𝐓𝐡𝐞 𝐝𝐞𝐯𝐢𝐥'𝐬 𝐜𝐮𝐭

𝐒𝐖𝐀𝐋𝐋𝐎𝐖

Les feux de freinage projettent des taches rouges sur le pare-brise de la voiture, et le regardent par paires en bougeant et en clignotant. Sa tête roule sur le côté et il plisse ses yeux devant les phares qui passent et qui le frappent directement. Le vent qui passe par la fenêtre entrouverte fait voler ses cheveux autour de son visage, projetant ainsi des ombres comme des ailes d'oiseau. C'est agréable, l'air frais sur sa peau, mais cela lui fait mal quelque part, à cause de ce froid profond qui le fait frissonner.

Il cligne à nouveau des yeux et lève sa tête, son cou lui semble faible et ses muscles d'une lourdeur inconcevable. Son regard dérive autour de lui tandis qu'il saisit des images floues - des feux de bord bleus, un rétroviseur, des mains enroulées autour d'un volant. Il s'efforce de résister à la pesanteur, de fermer ses yeux avant de les rouvrir.

Oh, pense-t-il. C'est encore un rêve.

Jimin est à la place du conducteur, avec ses mains sur le volant. Il ne regarde pas Jungkook - ils ne doivent pas encore avoir atteint cette partie du rêve. Il se sent étrangement à l'aise, enveloppé d'un sentiment de calme alors qu'il essaie de garder le visage de Jimin en vue. Il veut tendre sa main, mais ses bras sont trop lourds et il se sent trop étourdi. Jimin passe d'un brouillard méconnaissable et flou sur les bords à une haute définition, suffisamment claire pour voir le scintillement d'une goutte de sang sur sa joue.

Du sang ? Il n'y avait pas eu de sang cette nuit-là... Est-ce la partie qu'il a oubliée ? Il ne sait pas, il ne peut pas séparer le vrai du faux, le présent du souvenir. Il n'arrive même pas à se concentrer sur cette goutte de sang pour mieux la voir. Ses yeux ne coopèrent pas, son regard glisse langoureusement autour de lui tandis que ses yeux roulent vers le plafond de la voiture. Il n'y a que du vide là-haut, pas de lumière, de visages ou de gouttes de sang. Il croit entendre une voix venant de quelque part. Peut-être même plus d'une - les sons se chevauchent, si vagues et confus qu'il n'est même pas sûr qu'il s'agisse de réelles voix et non de sons aléatoires.

Une main sur son menton éloigne son visage du néant du plafond de la voiture, et il regarde à nouveau le visage de Jimin. Il sait que c'est le visage de Jimin uniquement parce qu'il l'a vu tellement de fois. Déformé dans ses rêves, capturé dans le temps sur des photos. Ou bien à le regarder dans la clarté époustouflante de la réalité. Il reconnaîtrait le visage de Jimin dilué dans des couleurs d'eau, épissé en pixels et mélangé comme des tuiles de mémoire, vacillant loin sous la surface de l'océan ondulant. Il connaît ces yeux, aux paupières lourdes et aux iris couleur terre d'ombre. Et ces lèvres, pulpeuses et roses, luisantes dans leur partie la plus large. Elles bougent maintenant tandis qu'il les fixe, en essayant de faire correspondre sa mémoire de leur forme avec cette version de rêverie au lieu d'écouter ce qu'elles disent. Il aime la façon dont elle se plissent sur la première syllabe de son nom. 

Juh... Juh...

Ça le fait sourire. Il aurait dû embrasser cette bouche, il aurait dû sentir la forme de son propre nom sur ces lèvres contre les siennes. Il sait, il sait, qu'il aurait été accro dès qu'il aurait eu ce premier goût d'ambroisie pure.

Jungkook. Jungkook.

Continue à dire mon nom, veut-il dire. Mais ça ne sort pas, c'est un grondement dans sa poitrine, coincé au fond de sa gorge. Il essaie encore, essaie de dire Jimin et n'obtient qu'une tentative étouffée qui s'échappe maladroitement de ses lèvres. Il essaye de tendre sa main, mais ses bras sont désossés, du béton est ancré dans ses muscles alors qu'il s'enfonce dans le siège de la voiture.

Il peut se sentir partir. Il ne peut plus garder ses yeux ouverts. Ce doit être la fin du rêve. Il doit être temps de se réveiller.

Putain de merde, ne t'évanouis pas encore une fois, fils de -