{11} Gestes Barrières

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Livai marchait sur le trottoir mouillé de l'avenue, un parapluie dans sa main droite. Suivant les indications envoyées, il tourna au prochain croisement et arriva dans une rue chique aux pavillons bien entretenus. Cela ne ressemblait en rien à son petit immeuble de quartier, les gens qui habitaient ce coin devaient mener la belle vie. Arrêté devant le numéro trente, Livai appuya sur la sonnette. Il patienta une, deux, trois minutes. Toujours rien. Il vérifia l'adresse une dernière fois, puis sonna de nouveau. 

— Faites que ce crétin ne soit pas parti je-ne-sais-où, grommela-t-il en serrant les pans de son manteau.

Livai s'apprêtait à chercher dans ses contacts sur son téléphone quand le portail automatique s'ouvrit enfin. Sur le palier de la maison, Eren se tenait contre l'encadrement de la porte, enroulé dans sa couette. En s'approchant, Livai s'aperçut qu'il était en réalité très mal en point. Son nez rougissait à vue d'œil, des cernes se traçaient sous ses yeux verts et, même avec ses béquilles, Eren peinait à tenir debout.

— Bon sang, au téléphone je pensais que t'avais juste un petit rhume, s'exclama Livai. Tu es sûr que ça va ?

— Ouais, je pète la forme… toussa Eren.

Craignant d'attraper le virus, Livai s'écarta d'un pas. Eren sourit faiblement et pour le rassurer, enfila un masque tout en plaisantant :

— Et moi qui me croyais irrésistible même en étant malade...

— Je te rassure, tu ne l'es pas non plus en bonne santé, riposta Livai dans un sourire provocateur.

Eren feigna d'être touché en plein cœur puis l'invita à rentrer. Il ne voulait pas le montrer, mais tout son corps tremblait de fièvre. Parvenu à sa chambre, il se laissa lourdement tomber sur son lit en pagaille. De son côté, Livai ouvrit les stores pour mieux inspecter la pièce. Le sol était jonché de mouchoirs et de vêtements en boule. Sur la table de chevet trônaient une pile de médicaments intouchée ainsi qu'une bouteille d'eau presque terminée. Outre ce bazar grippal, la chambre d'Eren paraissait grande et chaleureuse, avec des étagères débordant de livres en tous genres, un bureau surchargé et plusieurs posters de vieux groupes de rock accrochés aux murs. Cela lui ressemblait bien, même si étonnamment, il n'avait aucune photo de lui avec ses amis.

— Tes parents ne sont pas là ? s'enquit Livai en essayant de ranger un peu.

— Ma mère est serveuse et mon père toubib. Ils n'ont pas vraiment le temps de s'occuper de moi, marmonna Eren.

— Si ton père est médecin, il a bien dû te filer des médicaments, non ?

— Ouais, mais je ne veux pas les prendre. J'ai pas envie de me bourrer l'estomac de trucs qui ne servent à rien.

Livai s'assit au bout du lit et regarda Eren avec lassitude. Ce dernier était emmitouflé sous trois couches de vêtements en plus de sa couette, replié sur lui-même comme un petit animal blessé. Le ténébreux avait presque pitié de cette apparence fatiguée et quelque peu mélancolique.

— Qu'est-ce que t'en sais, qu'ils ne servent à rien ? demanda-t-il. 

— J'aime pas les médocs, répliqua le grand brun. Mon père pense que c'est la solution à tout, même aux coups de blues. Pff... N'importe quoi ! Et puis c'est même pas naturel, je préfère prendre soin de mon corps avec des plantes.

— Eren, tu fumes.

— Le tabac est une plante. L'herbe aussi.

— Ouais, et le vin c'est juste du jus de raisin.

— Techniquement parlant, c'est pas faux.

— Tu dis encore plus de conneries quand t'es malade.

𝐿𝑎 𝑆𝑦𝑚𝑏𝑖𝑜𝑠𝑒 𝚅𝚎𝚛𝚜𝚒𝚘𝚗 🅢︎🅝︎🅚︎ ✓Where stories live. Discover now