sept.

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« L'amour est une chose qui meurt. Une fois mort, il pourrit, mais peut servir à un nouvel amour. » - Pär Lagerkvist

- Ken ? Tu m'écoutes ?

Je cligne plusieurs fois des yeux en regardant mon beatmaker.

- Oui, désolé.

Il soupire et, vu le soupir, relance une énième fois une boucle. J'hoche légèrement la tête, entraîné par le rythme.

- Alors, elle te plaît ?
- Qui ça ??
- La boucle, abruti.
- T'aurais pas quelque chose de plus sombre ?

Il coupe la boucle et ramène sa chaise contre son bureau. Je le vois tapoter frénétiquement son clavier avant de conclure que non, il n'a rien à me proposer pour l'instant.

- Sinon, ce soir tu viens toujours à la soirée de Framal ?

J'hausse les épaules en guise de réponses. Ils le savent, que ce n'est pas un bon jour. Alors, ils font tout pour essayer de le rendre meilleur. C'est pour ça que je les aime, mes frères. Ils sont toujours là pour moi, même quand je suis au plus bas.

- Allez Ken... Y aura toute la bande, et en plus, c'est son...
- Je passerais, je le coupe.

Il ne dit rien et hoche simplement la tête avant de relancer une boucle, sentant l'ambiance se tendre.

Je me lève doucement et récupère ma veste dans le silence le plus complet. Je l'enfile et extirpe une cigarette de ma poche. Je sors du studio sans même adresser un mot. Ils ne diront rien, de toute façon. Ils savent.

Je marche sans but, j'erre dans quelques rues mais je me rends bien rapidement compte d'où j'atterris. Je regarde faiblement le ciel, les yeux embués d'eau.

- Désolé.

C'est le seul mot qui me vient. Je baisse les yeux et rabats ma capuche sur la tête avant de reprendre ma marche.

Il est passé trois heures quarante quand je foule le parquet de mon appartement.

Je n'y suis pas allé, je ne suis pas entré et je ne lui ai pas parlé. Je m'en veux. Terriblement.

Je lui en veux, à elle aussi.

J'en veux à ce foutu pont.

Je m'en veux de l'oublier.

*

Je n'étais pas allé sur ce fameux pont depuis trois jour, le jour du toit. Je refusais de croire que cela pouvait arriver. Et pourtant ce soir là, je commençais à oublier.

l'amour des morts - nekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant