Chapitre 1

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« Sauf erreur de ma part, j'ai toujours raison. »

Dix minutes après la fermeture de ma boutique, je posai mes Dr. Martens sur la table en chêne de mon bureau privé et m'allumai une cigarette.

— Le tabac ne risque pas d'abîmer les fleurs ? me demanda Phoebe, ma coéquipière.

Sa tête blonde apparut derrière la porte. Je haussai un sourcil et recrachai la fumée.

— Ces mêmes fleurs qui subissent quotidiennement l'odeur de ton parfum ?

Ses lèvres teintées de rouge écarlate s'étirèrent dans un sourire.

Embaucher ma meilleure amie avait ces avantages : elle ne me considérait pas comme sa patronne, et je ne la considérais pas comme mon employée. Trois années auparavant, j'avais décidé de quitter mes études linguistiques pour ouvrir ma boutique de fleurs « Bouquet Coquet ». Le nom francophone charmait la clientèle. Ou bien était-ce la beauté indéniable de Phoebe.

Les mains sur ses fines hanches, la jeune femme d'un mètre soixante-dix ressemblait à un mannequin de Victoria Secret. Ses yeux bleus bordés de longs cils clairs attiraient les regards de la gent masculine, et ce, depuis notre rencontre au collège. J'avais l'air d'un hobbit à côté d'elle, avec mon mètre cinquante-sept et demi.

— Ça te dit de sortir ce soir ? me proposa-t-elle.

J'allais lui répondre, quand mon téléphone portable vibra. Un SMS de ma mère capta toute mon attention. « Rendez-vous à la maison dans trente minutes. Tu es convoquée. »

— Et comment !

Plutôt mourir attaquée par une nuée de moustiques que d'aller là-bas. Et ça faisait très mal, une nuée de moustiques.

Ma génitrice, aussi surnommée entre nous « la reine », ne me contactait que pour me réprimander ou me convoquer - pour me réprimander en face. Voilà des années que ma relation avec mes parents s'était détériorée, le jour où ils m'avaient découverte enflammée. Cinq ans plus tôt, à l'anniversaire de mes vingt ans, je m'étais retrouvée le corps recouvert des flammes de notre clan. Les femmes n'avaient jamais hérité de la magie.

Ça aurait dû être mon frère, pas moi. Pourtant, j'étais celle qui détenait les pouvoirs de mon père. J'étais la sorcière de la famille.

Ils me méprisaient depuis.

— Tu vas y aller comme ça ? me demanda-t-elle alors.

Je lançai un bref coup d'œil à ma tenue, et plus particulièrement au Bugs Bunny qui tirait la langue sur mon t-shirt, le majeur dressé.

— Il est mignon ce lapin.

— Pas si tu vas dans un bar.

— Je ne peux pas aller chez moi, la reine va venir m'y chercher par la peau des fesses quand elle se rendra compte que je ne réponds pas à son message.

Le surnom de ma génitrice venait de son accent français à couper au couteau et de son air bourgeois. Si la guillotine existait encore, elle m'aurait coupé la tête depuis longtemps.

— Tu as encore cramé les poils de son chien ?

Ma meilleure amie était la seule au courant de ma situation, au grand dam de mes parents. Parce que si la Confrérie des sorciers l'apprenait, nous pouvions tous nous considérer comme morts.

La sorcière Nokwell (Sous contrat d'édition)Nơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