37 - Emmêlement d'un instant

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Équinoxe galopait.
Les premiers pas avaient été douloureux mais à présent c'était plus comme une cruelle caresse sur sa cuisse.
Il avait mal, plus qu'il n'avait voulu l'avouer à Isil. Il se doutait qu'elle le savait, jamais il ne lui bloquait ses pensées.
Il avait mal mais il courrait, rien ne l'arrêtait dans sa course. Il devait retrouver Eomer comme Isil lui avait demandé, mais retrouver son étoile, même en plein champ de bataille, était presque un instinct. Il savait, il sentait dans quelle direction prendre pour la trouver.
Pas comme pour Eomer...
Il n'avait pas la moindre idée d'où il pouvait être à présent... mais il ne s'arrêterait pas avant de l'avoir trouvé.
Il avait promis. Il tiendrait sa promesse.
Sans relâche, Équinoxe galopait entre les combattants, cherchant du regard le Rohirrim.
Il arrivait dans la longue plaine en pente douce jusqu'aux portes de la citadelle quand il vit que des Hommes du Gondor étaient sortis eux-aussi. Il se disait que c'était une bonne chose quand soudain un hurlement le fit frémir, encore un Nazgûl, mais il ne ralentit pas. Il ne voulait pas s'arrêter. Il ne le devait pas et pourtant il le fit, à l'entente d'un hennissement qu'il reconnut entre mille.
Symbel.
Équinoxe s'arrêta dans une glissade. La douleur lui mordit la cuisse et se propagea dans toute sa patte mais il l'ignora. De tous ses sens, il cherchait le petit cheval. Il ne le voyait pas dans la cohue des combats mais à nouveau il l'entendit hennir de panique.
Symbel avait besoin d'aide.
Équinoxe était cheval à mener à bien une mission qu'on lui avait convié. Isil lui avait demandé de retrouver Eomer. C'était sa mission.
Équinoxe hésita. Il piaffa, indécis, puis s'élança.
Isil lui avait demandé de retrouver Eomer mais si elle avait su que Symbel avait besoin d'aide, elle y serait allée, et lui aussi.



***


Merry était sonnée, la charge avait été violente, plus que tout ce qu'il avait pu imaginer.
Il se cramponnait, regardant tout autour de lui sans comprendre ce qu'il voyait. Des créatures gigantesques, des monstres a perte de vue et des cavaliers qui tenaient de s'interposer, de leur interdire l'accès à la cité. Une pure folie...
Les combats étaient d'une violence inouïe, tant d'horreur rassemblée sur une plaine jadis aussi verdoyante que la Comté.
Merry aurait bien laissé ses pensées voguer vers sa Comté mais une ombre les survola. Merry leva les yeux et sentit son sang se glacer.

– Nazgûl, souffla t'il entre ses dents serrées.

– C'est un monstre du Mordor, répondit Eowyn tout aussi effrayé.

Soudain la bête piqua et partit à l'assaut des cavaliers.
Merry se cramponna de plus belle tandis que les gigantesques créatures continuaient leurs carnages.
Eowyn stoppa Symbel qui malgré sa peur croissante, s'arrêta en piaffant. Effarée, Eowyn regarda tout autour d'elle, partout il n'y avait que la mort.

– Prenez les rênes, Merry.

Le Hobbit frémit mais s'exécuta. Serrer le cuir entre ses mains gantée l'apaisa quelque peu mais déjà Eowyn talonna Symbel. Le petit cheval bondit en avant, soulagé de se remettre en mouvement face à tous ce qui l'inquiétait.
Ils galopaient parmi les gigantesques créatures. Merry tentait d'aider mais il se laissait surtout porter face à toute cette horreur. Symbel faisant de son mieux pour éviter les coups et porter ses cavaliers toujours plus loin dans cette bataille qui le terrifiait mais soudain il trébucha.
Déséquilibré, il tenta de se rattraper mais emporté par le poids de ses deux cavaliers il chuta.

Merry et Eowyn tombèrent lourdement au sol mais la dame du Rohan se redressa presque aussitôt. Dans une danse macabre, elle oscille les Orques proches puis s'élança sur les autres. Merry se redressa à son tour et la suivit sans plus y réfléchir, emporté par son ardeur au combat.
Merry ne voyait plus rien, que des formes floues tout autour de lui.

