Chapitre 5

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-''Jeff!''
La voix de mon père me fait soudain sursauter et je m'aperçois avec une certaine incrédulité que j'ai fini par m'endormir, tout comme ma sœur. Nous sommes garés sur un parking au milieu d'imposants camions et papa semble ravi de quitter la voiture pour respirer un peu d'air frais. En sortant à mon tour de l'habitacle, je manque d'exploser de rire à la vue de ma petite sœur qui marche un canard, visiblement dégoûtée par ce qu'elle a fait dans sa couche. Néanmoins je prends sur moi pour ne pas succomber à la moquerie car c'est à peine si Abby ose croiser notre regard, inutile de l'accabler encore plus. Par contre du coté de mon change je pousse le vice un peu plus loin en laissant un petit pipi s'y écouler comme si de rien n'était, transformant aussitôt l'intérieur en marécage putride.
-''Ici c'est un restaurant routier, et forcément y'a des douches à l'intérieur. Ce sera probablement plus simple que de vous laver dans des toilettes publiques.'' Commente papa, fier de sa trouvaille.
Nous nous dirigeons donc vers l'entrée du restaurant et une fois encore je donne la main à Abbygail. La petite est visiblement secouée à en juger par son regard qu'elle garde perdu au lointain mais une drôle d'impression se met à me grattouiller les méninges. C'est exactement comme lorsque vous partez de chez vous en vous disant «j'ai l'impression d'oublier quelque chose». Il y a un truc qui cloche, mon esprit en est certain, sauf qu'il n'a pas encore compris ce dont il s'agissait. Le problème c'est que ma réalité quotidienne a été totalement bouleversée. Mon père n'est plus cette brute épaisse dont la sociabilité n'avait rien à envier à celle des ours, tout comme ma mère n'est plus ce tyran dictateur et despotique. Et Abby ne marche plus à quatre pattes en remuant la queue...
D'un seul coup ça fait tilt dans ma tête et en observant à nouveau ma petite sœur, son attitude m'en apporte la confirmation. Pour autant c'est un détail qu'il nous faudra régler entre nous, en privé.

A peine entrés, l'odeur de friture nous saute à la gorge. Pas sûr qu'ici les repas soient très diététiques mais peu importe puisque nous ne sommes pas là pour manger. Sortant son portefeuille pour en tirer un billet de 5€, papa s'approche du comptoir avec un sourire légèrement crispé.
-''Bonjours messieurs dames.'' Lance amicalement la femme bien charpentée qui semble tenir le bar.
-''Bonjour madame. Est ce que nous pourrions utiliser vos douches? Ma fille a été malade et elle aurait besoin de se nettoyer.''
-''Bien sur, pas de problème. La pauvre petite puce... Et inutile de payer quoi que ce soit, les douches sont gratuites.''
-''J'insiste.''
-''D'accord, mais en retour laissez moi vous offrir des sodas. Un bon coca, rien de mieux pour remettre les tripes en place après une gastro.''
Ayant obtenu l'autorisation de la restauratrice, maman nous escorte vers une porte située tout au fond, juste à coté de celle des toilettes. Et comme je souhaite avoir une conversation privée avec ma frangine, il me faut mettre en place un subterfuge.
-''Maman, est ce que ça te dérange si je m'occupe d'Abby? Elle est au bord des larmes et je pense que ça passera mieux si c'est moi qui reste avec elle.''
-''Je comprends mais tu risques d'avoir du mal. Faire prendre une douche à ta petite sœur c'est totalement différent de lui laver les fesses. Tu es vraiment sur que tu t'en sens capable? Quand tu étais bébé, ton père était à la limite du vomissement chaque fois qu'il changeait tes couches après un caca.''
-''Tu n'as qu'à rester à coté de la porte. Si je n'y arrive pas, je t'appelle. De toutes façons il faudra bien que tu viennes pour me remettre une couche propre. On fait comme ça?''
-''D'accord, comme tu veux. Et toi ma chérie, tu préfères aussi comme ça?''
-''Oui...''Marmonne t'elle en regardant ses pieds. ''Je préfère rester avec Jeff...''

Lorsque Abbygail et moi même franchissons le seuil de la porte, nous nous retrouvons aussitôt submergés par une atmosphère humide et une odeur de gel douche bon marché. Le local est constitué de trois espaces privatifs séparés par des cloisons et je décide d'escorter ma sœur jusqu'au dernier. Le sol est carrelé, tout comme le mur du fond, et la grille du siphon d'évacuation est suffisamment large pour ne pas risquer de l'obstruer avec nos déjections. Il y a aussi un distributeur de savon liquide ainsi qu'un porte manteau fixé dans un petit renfoncement pour éviter les éclaboussures, mais trop haut hélas pour mon mètre quarante cinq. Heureusement avant d'entrer maman a eu la bonne idée de me confier un sac poubelle pour y jeter nos changes, ce dernier est assez grand pour y fourrer nos vêtements ainsi que les lunettes d'Abby et ainsi protéger le tout contre un dégât des eaux. Je commence par déshabiller ma frangine qui se laisse faire sans dire un mot, le regard dérivant le long du mur comme si elle cherchait une aide quelconque sur la paroi. Je m'arrête au moment de lui enlever sa couche car il me faut moi aussi mettre mes vêtements à l'abri et je ne peux m'empêcher de sourire en nous observant. Mon dieu comme nous avons l'air malin avec nos couches fétides dont la teinte brunie arborée par les élastiques ne laisse que peu de doute sur ce que nous y avons fait. L'heure est venue de régler un détail que nos parents n'ont pas besoin de connaître alors j'enclenche l'arrivée d'eau en me éloignant aussitôt, le but n'étant pas de se laver mais de discuter sous le couvert du bruit de la douche.
-''Abby, je voulais te poser une question et peu importe la réponse que tu me donneras, je te promets que ça restera entre nous. Tu sais que tu peux tout me dire, n'est ce pas?''
-''Oui...'' Répond timidement la gamine.
-''Petite sœur, porter des couches, est ce que tu aimes ça?
A cet instant n'importe quel enfant de six ans se serait insurgé, aurait protesté ou au moins râlé. Mais ma frangine, elle, continue de regarder ses pieds sans trop oser répondre.
-''Allez, je te promets que jamais ni papa ni maman n'en sauront rien. Ce sera notre secret. Alors? Depuis tout à l'heure tu fais bien semblant de détester ça, hein?''
-''Oui...'' Finit elle par avouer, au bord des larmes de s'être fait démasquer.
-''Mais non, faut pas pleurer pour ça. C'est marrant de porter des couches, moi aussi j'aime bien ça.''
-''C'est vrai? Tu ne dis pas ça pour te moquer?''
-''Bien sur que non. Et est ce que j'ai déjà été méchant avec toi?''
-''Non...mais...mais comment tu as deviné?''
-''Facile. Déjà on est pareils toi et moi. On a tellement de points commun qu'il m'arrive de me demander si tu n'as pas été crée à partir de mon cerveau. Et puis surtout c'est ta façon de te comporter qui t'a trahi. Un de mes copains a un petit chien blanc, un westie, et quand il prépare une bêtise il n'a plus la même attitude, il n'ose pas regarder son maître en face, au lieu de ça il a le regard dans le vague en espérant que ça lui donne un air innocent. Depuis tout à l'heure tu as exactement le même regard. Quelqu'un qui a honte, il regarde ses pieds mais toi tu avais un regard de légume. C'était flagrant. Alors, depuis quand tu aimes porter des couches?''
-''Ben...je sais pas trop. Au début j'aimais pas ça du tout, j'avais l'impression d'être un bébé, tout ça parce que je faisais pipi au lit. Et quand j'ai arrêté de faire pipi au lit, j'étais même vachement contente de me débarrasser de mes couches mais depuis que je n'en porte plus, ça me manque. En fait j'aimais bien quand maman venait me mettre ma couche avant de dormir et j'aime aussi toujours quand tu t'occupes de moi le matin. Grand frère, j'ai pas envie de grandir...''
-''C'est pour ça que je ne t'y obligerais pas. Et donc l'autre nuit, t'as fait exprès de me faire pipi dessus?''
-''Oui...je suis désolée...''
-''Pas grave, c'est déjà oublié.''
-''Quand tu étais à l'hôpital, j'ai entendu papa au téléphone qui disait que tu allais devoir porter des couches. Je crois que j'ai été jalouse alors deux fois de suite j'ai fait pipi en faisant semblant de dormir. Mais, et toi, tu aimes ça aussi, porter des couches?''
-''Oui, exactement comme toi. Moi je ne jamais fait pipi au lit alors je ne me rappelais pas ce que ça faisait, mais depuis que le serpent m'a attaqué, je redécouvre ça.''
-''Mais ça ne te dérange pas d'en porter ailleurs qu'à la maison?''
-''Ben...je te rappelle que je n'ai pas le choix.'' Mentis je. J'avais beau faire confiance à ma frangine, hors de question de prendre le risque de lui avouer que moi aussi je simulais.
-''Moi j'aime pas ça du tout. J'aime pas quand les gens me regardent, j'ai peur qu'ils voient que je porte une couche et qu'ils se moquent dans mon dos.''
-''Sauf que le premier qui se moque de ma petite sœur, je lui fait manger ses dents. Bon, si on se lavait avant que maman ne perde patience?''

Au fond du puitsOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz