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Camille 

—Camille ? Tu vas ouvrir ? 
Je soupire et me lève de mon bureau, abandonnant à regret les fiches sur lesquelles je suis en train de plancher. Socrate attendra ! Je me dirige dans le salon pour gagner le hall d'entrée. Ma mère est en train de faire une séance de yoga avec son coach attitré. Sa longue silhouette fine est repliée parterre. 
J'ouvre la porte. A ma grande surprise, mon cousin se trouve sur le seuil, les mains dans les poches et un air sombre sur le visage.
—Arthur ? Tout va bien ? lui demandé-je. 
Il secoue la tête. Je n'ai qu'à observer ses yeux clairs dans lesquels la tristesse s'affiche pour deviner que non. Qu'est-ce qu'il se passe ?
—Maman, je vais prendre un café avec Arthur ! m'exclamé-je en attrapant ma veste en jean. 
Sans attendre sa réponse, je claque la porte derrière moi et attrape le bras de mon cousin pour l'entraîner à ma suite. 
—On marche un peu ou on va en terrasse ? lui proposé-je, une fois à l'extérieur. 
—Un café ne me ferait pas de mal. 
—OK.
Nous marchons en silence jusqu'au bar le plus proche. Je n'y ai jamais mis les pieds. En général, le seul que je fréquente est celui du père de Capucine. Nous prenons place à une petite table après avoir salué le serveur et sitôt assis, Arthur s'allume une clope. 
—Deux cafés, réclamé-je. 
J'attends de me retrouver de nouveau seule avec mon cousin, nos tasses posées devant nous, pour reporter mon attention sur lui.
—Qu'est-ce qu'il se passe, Arthur ? le questionné-je. 
Il lâche un soupir et tire une latte avant de poser son téléphone sur la table. Depuis tout à l'heure, il vibre sans discontinuer.
—Rajaa, précise-t-il devant la moue interrogatrice que j'esquisse. Elle essaie de m'appeler depuis tout à l'heure. 
—Et tu ne réponds pas ? 
Il secoue la tête. 
—Je suis allé la voir ce matin... Bordel, qu'est-ce que ça peut être compliqué ! s'écrie-t-il en grimaçant. Tatiana a voulu me voir pour s'assurer que je faisais pas n'importe quoi pas avec Rajaa...
—Ouais... Elle m'en a parlé, avoué-je. Je crois qu'elle flippait un peu que tu continues à craquer sur elle... Mais ce n'est pas le cas, hein ? 
Une nouvelle fois, Arthur secoue la tête. 
—J'ai eu des doutes, c'est vrai, souffle-t-il. Tatiana... Je la kiffais vraiment. C'était un truc ouf, mais j'ai réalisé que c'était juste une illusion, tu vois ? Rien de concret. Alors que Rajaa... J'étais bien avec elle. J'aimais ce qu'on était en train de construire elle et moi. 
—Qu'est-ce qu'il s'est passé ? le questionné-je, devinant qu'un truc cloche entre eux deux. 
—Elle s'est tapée un autre mec, me confie-t-il au bout de quelques secondes. Son ex. Un pote de Volkan, je crois. Louis ou un truc comme ça. 
Je me mords la lèvre. Merde... Alors, c'était elle la fille dont me parlait Louis... C'est à elle qu'il a brisé le cœur ! Pourquoi a-t-elle craqué de nouveau ? Mon cousin soupire et hausse les épaules.
—En fait, elle m'a vu en train de discuter avec Tatiana... On s'est pris dans les bras à un moment, mais rien de méchant, tu vois. C'était juste pour se dire au revoir. Mais elle s'est fait des films dans sa tête et elle a fini avec un autre mec. Putain... Quelle salope ! 
—Arthur, soufflé-je pour le tempérer. 
—Quoi ? J'ai pas raison ? Se taper le premier venu qui traîne juste parce qu'elle imagine que je joue avec elle ? 
—Rajaa est spéciale, tu sais bien... Elle a dû se sentir blessée, trahie et...
—Tu la défends ? gronde-t-il. T'es sérieuse, Camille ? 
—Arrête, ne le prends pas comme ça ! Je ne la défends pas. J'essaie juste de me mettre à sa place. A la tienne aussi. Je comprends ta déception et ta colère. J'aurais ressenti la même chose que toi, crois-moi.  
Je pose ma main sur la sienne. Il hoche la tête, mais aucun sourire ne vient illuminer son visage fin. Il a l'air vraiment mal. Il tient à elle. Il est amoureux de Rajaa. C'est une certitude, je le sais maintenant. Moi qui avais des doutes, tout soupçon est levé. Il ne serait pas dans cet état-là sinon. 
—Elle a déconné, c'est clair. Je ne sais pas ce qui est lui passé par la tête, soufflé-je. Peut-être que de revoir Louis, ça a...
—Attends, me coupe-t-il. Tu connais ce mec ? Mais putain, c'est qui ? Tout le monde a l'air de le connaître ! Il s'est cassé avec Volkan ensuite ! 
Je soupire. 
—C'est une longue histoire, marmonné-je. C'est lui que j'avais rencontré à une soirée avec Capu, tu te souviens ? 
Mon cousin acquiesce tandis que je continue :
—Je ne savais pas à ce moment-là qu'il connaissait Volkan, Rajaa etc... Je l'ai appris il y a quelques jours, avoué-je. Volkan me racontait un truc et j'ai fait le rapprochement. Quand je l'ai rencontré, il m'a parlé d'une fille un peu peste sur les bords et superficielle qu'il avait pas mal kiffé, mais à qui il avait pourtant brisé le cœur. J'imagine que c'est de Rajaa qu'il s'agissait. Tout s'assemble.
—Ouais... Quel bordel.
—Qu'est-ce que tu vas faire ? l'interrogé-je.
Il termine son café et laisse son regard dériver vers un couple qui rit, main dans la main.
—Rien, finit-il par lâcher d'une voix sèche. Je vais tirer un trait sur cette meuf et me remettre à vivre ma vie comme avant. Voilà pourquoi je suis mieux tout seul.
—Laisse peut-être passer un peu de temps, non ? Si tu l'aimes et qu'elle aussi t'aime, ce serait dommage de vous perdre. Elle a fait une grosse connerie, mais ne sois pas si définitif. 
—Franchement Cami, je vois pas comment je pourrais faire pour lui pardonner. Même si je le voulais, soupire-t-il. 
Il pose son regard sur moi et tente de m'adresser un sourire convaincant.
—Parle-moi plutôt de toi, OK ? Je veux oublier un peu Rajaa pour l'instant, me confie-t-il. 
Je hoche la tête. Je le comprends. Il a besoin de temps. De digérer ce qu'il s'est passé. Mais je connais Arthur : il n'est pas rancunier. Il a beau être blessé et en colère, peut-être trouvera-t-il la force au fond de lui de lui pardonner. 
—Il n'y a pas grand-chose à dire, murmuré-je en baissant la tête.
Un rire rauque lui échappe tandis qu'il attrape une nouvelle cigarette.
—Arrête, je connais ce visage ! Et tu rougis ! insiste-t-il. 
—Je... 
Je soupire et tourne ma cuillère dans mon café, observant les remous qui se forment 
—Je crois que j'aime bien Volkan.
Arthur fait mine de s'étouffer avant de me fixer de ses yeux clairs. Il fronce les sourcils lorsqu'il observe mon visage sérieux. 
—OK... C'est pas une blague alors ? Tu... Tu craques sur lui ? 
—Peut-être un peu, oui, soufflé-je. 
—Camille... Putain, pas lui ! Pas ce mec, marmonne mon cousin. 
—Je sais ce que tu penses, Arthur, mais...  
—C'est un connard ! m'interrompt-il. Tu mérites mieux.
—On est quand même en train de parler d'un de tes meilleurs potes, m'offusqué-je. Comment tu peux être aussi dur avec lui ? 
Arthur soupire. 
—Je l'adore, mais je sais comment il traite les meufs, c'est tout. J'ai pas envie de te ramasser à la petite cuillère. 
—Ne t'en fais pas pour moi, le rassuré-je. C'est juste que... Ces derniers temps, on s'est rapproché lui et moi. Le fait qu'il sache la vérité pour Charlotte et... 
Je me tais. Impossible pour moi de trahir Volkan et son secret. Si je lui avoue que le turc est venu chez moi me raconter ses petits malheurs, il voudra forcément en savoir plus. 
—Bref... Il ne se passe rien de plus entre nous en tout cas. Je suis un peu paumée, c'est tout. 
Mon cousin hoche la tête et attrape ma main dans la sienne en m'adressant un petit sourire. 
—Tu craquais pas pour le frère de ta meilleure pote aussi ? me questionne-t-il avec une moue entendue. 
Je pouffe. C'est vrai que je lui ai raconté la soirée passée avec Sacha et surtout le baiser à la fin ! Ce moment ne m'avait pas laissée indifférente. J'adore Sacha ! Mais je ne le considère pas comme Raf, comme un grand frère. Il y a plus que ça. Mince... Moi qui ai toujours réussi à me tenir éloignée des mecs, voilà que je craque sur deux spécimens de la gente masculine ! Et pas n'importe lesquels. Il ne manquait plus que ça. 
—Je l'aime bien, c'est vrai ! avoué-je. 
—Tu devrais te concentrer sur lui, me conseille Arthur. Ça a l'air d'être un mec bien, non ?
—Oui, ça c'est sûr. Il est droit dans ses baskets ! 
—Bah voilà ! Oublie Volkan. Tu as peut-être un faible pour lui, mais sans doute pour de mauvaises raisons. Tu es une fille bien, ma Cami. Crois-moi si je te dis que tu mérites mieux que Volkan. 
Je souffle et me contente d'acquiescer. Il a peut-être raison. Après tout, que pourra-t-il m'offrir ? Serait-il capable de se mettre en couple ? De renoncer aux filles qu'il a l'habitude de séduire ? Je n'en suis pas certaine. 
—Te prends pas la tête, poursuit Arthur en me souriant. Si on allait plutôt se faire un ciné, ça te dit ? 
—Pourquoi pas ? accepté-je. Je ne danse qu'à seize heures donc j'ai largement le temps !
Passer un peu de temps avec mon cousin me fera le plus grand bien. Et à lui aussi. Au moins pendant quelques heures, nous oublierons un peu les Bayrak !

Paris doréWhere stories live. Discover now