Partie Deux - 2.

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Harry.

J'ai juste voulu lui faire une blague. J'ai plongé sous la mer et je pensais que c'était évident, que le mouvement de l'eau m'avait trahi un peu, ou bien simplement qu'il me connaissait trop bien pour y croire et pour prendre peur. Pourtant quand je m'approche pour lui attraper la taille, glisser mes mains sur ses hanches et remonter à la surface avec un sourire de gamin, ses yeux jettent des éclairs. Oh du noir partout dans ses yeux bleus, et je ne comprends pas vraiment quand il se met à gueuler que putain, t'es vraiment trop con. T'es vraiment le dernier des petits cons Styles, et l'usage de mon nom de famille me fait penser que la blague devait définitivement être de mauvais goût, parce qu'il ne m'appelle presque plus comme ça. Quand on arrive sur la plage, il y a une drôle d'ambiance alors, avec le ciel qui a tourné au rose et au parme, qui n'est plus bleu métallique ; avec le soleil qui décline et le vent qui se lève, nous deux torses nus en maillot l'un en face de l'autre, tous seuls sur le sable mouillé.

« Fais pas la tête, eh. Je rigolais. », je plaide doucement, et je passe mes mains contre mes bras parce que j'ai froid, et un peu mal au cœur aussi. Je n'aime pas quand il se fâche contre moi. Je n'aime pas quand les gens se fâchent contre moi de façon générale, et lui c'est encore pire que les autres ; mais il secoue la tête en me plantant là pour aller récupérer ses affaires.

« Lou ! »

Le surnom m'échappe comme s'il avait toujours été sur le bord de mes lèvres. Lou, pour dire je ne voulais pas te blesser ni te faire peur, reviens, ne me laisse pas tout seul devant la mer.

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Louis.

Mes mouvements s'arrêtent immédiatement, mes muscles se figent, mon corps réagit au quart de tour. Il répond à son appel avant même que mon esprit n'ait assimilé le fait qu'il vient de m'appeler Lou plutôt que Louis, et je soupire. Mes mains tremblent encore, l'adrénaline n'est pas tout à fait redescendue. Sur le bord de mes lèvres sont prêts à déferler comme des vagues en cascade des mots qui ne sont pas là pour blesser mais pour traduire la rapidité de ma peur et la violence du choc. Cinq secondes maximum, c'est le temps qu'il a pris pour venir essayer d'attraper mes hanches et pourtant, cinq secondes c'est le temps qu'il a fallu à ma petite tête pour se dire qu'il était mort et que j'allais le perdre lui aussi comme ça, dans l'eau, parce qu'on a voulu faire les idiots à nager hors des limites et qu'il a dû avoir une crampe et qu'il ne – je ferme les yeux.

Lorsque je me détourne, Harry n'a pas bougé. Il est toujours debout face à moi, devant la mer qui vient caresser ses chevilles. Le coucher de soleil derrière lui le rendrait presque irréel et je secoue la tête. « T'es vraiment un idiot », je rétorque alors et ma voix garde encore un peu de colère éraillée. Elle garde un peu d'orage de la peur qu'il m'a provoqué mais j'abandonne l'idée de rejoindre nos vêtements pour finalement revenir sur mes pas. Il n'a pas bougé. Il m'attendait devant la mer qui porte le bleu de mes yeux et quand je suis assez près de lui j'attrape son poignet d'un mouvement rapide et incontrôlé pour l'attirer à moi et nos torses s'entrechoquent. S'éclatent l'un contre l'autre, mouillés et glacés par le vent qui souffle. Mon visage se cache dans son cou et je soupire en fermant les yeux une seconde. « T'es vraiment, trop con, » je répète comme si ça pouvait effacer ce qui vient de se passer. « J'ai vraiment eu peur. Refais jamais ça. »

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Harry.

L'étreinte est longue et silencieuse comme celle qu'on s'offre les soirs de fin du monde. Mon nez s'est niché au creux de son cou, nos cœurs se frôlent contre nos poitrines encore mouillées d'eau de mer, et on reste comme ça jusqu'à ce que le soleil passe derrière l'horizon de la mer. Jusqu'à ce que l'astre glisse de l'autre côté du monde, et que le ciel s'obscurcisse pour laisser place à la nuit. Quand on se recule pour aller chercher nos affaires, je lui parle de ma journée au restaurant, du film qui passe à la télévision ce soir ; de mon envie de prendre une douche en rentrant et de ressortir ensuite car c'est une nuit brûlante comme en plein été alors que nous ne sommes qu'en mai – tout ça c'est la cause du réchauffement climatique, je dis alors, et c'est là que je les vois. En remontant. Quatre garçons. Ils sont assis sur des rambardes sur le front de mer, mais ils nous regardaient, on leur a donné en spectacle une étreinte de garçons devant le coucher de soleil, et je sais pas. Je crois que c'est juste leur visage ou le petit rictus moqueur, ou juste mon manque de confiance en la gent masculine au final – j'aurais tellement voulu être attiré par les filles quand j'y pense parfois, mais ce sont les hommes qui me plaisent, et ceux-là me font peur. Je bifurque quand je les entends rire et puisqu'on a aucun autre choix que de passer devant eux, je baisse la tête en pressant le pas.

Putain de clichéWhere stories live. Discover now