– Eowyn !

Aucune réponse que le brouhaha des combats. Merry s'arrêta pour regarder autour de lui, il le regretta amèrement. Des monstres et des morts à perte de vue.
La peur le submergea, tétanisant ses membres et bloquant jusqu'à son esprit.
Que faisait-il là ? A jouer les soldats ?
Pourquoi avait-il quitté la douceur de ses terres pour l'horreur de la guerre ?
Quelle folie l'avait pris ? il n'était qu'un Hobbit, un être inoffensif... faible... apeuré...
Soudain un souffle dans son dos le fit bondir en avant. Il se retourna maladroitement mais leva son épée en garde. Il échappa un soupir de soulagement en voyant Symbel qui le dévisageait. Le petit cheval s'approcha d'un pas prudent puis lui souffla dans le cou.
La peur de Merry sembla s'évaporer au contact de ce souffle chaud.

– Tu as peur mais tu restes... Nous avons tous peur.

Cette révélation fit s'élever un poids des épaules de Merry. Ils avaient tous peur. C'était leur point commun, la peur de mourir, la peur de voir un monde où il n'y aurait que cela... Que la peur.
Merry réajusta son casque, resserra la prise sur son épée puis défia la foule du regard.

– Pour la Comté ! hurla t'il en bondissant à l'assaut des Orques les plus proches.

Son cri en fit se retourner bon nombre mais il n'avait plus peur.
Merry partit au combat, son combat. Il usa de sa petite taille et de son habilité pour défaire les Orques. Sa réussite lui redonna confiance en lui, en eux. Ils pouvaient vaincre.
Son ardeur atteignait son paroxysme quand soudain des Orques plus massifs le virent puis accoururent vers lui. Sans plus y réfléchir, Merry leur fonça dessus mais dès les premiers échanges il comprit que c'était des adversaires de taille.
Le Hobbit lutta comme il le pouvait mais le combat était inégal, pire les Orques se jouaient de lui. Piquée dans sa fierté et sa peur revenant doucement, Merry usa de tous ce qu'il pouvait trouver pour se défaire de ces monstres. Il réussit à se débarrasser de certains mais le danger était toujours là.
Symbel demeurait à ses côtés mais il n'était d'aucune aide, trop affolé à la vue des monstres. Son hennissement déchirait par moment le brouhaha des combats mais personne ne venait, personne ne pouvait les aider.
Malgré toute sa bravoure et ses récents entraînements, Merry était en mauvaise posture. Les Orques le harcelaient, gagnant du terrain pas après pas. Soudain Merry trébucha et chuta en arrière. Il resta cramponné à son épée mais incapable d'attaquer ou même de parer.
La peur le heurta comme un coup porté. Il avait peur de mourir, il savait qu'il allait mourir.
Tétanisé, Merry fixait les Orques, incapable de décrocher son regard d'eux.
Tout à coup, une masse jaillit de la foule des combattants et percuta les Orques les renversant sur le côté. Incrédule, Merry regarda Équinoxe piétiner les monstres.
Se reprenant face à cette aide inopinée, le Hobbit se redressa.

– C'est Isil qui t'envoie ? lança t'il perplexe.

Equinoxe se secoua avant de pousser du museau Symbel qui semblait ravi de le voir. Merry tendit les mains pour caresser le pelage d'un noir d'encre de l'immense cheval. Finalement la raison de sa venue lui était égale. Il était là, il lui avait sans doute sauvé la vie.
Soudain Merry tiqua.

– Je comprends pourquoi Isil tient autant à toi, souffla t'il. Ton cœur est aussi bon que ton corps est puissant. Tu es aussi lumineux que ta robe est sombre...

Equinoxe se frotta contre lui vite imité par Symbel. L'espace d'un instant, Merry en oublia les combats et les horreurs qui se déroulaient autour de lui. Il n'était pas seul, il ne l'était jamais vraiment.

– Merci...

