras devant son visage.

— Par le pouvoir de ma volonté, enchaîne Theobald, je te bannis sur le champ !

Dans un bruit assourdissant, une tornade prend naissance depuis les profondeurs d'un nuage et se faufile à travers le paysage glacé. Elle gronde, balaie la terre neigeuse, soulevant sur son passage toutes sortes d'éléments qu'elle entraîne en son centre, au point de laisser sur le sol les stigmates de sa course. Le violent tourbillon renverse les arbres, déchaîne son énergie. Le spectre est abasourdi par la puissance de l'attaque et ne peut rien contre le cataclysme qui finit par l'engloutir. Finalement, après quelques minutes, le cône s'essouffle. Il remonte progressivement vers le ciel pour disparaître et laisser revenir le calme. Aussitôt, Theobald accourt vers Aurora qui est recroquevillée par terre, tremblante comme une feuille, le teint pâle comme la mort.

— C'est fini, chuchote Theobald.

Mais elle n'ose pas bouger, le coeur battant de mille coups de tonnerre.

— Ça va aller, c'est moi Théobald. Vous n'avez plus à avoir peur, il est parti, ajoute-t-il en lui prenant la main.

Doucement, elle lève la tête, les yeux embués. Soulagée de voir un visage familier, Aurora se jette au cou de la personne qui vient de lui sauver la vie et finit par fondre en larmes. Theobald referme étroitement ses bras autour d'elle, tandis qu'elle se blottit contre son torse. D'une main il caresse le dos de la jeune femme, et de l'autre il repousse les mèches de cheveux humides de son front.

Désormais hors de danger, elle relâche doucement sa méfiance à son égard. Après tout, il a fait fuir ce terrible monstre...

Aurora et Le monde de Damnaran ( en pause)Where stories live. Discover now