Néo-Prokis VI: La fin des temps

Chapitre III: Le réveil

Un léger souffle s'engouffre dans les ruines du palais de Néo-Prokis. Ici, même les feuilles ne daignent pas s'agiter sous son passage. Rien ne bouge, si bien qu'on pourrait croire qu'il s'agisse d'une image. Les rayons des soleils traversent les bribes de murs, éclairant de ses faisceaux, les pierres froides du sol. Soudain, une forme se met à bouger. C'est un jeune homme. Allongé au sol, il ouvre péniblement les yeux. La lumière l'aveugle et ses membres sont trop engourdis pour réussir à bouger. Il reste quelques instants, les yeux mi-clos, sortant de ses songes.

En prenant une grande respiration, il parvient à se redresser. S'appuyant sur son avant-bras, il se frotte la tempe de sa main libre, écartant un soudain mal de tête. Lorsqu'il se décide à ouvrir ses yeux, il les laisse s'habituer à la lumière avant d'observer ses alentours : des ruines. Pourtant entre quatre restes de murs, il voit le ciel au-dessus de sa tête. Il est d'un bleu éclatant. Pas un seul nuage à l'horizon. Il s'assoit en tailleur mais, entendant son cœur battre dans ses tempes, il se masse le front et parvient à se lever, manquant de tituber à plusieurs reprises. Le souffle du vent lui caresse la joue, l'aidant à sortir de sa torpeur. Face à lui, une personne parmi les milliers qui se sont faites figées par le temps. Le visage crispé par la terreur, ce soldat, semble pouvoir se réveiller à tout instant. Les épaulettes de son armure reflètent les rayons aveuglant tandis que le bout de son épée est terni par du sang. Le jeune homme s'en approche. Gardant tout de même une certaine distance, il tourne autour de cette étrange statue avant d'en apercevoir d'autre du coin de l'œil, dans une autre pièce, une pièce bien plus grande. Il y pénètre. Les murs semblent rasés, soufflés par une sorte d'explosion. Et, érigés au centre de cette ancienne pièce, se tient un dragon de dos ainsi qu'un énorme cadran d'horloge en suspension au-dessus de lui. Le jeune homme le contourne, découvrant que, devant le dragon, une jeune femme tient son museau entre ses bras, collant son front contre lui. Mais... qui est-elle ? Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Prit d'une soudaine panique, le jeune homme se précipite à l'extérieur pour y découvrir, avec horreur, un gigantesque champ de bataille, figé dans le temps.

Des démons s'entremêlent à des humanoïdes. Des épées s'entrechoquent, des cadavres jonchent le sol...mais tout cela, sans un geste, sans un bruit, comme des mannequins.

En regardant vers l'horizon, le jeune homme voit, dans le ciel, d'énormes morceaux de roche qui flottent. En tournant sur lui-même, toujours le nez en l'air, il voit Canaüs, la moitié de sa superficie ravagée. Dans l'espoir d'une réponse, le jeune homme hurle comme les grands loups blancs même s'il sait que sa voix n'a que peu de chance de porter aussi loin.

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«T'as entendu ça ?» s'inquiète Osh en se précipitant vers la voix.

À nouveau, le cri d'un loup retentit.

«On est pas seuls sur cette planète !» s'écrie-t-elle.

«Attends-moi !» la supplie Spectra avant de prendre l'apparence d'une petite bouche pour flotter et, ainsi, pouvoir la rattraper.

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Ils n'entendent plus aucun bruit mais Osh est convaincue de la direction à prendre. Plus elle s'en approche et plus elle rencontre de statues. Sautant par-dessus des corps au sol et s'abaissant pour passer sous des épées brandies, elle voit se dessiner l'ancien palais prokicien. Soudain, elle aperçoit une silhouette bouger, là, en-haut des grands escaliers qui mènent à l'entrée principale. Elle s'arrête net, se camoufle derrière un soldat figé et observe : c'est un jeune homme. Elle le voit descendre les escaliers et avancer lentement. Il scrute chaque statue devant laquelle il passe, comme s'il découvre, pour la première fois, ce lieu. 

«Sûrement un voyageur.» pense-t-elle.

«On devrait aller lui demander s'il a de la nourriture.» suggère la petite bouche du shiu.

«Et si c'était un mercenaire ?»

«Il a pas la tête de l'emploi. J'y vais pour toi, trouillarde.» la provoque-t-il.

«Spectr...attend, bordel !»

Mais la petite bouche flotte déjà en direction de l'inconnu jusqu'à se trouver à sa hauteur.

«Bonjour, voyageur !» salue-t-il avant de manquer de se faire trancher en deux.

Le bras du jeune est devenu une lame qui remonte jusqu'à son épaule. Il fend à nouveau l'air tandis que Spectra esquive, se faisant frôler de justesse.

«Arrête ça !» ordonne Osh, pointant son petit pistolet en direction de l'inconnu qui menace de la pointe de sa lame, la petite bouche flottante.

Spectra reprend son apparence démoniaque et décale du bout de son doigt, la direction de la lame.

«On compte pas te faire de mal.» lui assure le démon.

«Alors pourquoi elle a une arme pointée vers moi ?» questionne sarcastiquement le jeune homme.

«C'est toi qui as commencé.» peste Osh «Range ta lame et je range mon flingue.»

«Range ton flingue...et je rangerai ma lame.»

«Osh... on est pas là pour se battre non ?» l'incite Spectra en désignant l'arme de son regard.

La jeune fille roule des yeux et range son arme dans sa poche suivie de l'inconnu qui fait réapparaître un bras humain à la place de la lame.

«Qu'est-ce qui leur ait arrivé ?» demande-t-il sur un ton sec.

«Bah...le fléau du temps. Comme partout.» répond Spectra avec nonchalance.

L'inconnu plissa les yeux :

«C'est quoi ça encore ?»

Spectra et Osh se trouvent un peu déconcertés. Comment est-il possible qu'il n'en ait pas entendu parler ?

«La majorité de l'univers a été figé dans le temps il y a dix ans...ça te dit rien ?» fait-elle.

Mais l'inconnu répond «non» de la tête.

«Je crois...que je viens de me réveiller d'un trop long sommeil.» déclare-t-il. «Quelle date sommes-nous ?»

«Le deux Janury.»

Et l'inconnu hésite à poser sa prochaine question :

«De quelle année ?»

«L'an 3546 du système prokicien.»

Mais le jeune homme tombe des nues. Ses genoux flanchent et il se trouva au sol, abasourdie.

«C'est une blague...hein ?» espère-t-il en regardant le démon qui hoche la tête en signe de négativité.

Osh déglutit :

«Et ça fait combien de temps que tu dormais ?»

«Plus de 500 ans.»