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Tu es tentée de choisir le manoir mais tu aperçois du coin de l'œil Noé s'y rendre, ça ne sert donc à rien que tu y ailles aussi, vous pourrez partager vos découvertes plus tard dans la soirée. Il te reste alors comme choix : le balcon, la serre et le jardin. La serre et le jardin te rebutent un peu à cause de l'aspect peut rassurant que leur confère l'obscurité. Tu décides alors de choisir le balcon pour ne pas t'éloigner des autres, en entendant ta réponse Thomas semble se crisper mais chasse vite cet air de son visage pour le remplacer par un chaleureux sourire. Il te guide vers l'endroit mystérieux dans lequel il avait disparu après la première danse.

Tu fais face à deux gigantesques rideaux bleus en velours retenus par deux cordes dorées. Ils encadrent une sorte de grande baie vitrée protégée par des rebords formant un quadrillage sur sa longueur et un demi-dôme sur son dessus. Thomas pose ses deux mains sur cette armature et dans un cliquetis, elle et la paroi vitrée s'ouvrent sur le balcon. Une faible brise vient t'entourer et tes yeux se perdent dans l'infinie obscurité du ciel, n'étant que faiblement éclairé par quelques étoiles et une demi-lune bien solitaire. 

Tu t'avances sur un sol en pierre dont les dalles alternent entre plusieurs coloris de gris tout en restant parfaitement symétriques les unes avec les autres. Le moindre de tes pas résonne sur ce sol parfait jusqu'à ce que tu te stoppes devant la balustrade. Sa partie supérieure est soutenue par un enchaînement de balustres blancs dont la forme se rapproche de celle d'une pièce d'échec. Tu passes ta main avec délicatesse sur ce bloc de pierre aussi lisse que la peau d'un nourrisson, tout en fermant les yeux tu profites de cette sensation de douceur, de l'air frais qui te chatouille la nuque et du calme ambiant. Tu fronces les sourcils en sentant un souffle chaud à la naissance de ton cou. Pendant que tu te détendais, Thomas en avait profité pour se rapprocher silencieusement de toi et poser ses paumes à proximité des tiennes sur la surface faite de marbre. Tu ouvres alors tes yeux en sentant son souffle se rapprocher avec lenteur de ton oreille pour y murmurer d'une voix rauque :

- Agréable, n'est-ce pas ?

Ne voulant pas gâcher cette ambiance calme et reposante, par une parole inutile, tu t'enfermes dans un mutisme passager et te contentes d'hocher la tête.

Tu sens alors la chaleur de son corps s'éloigner de ton dos. Tu te retournes, et l'observes contourner une statue pour venir se placer à ta gauche, à environ un mètre de toi. Les avant-bras sur le marbre et les mains jointes, il semble, à travers ce masque, fermer les yeux pour lui aussi profiter de cette atmosphère apaisante.

Toujours dos à cette barrière, tu relèves la tête, soudainement attirée par une source de lumière orangée. Un étage plus haut, tu remarques à travers des carreaux partiellement cachés par un épais rideau, une sorte de bureau. Tu y vois le meuble en question, taillé dans un bois sombre ainsi qu'une bibliothèque bien fournie derrière celui-ci. Alors que tu plisses les yeux pour essayer de discerner un quelconque détail, tu remarques la présence d'une main blanche posée sur la longueur de la bibliothèque. Comme sorti de nulle part, très vite le reste du corps suit et dépasse le meuble.

C'est un homme assez grand aux épaules larges, portant un costume entièrement blanc. Seules sa chemise noire et quelques mèches ébènes piégées sous un haut de forme, lui aussi immaculé, contrastent avec la clarté de cet accoutrement. Il se pose contre son bureau, réajuste ses gants et se saisit d'une canne dorée à l'extrémité rouge rubis taillée dans une forme de diamant. Il trace du bout de ses doigts les contours de l'objet tout en le regardant avec une ardeur que tu devines à son sourire plus que troublant.

Son masque t'empêche de discerner en détail son visage mais tu y vois tout de même une mâchoire carrée et des traits assez jeunes. Comme remarquant soudainement qu'il est observé, il se stoppe et son sourire se décompose. Il dépose la canne contre le bureau avec attention et scanne la pièce du regard dans l'espoir d'y dénicher un voyeur. Il ne met pas longtemps avant de basculer son regard vers l'extérieur et le plonger dans le tien. Tu restes impassible et vois alors sa mâchoire se contracter. Il se lève avec empressement et dans un geste brusque, ferme complétement les deux rideaux émeraudes, non sans te quitter des yeux. Thomas, ayant assister à la scène, se place devant toi et s'empresse de te parler pour éviter que tu ne poses des questions sur ce que tu viens de voir :

Les morts aussi savent danserWhere stories live. Discover now