Equinoxe se secoua, regardant autour de lui comme à la recherche de quelle chose. Merry regarda alors aussi les alentours et le regretta. Des morts, des centaines de morts. Humains, cheval, Orques et autres monstres, tous morts. Merry sentit la peur lui remonter le long du dos mais il lutta. Il avait le droit d'avoir peur, il serait fou de ne rien ressentir dans cette cohue mais il devait agir. Il était venu pour aider, pour mettre sa pierre à l'édifice de l'anéantissement des Ténèbres et il allait le faire !
Rasséréné, Merry resserra sa prise sur la garde de son épée et chercha du regard ses nouveaux adversaires.
Soudain une explosion retentit, si puissance qu'Hommes et Monstres tournèrent la tête vers les langues de feu qui montaient à l'assaut des cieux.
Le feu s'agita tel des tentacules puis s'entrecroisèrent pour former un monstre gigantesque.

– Isil... souffla Merry. Qu'avez-vous fait ?



***



L'explosion est bien plus violente que je l'avais imaginé.
Si avec ça, le Nazgûl est toujours en vie...
Ébahie, je regarde mon feu monter toujours plus haut puis s'agiter pour former une créature que j'associe brièvement à un Balrog. Ça prend la forme de ce que ça contient...

– Je ne le sens pas trop là, lancé-je alors que la chose faite de flammes finit de se redresser.

J'ai l'impression qu'elle prend comme une inspiration. Mon sang semble se figer dans mes veines alors que je crois comprendre.

– FUYEZ !!!

Mon cri me déchire la gorge mais déjà la créature se penche en avant vomissant un véritable brasier.
Le feu arrive sur nous plus rapidement qu'un cheval au grand galop, l'air même devient ardent.
Legolas m'attrape le bras et me tire en direction de ruines, seules protections dans les environs.
On court aussi vite que possible mais je sens le feu nous rattraper.
Je m'arrête alors qu'Elladan, Elrohir et Gimli se jettent dans un renfoncement puis je regarde Legolas se glisser derrière un mur et la panique m'envahit. Sa protection ne sera pas suffisante.
Je le rejoins mais on ne trouve pas d'autres abris. En désespoir de cause, Legolas attrape le restant d'une barricade tombée pour s'en couvrir. C'est humain mais insuffisant, je le sais.
Je regarde tout autour de nous, cherchant une autre solution quand un croassement le fait lever la tête. Un corbeau ?
Soudain le brasier me heurte, manquant de m'envoyer au sol. Je titube, harcelée de toute part, enserrée par l'ardence. J'ai l'impression d'être en pleine tempête, une tempête de feu qui ricoche sur moi.
Qu'est-ce que j'ai fait ?
Pour détruire une seule créature, je vais réduire en cendre toute une partie de Gondor... et de nos alliés. Legolas va mourir à cause de moi...
Merde, Isil, répares tes conneries !
Je me file une claque avant de revenir vers mon ami. Il a besoin de moi, pas de ma culpabilité.

– Faites-moi confiance !! hurlai-je sans certitude qu'il m'entende.

J'écarte les bras, prend une grande inspiration et ferme les yeux.
Les images du Balrog viennent se glisser sous mes paupières. Une autre époque, une époque où j'avais peur de mon feu, maintenant il est mon allié.
Je ne serai trop comment l'expliquer mais j'absorbe ce feu. Je l'accueille dans mon corps, je le dompte puis je l'apaise. Il y en a toujours plus et je le sens danser tout autour de moi, il m'enserre, me murmure une étrange mélodie et entre en moi.
Je sais que ça fonctionne. Le feu se concentre, se condense sur moi. Il est une part de moi.
Ça s'arrête plus rapidement que je l'avais cru. Je titube sous l'absence de pression puis rouvre les yeux. Je fixe bêtement Legolas qui me dévisage comme s'il voyait un être venu d'un autre monde.
C'est peut-être le cas...
Soudain je sens mes jambes flancher et je me laisse tomber à la renverse. Je souris devant le petit nuage de poussière que je fais avant de comprendre que c'est moi qui fume. J'ai chaud, une douce chaleur qui vit en moi.
Legolas s'approche de moi, tend la main puis la retire.

– Je suis ardente... soufflé-je en me perdant dans la contemplation du ciel.

Legolas se penche sur moi, l'air soucieux puis se détend.

– Vous m'avez sauvé la vie.

C'est clair et concis et ça me fait sourie.

– Regardez, on voit le soleil.

Legolas lève la tête puis sourit à son tour. Les Ténèbres sont moins denses tout à coup.



***

Tome 3 - La lune ardente de FangornTempat cerita menjadi hidup. Temukan sekarang