22.Notre idylle

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ZEE

Je suis pétrifié de peur, je ne pensais même pas qu'il était possible d'être à ce point terrorisé à l'idée de perdre quelqu'un en-dehors de Saint, et pourtant c'est le cas. La simple idée de voir Tanja sortir de ma vie m'insupporte, il a toujours été mon roc, mon soutien, ma bouffée d'oxygène. Il a toujours été mon seul ami et mon unique frère, ma famille en somme. Et pourtant on est assis dans le salon, lui dans mon fauteuil et Saint et moi sur le canapé, à nous faire face en silence, comme des étrangers.

- Tu pourrais peut-être dire quelque chose, non ? s'agace Saint, mais il n'obtient aucune réponse de son frère.

Ce dernier préfère retirer doucement son bonnet et ouvrir son blouson, les yeux fixés sur la table basse devant nous. Tanja muet, c'est très mauvais signe, même lorsqu'il se fait plaquer, il n'arrête pas de parler pour autant. Je ne me souviens même plus de la dernière fois où il s'est tu plus de cinq minutes, et encore moins dans un tel silence austère et pesant. Le fait qu'il n'arrive même pas à me regarder me tord les tripes, parfaitement incapable de parler, je ne peux qu'enfoncer mes ongles dans mes cuisses, la nervosité à son maximum.

Je sens bien que Saint essaie de me rassurer de sa seule présence, mais le fait que j'ai aussitôt lâché sa main dès que j'ai vu Titan ne l'incite pas à retenter l'expérience à nouveau. J'ai tellement honte d'agir ainsi, de le mettre de côté de la sorte, de peur de heurter encore davantage Tanja si jamais notre amour et notre relation devaient être trop évidents. Je me suis toujours targué d'assumer clairement mon homosexualité, malgré tout ce que je me suis pris dans la tronche, je ne me suis jamais caché et encore moins de Titan.

Mais là il s'agit de son petit frère, de Saint, de sa famille.

- Ça fait combien de temps vous deux ?

Son ton est atone, il ne lève toujours pas les yeux vers nous, son expression vierge de toute émotion me serre la gorge. Je ne suis pas sûr de pouvoir gérer cette conversation maintenant, pas après tous les bouleversements que j'ai connus dernièrement. C'est trop tôt et je suis trop faible.

- Pas longtemps, quelques semaines, même pas un mois.

Saint, lui, parle avec assurance, il n'a pas le dos vouté comme moi, il n'a pas honte lui, sa confiance en nous, en notre idylle, transparait dans chacun de ses mots, dans son attitude toute entière.

- Et c'est arrivé comment ?

- Nous avons...

- J'aimerais que ce soit Zee qui me le dise, le coupe-t-il froidement en dardant enfin ses prunelles assassines sur moi.

Et c'est à mon tour de baisser les yeux, malgré la douce pression de la jambe de Saint contre la mienne, je n'arrive pas à puiser dans son courage. Est-ce que j'ai toujours été ainsi ? Faible face à ma mère. Faible face à Tanja. Faible face à l'amour complètement déraisonné que j'ai toujours ressenti pour Saint. Faible face à mon père. Je donne l'impression d'un homme sûr de lui, que rien n'effraie, mais finalement tout me fait peur et me pousse à fuir, depuis toujours.

- Alors ?

Je me racle la gorge, mal à l'aise, et finis enfin par accrocher son regard, ignorant du mieux que je peux la mine lugubre qu'affiche mon meilleur ami, une expression que je ne lui ai jamais vu porter en vingt-ans d'amitié.

- Ça a commencé il y a quatre ans, quand je suis rentré de Montpellier, je murmure d'une voix incertaine. Je... J'ai... Je suis tombé amoureux de Saint dès que je l'ai revu, mais j'ai préféré ne rien montrer et m'éloigner de lui, dans l'espoir que mes sentiments finissent par disparaitre un jour.

Hate Loving YouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant