Chapitre II: Le fléau du temps

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Un brouhaha constant résonne dans le zouc d'Imilia. Un marché, constamment ouvert, où les survivants tentent de vendre des trouvailles en tout genre pour gagner leur pain. Osh, coiffée de son lourd capuchon et le bas du visage camouflé pour son écharpe, serpente dans la foule regroupée dans ces rues si étroites. Sur Imilia, planète qui était, à cette époque, au centre de la grande guerre, plus aucune structure n'est intacte. En levant le nez vers des fenêtres brisées, Osh peut apercevoir les têtes des enfants des rues qui s'amusent à jeter des cailloux sur les passants avant de vite se cacher. Les mains dans les poches, elle frôle quelques stands et, furtivement, elle glisse quelques morceaux de ferrailles vendus beaucoup trop cher.

«Hey !» l'interpelle un marchand, visiblement furieux «Espèce de voleur !»

Osh se met à courir, esquivant les passants, poursuivie par le marchand enragé. Elle saute sur une plateforme en taule et s'accrochant à la bordure brisée d'un mur avant de se hisser à l'intérieur du bâtiment. Le marchand l'insulte, ne pouvant la poursuivre.

«T'as trouvé des pièces ?» demande Spectra en sortant de sa capuche sous forme de petite bouche flottante et en reprenant forme humaine.

Sa partenaire sort alors quelques trésors volés par-ci, par-là. Toutes les pièces sont rouillées. C'est un maigre butin qui n'en vaut pas tellement la peine. Osh soupire mais Spectra passe sa main derrière sa nuque et lui embrasse le front :

«Allez, viens.» lui murmure-t-il en levant les yeux vers le ciel, fixant l'énorme masse planétaire juste au-dessus d'eux : Néo-Prokis.

Leur petit vaisseau avançait difficilement à travers les débris dans l'espace entourant la planète principale, la capitale de tout l'univers. Dépourvu de certaines pièces, habituellement essentielles, leur vaisseau se débrouillait pour ne pas tomber en panne subitement et leur permettre d'atterrir en sécurité.

«Osh..regarde-ça.» souffle le démon en désignant leur planète de destination.

Osh et Spectra tournant autour de la planète, Néo-Prokis dévoile le trou béant qui lui avait arraché 40 % de sa surface. Les morceaux d'elle-même gravitaient, comme suspendus, formant un amas qui rend son accès très difficile. Cachée derrière elle, se dessine Canaüs, la planète des grands loups blanc. Également ravagée, il ne lui reste que la moitié de sa masse initiale. Le reste gravitant également dans les alentours.

La jeune fille déglutit : ce spectacle la terrifie . Au fur et à mesure que le vaisseau serpente entre les météores, la planète se rapproche d'eux et une zone plane les appelle à atterrir dessus. Sur le sol craquelé et terreux, Spectra pose en premier le pied, suivit de sa coéquipière. Il n'y a pas un seul bruit, pas même du vent. Des squelettes d'arbres forment une angoissante forêt sans verdure, vidée de toute forme de vie.

Sous leurs semelles, de vieilles branches sèches craquent. Ce bruit est la seule preuve de leur passage.

«Un village.» annonçe Spectra en montrant le chemin.

Ils sortent de la forêt et atterrissent dans ce qui était autrefois un village. Il ne reste des maisons, que les pieds des murs. Des tas de gros graviers jonchent toutes les ruelles tandis qu'Osh dépasse son compagnon en accélérant dans une direction bien précise. Là-bas, au bout de la rue, elle a aperçu une silhouette. Plus elle s'en approche, plus elle sent son cœur battre d'effroi.

 Il luit vient des sueurs froides lorsqu'elle se trouve à seulement quelques centimètres de la personne qu'elle avait approchée. Tremblante, elle approche lentement sa main vers l'épaule de la petite fille qui ne broncha pas à son contacte. Osh vient soulever une mèche de l'enfant pour la coincer derrière son oreille avant de venir caresser sa joue. Son visage affiche de la terreur. Ses yeux clos mais sa bouche béante laissent penser qu'elle est en train d'hurler, d'appeler à l'aide. Mais seulement, elle est figée, comme une statue.

«Le sommeil éternel...hein ?» commence Osh lorsque Spectra s'approche d'elle «elle n'a même pas l'air paisible. Et elle est condamnée à rester ainsi...pour toujours.»

Elle retire sa main de la joue de l'enfant. Des larmes lui montent aux yeux alors Spectra vient poser ses mains sur ses épaules, la réconfortant :

«Pas pour toujours Osh...On va trouver une solution.»

Mais des larmes coulent sur les joues de la jeune fille qui tente de retenir ses sanglots.

«Ça fait dix ans, qu'on la cherche cette solution.» réussit-elle à dire entre deux sanglots. «Faut se faire une raison Spectra, on pourra pas les sauver.»

Cela faisait dix ans. Dix ans qu'un nombre incalculable de statues, semblables à cette petite fille peuplent une trop grande partie du monde de Chrono-Lia. Figé par le temps, le monde a été plongé dans l'apocalypse. Les survivants, comme certains s'appellent, tentent de survivre comme ils le peuvent. Dénichant des vivres là où c'est encore possible, ils doivent faire le deuil de tous ceux qu'ils ont été amenés à perdre après «le grand fléau du temps». Beaucoup, comme Osh, ont perdus espoirs. Et peu, comme Spectra, veulent tenter de sauver l'impossible.

«Si...si j'avais su...» sanglote de plus belle Osh «J'aurai tué Bavishy.»

Néo-Prokis VI: La fin des tempsWhere stories live. Discover now