𝐓𝐡𝐞 𝐝𝐞𝐯𝐢𝐥'𝐬 𝐜𝐮𝐭

𝐂𝐇𝐎𝐊𝐄

Jungkook n'a jamais eu peur d'une arme chargée.

Il n'est même pas sûr d'avoir déjà eu vraiment peur de ce qu'il peut toucher ou tenir dans ses mains. Il aime le poids lourd du métal dans sa main, la forme de la poignée dans sa paume. Il y a comme un sentiment de paix qui accompagne la routine méthodique de démontage, de nettoyage, de ré-huilage. Il aime aussi l'odeur de l'huile, de la même façon qu'il aime l'odeur des vapeurs d'essence ou de la fumée de cigarette.

Taehyung le réprimanderait d'aimer les choses qui sont mauvaises pour lui.

Ses doigts glissent sur le canon de son pistolet démonté, en étalant une fine couche d'huile sur le métal noir lisse. Il le met de côté et s'essuie la main sur la serviette de l'hôtel, sans se soucier des traces de carbone qui se déposent sur le matériau blanc. Il charge le canon et le ressort dans le cadre, enclenche la glissière et la teste plusieurs fois. Il prend le chargeur et le remet en place avec un clic métallique satisfaisant.

Son téléphone sonne sur la table de nuit près du lit d'hôtel. Il pose le pistolet à l'endroit où il travaillait et traverse la pièce pour décrocher.

« Salut »

« J'ai une piste »

Jungkook émet un son en signe de reconnaissance.

« On a signalé un vol à main armée dans une station-service non loin de l'endroit où tu séjournes. Le suspect sur la vidéo de surveillance a l'air d'avoir la bonne stature, mais il portait un masque. Je ne peux pas dire avec certitude que c'était lui, mais j'ai un pressentiment »

« Un pressentiment », marmonne Jungkook. Il apprécie l'optimisme de Taehyung. C'est comme ça depuis le début - l'optimisme sans limite de Taehyung et l'entêtement téméraire de Jungkook. C'est ce qui leur a permis de vivre ces trois dernières années.

Il se dirige vers l'unique fenêtre de la chambre d'hôtel et écarte les rideaux d'une main. Un éclat de lumière orange se déverse depuis l'unique lampadaire du parking de l'hôtel.

« C'est la meilleure piste que nous ayons eue depuis des mois »

Jungkook concède avec un soupir. Il se détourne de la fenêtre pour se recoucher sur le bord du matelas. « Envoie-moi l'info. Je partirai ce soir et j'essaierai de prendre de la distance »

Il y a un léger bruit de frappe, puis un souffle relâché qui crépite comme de l'électricité statique sur la ligne. « Très bien. Tout est dans ta boîte mail et je t'ai envoyé l'adresse par message »

« Merci. Appelle-moi si tu as du nouveau »

« Je le ferai », dit Taehyung juste avant que Jungkook ne mette fin à l'appel.

En déposant son téléphone sur le lit à côté de lui, Jungkook se tourne pour regarder par la fenêtre où les rideaux sont encore entrouverts de quelques centimètres. Le sommeil est rarement un luxe qu'il peut se permettre, de toute façon. 

Il se lève du lit, enfile sa veste et prend son casque sous son bras. Il range tout ce qui est à son nom dans son sac à dos et laisse la clé de la chambre d'hôtel sur la commode. Puis il part, le claquement de la porte fait trembler la vitre bon marché et résonne sous l'auvent. L'air nocturne est doux, mais il fera trop froid pour rouler sans veste une fois qu'il sera sur l'autoroute.

Les graviers crissent sous ses bottes, il s'approche de sa moto et met son casque sur sa tête. Le siège en cuir grince sous son poids, il passe une jambe par-dessus et s'installe. Après avoir jeté un coup d'œil aux indications que Taehyung lui avait envoyées par message, il empoche son téléphone.