ɪ - ʟᴇ ꜰɪʟ ʀᴏᴜɢᴇ ᴅᴜ ᴅᴇꜱᴛɪɴ

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Depuis toujours, Oikawa se demandait pour quelle raison absurde le monde lui avait donné la capacité de voir les liens qui relient les âmes-sœurs. Surtout que lui, il n'en avait pas. Il était le seul à ne pas avoir d'âme sœur. Il n'y avait pas ce fil rouge au bout de son petit doigt, relié à celui de quelqu'un d'autre. Il n'y avait personne pour lui, personne qui l'attendrait toute sa vie et même plus si nécessaire. Il n'y avait personne qui l'aimerait, peu importe qui il était ou ce qu'il faisait.

Il avait souvent pleuré. Il avait maudit le monde entier. Il en avait voulu à l'univers de ne pas lui avoir laissé, lui aussi, l'occasion d'aimer et d'être aimé comme tout un chacun le méritait. Pendant longtemps, il avait refusé de voir ses foutus fils rouges qui lui rappelaient sans cesse qu'il ne trouverait jamais son âme sœur. Il avait tout bloqué, jusqu'à ne plus vouloir sortir de chez lui pendant de longues semaines. C'était Hanamaki, l'un de ses amis de longue date, de l'époque du lycée même, qui avait fini par le forcer à sortir à nouveau.

C'est en voyant son ami heureux avec celui qui était son âme sœur qu'il avait décidé d'arrêter, de tout arrêter. Il avait décidé d'arrêter de chercher un coupable à son infortune. Il avait décidé d'arrêter de se blâmer, de penser qu'il avait forcément fait quelque chose de mal pour mériter ça. Il avait décidé d'arrêter de croire que sa vie devait se résumer à son âme sœur, d'arrêter de croire que sa vie se résumait à quelqu'un d'autre.

Il était quelqu'un lui aussi. Il pouvait très bien vivre sans amour, sans attache. Il avait survécu jusqu'ici de cette manière. Il allait juste continuer, avec moins de problèmes maintenant qu'il savait ce qu'il voulait faire, maintenant qu'il savait où il voulait aller. Il voulait aider les autres à trouver la pièce manquante à leur vie. Parce que lui, il s'en sortait très bien tout seul. Il n'avait pas besoin d'une âme sœur pour exister.

Désormais, il vivait comme il l'entendait, sans plus se préoccuper du pourquoi du comment il était le seul de ce monde à ne pas avoir de grand amour. Au fond de lui, il restait un tout petit espoir. Un petit espoir de voir un jour ce fil rouge apparaître comme par magie et lui désigner celui ou celle qui lui était destiné. Mais il savait bien que ce n'étaient que des chimères, des mensonges pour rassurer cette partie de lui qui y croyait encore.

Il profitait de la vie comme il le pouvait, autant qu'il le pouvait. Il était resté bloqué trop longtemps dans le passé, il ne voulait pas que ça recommence. Pourtant, il avait peur du futur, il avait du mal à avancer. Mais le présent, il ne l'aimait pas non plus. Comment était-il donc censé faire plus que survivre ? Comment était-il censé réapprendre à vivre quand il ne se sentait bien à aucun moment ? Comment faire pour oublier ne serait-ce qu'un instant qu'il était la seule personne de ce monde qui ne serait jamais aimée aussi fort qu'on peut l'être ?

Alors Tooru profitait de ce qu'on lui offrait. Et de toute façon, qu'aurait-il pu faire d'autre ? Il prenait les choses comme elles venaient. Il se montrait confiant, assuré, un brin arrogant. Ça plaisait visiblement. Il gardait cette apparence, ce masque en société parce que c'était désormais comme ça que les gens le voyaient. Ils avaient oublié le Tooru d'avant, celui qui se morfondait sur son sort, celui qui ne savait pas où il allait. Tout le monde l'avait oublié. Et il les comprenait au fond. Qui avait envie de se soucier de ses pauvres petits problèmes ?

Tooru sortait souvent, pour tromper la solitude et l'ennui qui s'abattaient sur lui chaque jour, sans exception. Il faisait semblant de s'amuser à danser sur la piste d'une quelconque boîte de nuit. Il faisait mine de prendre plaisir à ramener chez lui les demoiselles qui n'avaient d'yeux que pour cette façade qu'il s'était créé.

C'était encore et toujours des histoires sans lendemain. Il avait vainement essayé de construire quelque chose avec n'importe qui. Mais contrairement à lui, eux, avaient leur âme-sœur, celui ou celle qui les attendait, quelque part. Ça ne servait plus à rien de tenter de trouver la personne qui serait faite pour lui. Il était le seul. Le seul à devoir vivre aussi pitoyablement.

Il n'attendait plus rien de la vie. Elle n'avait plus rien à lui offrir. Tout ce qu'il attendait encore, c'était l'amour. C'était cette personne qui pourrait combler le trou dans son cœur qui s'agrandissait un peu plus à chaque jour qui passait. Il était conscient que ça n'arriverait jamais. Pourtant, il restait encore au fond de lui ce Tooru qui y croyait. Ce Tooru qui croyait qu'il trouverait son âme-sœur. Ce Tooru qui croyait encore qu'il pouvait être heureux.

Il attendait Hanamaki à la sortie d'un konbini. Son ami qui ne cessait de dire qu'il était "entre deux boulots". Depuis le temps, Oikawa avait compris qu'il était au chômage et qu'il se débrouillait comme il le pouvait. Il était long. Tooru soupira. Il n'avait pas toute la journée. Contrairement à certains, il avait des obligations professionnelles. Il était déjà bien gentil de dépenser l'essence de sa voiture pour Makki.

C'est là qu'il le vit. Il marchait dans la rue. Rien de spécial, n'est-ce pas ? Rien de spécial hormis son petit doigts auquel n'était relié aucun fil rouge. Tooru resta figé sur le trottoir, incapable de faire un seul mouvement. C'était bien la première fois qu'il trouvait une autre personne qui n'avait pas d'âme-soeur, une autre personne qui était comme lui.

Il regarda passer cet homme sans faire un seul geste, sans dire un seul mot. Qu'aurait-il pu dire de toute façon ? Quoi qu'il dise, il serait passé pour un fou. Mais pouvait-il vraiment le laisser partir sans rien tenter ? Ça faisait si longtemps qu'il cherchait quelqu'un qui pourrait le comprendre, quelqu'un qui n'était destiné à personne. Pouvait-il vraiment laisser filer sa seule et unique chance de trouver l'amour.

Alors Tooru ne réfléchit pas. Tooru le rattrapa. Tooru tenta sa chance. Il avait décidé qu'il n'avait besoin de personne, mais c'était un énième mensonge qu'il s'offrait à lui-même. Il avait désespérément besoin de quelqu'un pour partager sa vie, d'avoir quelqu'un près de qui se reveiller le matin. Il avait besoin d'aimer et d'être aimé.

"- Attendez !"

L'homme se retourna. Oikawa croisa ses hypnotisantes prunelles vertes. Il n'avait déjà plus envie de s'en détacher. Il voulait s'y perdre, s'y noyer pour l'éternité. Pendant de longues minutes, ils ne prononcèrent pas un mot. Ils n'en avaient pas besoin. Ils savaient.

"- Je crois que vous avez perdu quelque chose.

- Quoi ?

- Mon numéro."

Peut-être que cet homme dont il avait fini par soutirer le nom n'allait pas être facile à attirer dans ses filets. Peut-être qu'ils traversaient des tempêtes tous les deux. Mais Tooru n'y pensait pas. Tooru ne voyait que le discret sourire d'Iwaizumi Hajime alors qu'il s'éloignait après avoir fini par consentir à prendre son numéro de téléphone.

Et alors que Tooru tournait le dos, le sourire aux lèvres, il ne sentit pas quelque chose se serrer autour de son petit doigts. Un fil rouge. Un fil rouge qui le reliait désormais à quelqu'un. 

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(1219 mots)

Avec un petit jour de retard, voilà le premier OS de cette week ! 

Après maintes hésitation sur le thème, j'ai finis par me décider pour les âmes-sœurs ! Il est tellement évident pour moi qu'Oikawa et Iwaizumi sont des âmes-sœurs. J'ai voulu tout écrire du point de vue d'Oikawa parce que j'ai toujours bien réussit à me mettre dans sa peau quand il s'agit d'écrire.

J'espère que vous aurez pris plaisir à le lire, autant que j'en ai eu à l'écrire !

Je vous dis à demain pour le prochain OS,

Suna_Daichi

Always [IwaOi Week 2021]Where stories live. Discover now