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Tu fermes les yeux et inspires profondément. Tu ne la vois pas, mais Julia sourit de toutes ses dents ; elle sait pertinemment que lorsque tu fais cet enchaînement, tu finis toujours par céder. A la seconde où tu rouvres tes yeux, elle efface ce sourire et reprend une mine grave.

- Bon...

Un faible rictus, qu'elle a du mal à contenir, prend doucement place sur son visage. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase, non tu ne vas pas supporter un autre de ses caprices ! Alors oui, ce n'est qu'un jeu et oui, ce n'est pas si important que ça mais tu ne supportes plus cette mauvaise habitude qu'elle a de plus en plus ; celle de vous entraîner dans des plans plus foireux les uns que les autres et d'ensuite se retirer parce que ça devient trop compliqué. Avant tu avais tendance à laisser couler, te disant que c'était son caractère, c'est tout et que tu ne pouvais rien y faire. Mais tu sais maintenant que ce n'était pas une bonne idée, tu évitais le conflit mais Julia continuait encore et encore et c'est sur vous que ça retombait.

- Non.

- Comment ça "non" ?!

Les yeux écarquillés et les sourcils froncés, elle te regarde comme si tu étais la première personne à lui avoir dit ce mot, ce qui n'est pas faux dans un sens.

- Non on ne se sépare pas. C'était ton idée alors la moindre des choses c'est qu'on y aille ensemble.

- M-mais...

Tu l'incites à se taire en posant un doigt sur tes lèvres et la traînes derrière toi jusqu'à l'entrée des cuisines. Elle est adossée contre le mur et fixe le sol en faisant la moue, tu souris, fière de lui avoir tenu tête. Tu passes discrètement ta tête à l'intérieur de l'ouverture et Julia finit par te rejoindre, ayant accepté son sort. Ne t'attardant pas sur les détails pour gagner du temps tu listes dans ton esprit les éléments principaux de l'endroit qui pourraient t'être utiles :

- Un îlot en forme de "T" dont la base est orientée vers le mur droit de la pièce.

- Une imposante surface sombre qui sort du coin droit de la pièce et du mur face à toi, sa porte est recouverte de verrous.

- Une table rectangulaire recouverte d'une épaisse nappe, au centre du mur qui te fait face.

- Un autre îlot mais cette fois en forme de "L" dont la base est orientée vers le mur face à toi.

- Un long four en fonte encastré dans le mur de gauche.

- Et enfin, une deuxième ouverture cette fois dans le coin gauche de la pièce, entre le four et la table.

De nouveau à l'abris des regards, vous vous mettez d'accord pour rejoindre cette ouverture, à l'aide de signes de mains que vous seules pouvez comprendre. En plus de ton énumération des meubles de la pièce, tu as aussi remarqué que l'ensemble des cuisiniers restaient dans la partie gauche de la pièce, tu retiens donc ton amie qui s'apprête à entrer et lui fais signe de se diriger vers la droite. Elle hoche la tête et vous plongez toutes deux derrière l'îlot en forme de "T". 

Sans perdre un instant, vous avancez à quatre pattes le long du meuble et vous vous retrouvez devant la table dans un temps record. Vous plongez sous la nappe et l'empêchez de bouger à cause du courant d'air qu'a provoqué votre action. Tu relèves le bout de tissu à ta droite et observes les cuisiniers et leurs mouvements ; ça y est, tu as compris ! Leurs déplacements suivent tous un pattern spécifique : au bout de dix secondes les trois hommes devant le four finissent par partir un à un vers la longueur du "L" et ne reviennent qu'après vingt secondes. Lorsqu' ils sont devant cette longueur avec de la nourriture, après environ 5 secondes, deux autres hommes arrivent avec des assiettes. Ils partent de l'îlot droit et s'occupent du dressage, ce qui leur prend également une vingtaine de secondes. 

Pendant ton observation tu as remarqué l'arrivée d'autres cuisiniers mais tu choisis de ne pas y prêter attention puisqu'ils restent autour de l'îlot droit. A voix basse, tu expliques tout ça à Julia et ensemble vous convenez du chemin rythmé que vous allez suivre.

Lorsque les trois hommes reviennent devant le four, vous comptez jusqu'à cinq en murmurant, et avancez rapidement jusqu'à la base du "L" de l'îlot. Alors que tu regardes par-dessus le coin du meuble, tu vois que le troisième cuisinier vient de rejoindre les autres, comme prévu, tu commences alors à compter dans ta tête jusque cinq. 

Par pure impatience ou simplement pour t'agacer, ton amie se précipite au bout de deux secondes vers l'ouverture à moins d'un mètre de vous. Tu serres les poings et rages intérieurement, son passage a provoqué un courant d'air dans la nappe qui a attiré l'attention d'un des deux hommes qui devaient arriver au bout de cinq secondes, brisant ainsi le pattern. Il est assis devant la table est lève avec lenteur la nappe, une fois relevé entièrement, il reste là à fixer le mur découvert pendant un moment qui te parait durer une éternité. Il finit par se relever et partir vers son îlot d'origine. 

Encore perturbée par cet homme, tu ne remarques pas que les vingt secondes se sont écoulées et que le premier cuisinier revient déjà vers toi. Au moment où son pied entre dans ton champ de vision, tu plonges à plat ventre dans l'ouverture et roule contre le mur. 

Tu restes dans cette position, muette et immobile, espérant qu'il ne t'ait pas vu. Julia te rejoint pour t'aider à te relever et te guide vers une étagère remplie de bouteilles de vin. Vous vous accroupissez derrière ce meuble et tu observes les alentours : vous êtes dans des espèces de souterrains, le sol est un mélange de terre et de poussière et les murs, très rustiques, ne sont que des pierres fixées les unes sur les autres. Il y a peu de bougies mais elles suffisent à éclairer l'endroit, à l'exception de la partie face à toi ; les flammes à proximité détails trois entrées arquées de tunnels mais leur intérieur est plongé dans l'obscurité la plus totale.

- Un peu glauque mais j'aime bien la déco, plaisante Julia en chuchotant. Bon on prend lequel ? Elle pointe du doigt les trois tunnels.

- Non mais, tu hausses la voix sans t'en rendre compte, tu te fiches de... Elle place sa main sur ta bouche pour que tu évites de vous faire repérer, tute fifes de moa !

Tes mots sont étouffés mais tu sais qu'elle t'a comprise, elle a ce même rictus, sûrement fière de t'avoir agacé. Tu dégages sa main et reprend ton calme :

- Si on avait un plan ce n'était pas pour rien, tu as failli tout faire foirer, elle lève les yeux au ciel, j'en ai marre, on remonte.

- C'est bon fait pas ta rabat joie en plus il reste ces tunnels, on n'est quand même pas venues ici pour rien, non ?

- On a plus le temps Julia, je suis sûre que la danse va bientôt commencer, ça fait déjà un moment qu'on est descendues. En plus il y a de plus en plus de cuisiniers, on ne peut pas prendre le risque de rester bloquer ici. Et tu crois vraiment qu'on va trouver quelque chose dans un tunnel sordide et sombre ?

- Bah oui, j'en suis persuadée ! J'ai vu de la lumière au fond de celui du milieu et je t'attendais pour y aller. Allez, on a le temps d'y jeter un coup d'œil et de revenir pile poil pour le début de la danse, viens avec moi.


Aller dans le tunnel : (17)


Retourner dans les cuisines : (18)

Les morts aussi savent danserUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum