Chapitre 28

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Chapitre 28.

Sue était trop faible pour lui faire récit, alors il attendirent d'abord la venue du guérisseur et du prêtre. Haru assista alors à une cérémonie religieuse où le prêtre taoïste joua du tambour en récitant des incantations destinées à chasser le démon qui s'était emparé de la jeune femme. À la fin des prières, il offrit une amulettes à Sue qui la serra contre son cœur. Haru était resté en retrait, observant la scène avec beaucoup d'intérêt. Il lui semblait plonger dans l'intimité de Sue Liu, mais aussi plonger tête première au cœur de la culture chinoise.

Le guérisseur prit ensuite la relève en administrant une préparation à base de plantes. Quand elle se sentit un peu mieux, l'Impératrice expliqua à Haru ce qu'il venait de voir.

— Tu te poses sans doute beaucoup de questions...

Il baissa les yeux.

— Je vous ai vue l'autre jour aussi, avoua-t-il, mais Xi Chang était là, alors je ne me suis pas approchée. Cela dure depuis longtemps ?

Se calant contre un oreiller, Sue hocha la tête.

— Un démon maléfique semble me rendre très malade depuis plusieurs semaines. Pour être honnête avec toi, je crois avoir été empoisonnée... je crains bien qu'aucun exorcisme ne puisse quelque chose pour moi...

La nouvelle attrista profondément Haru.

— Qui peut bien vous en vouloir ?

Elle émit un petit rire.

— Bien des gens. Je suis l'Impératrice... nombreuses sont celles à convoiter ma place.

Haru frissonna. Il savait que le harem était un endroit plus dangereux qu'il n'y paraissait et les paroles de Sue ne faisaient que confirmer ses impressions.

— Et personne n'est au courant ?

Elle secoua la tête.

— Non... il est vital de garder le secret et j'espère pouvoir compter sur toi aussi à présent. Si on savait que la maladie me guette, on pourrait profiter de mon état...

Haru lui jura de garder son secret. Il savait plus que quiconque ce que cela faisait de devoir cacher quelques chose.

— Et Xiong Li ?

Il crut voir une ombre de tristesse traverser le visage de Sue.

— Il est au courant, bien sûr... mais nous ne l'avons pas encore annoncé à nos fils. Je n'ose pas... ils sont encore si jeunes...

Le Japonais sentit son cœur se serrer à ces enfants qui allaient peut-être grandir sans leur mère.

— Tu comprends mieux à présent, n'est-ce pas ? Je veux que Xiong Li soit heureux quand je ne serai plus là, qu'il ne pense plus à moi... Ta présence semble lui faire du bien.

Sue lui prit la main et la serra dans la sienne.

— Tu dois rester à ses côtés, poursuivit-elle, il aura besoin de soutien, alors tu ne dois pas le laisser tomber.

Haru resta interdit. Il sentait un poids énorme être posé sur ses épaules. Pourquoi Sue mettait-elle cette responsabilité sur lui ? Il n'en voulait pas... pas de cette façon-là du moins. Il ne dit rien. Si l'Impératrice sentit son hésitation, elle ne le releva cependant pas. Elle semblait lui octroyer une confiance aveugle pour prendre soin de Xiong Li et il n'osait pas lui dire qu'il n'était pas prêt à prendre ce rôle.

— Il faut que tu te reposes, finit-il par dire en se reculant un peu pour qu'elle lâche sa main. Je trouverai qui est le responsable de ton empoisonnement et nous le forcerons à nous donner un antidote.

Il refusait de laisser la santé de Sue se dégrader sans rien faire tant qu'il était ici. La Chinoise avait été si gentille avec lui lors de son arrivée, répondant à ses questions et l'aidant à se sentir un peu plus chez-lui loin de sa maison. Il voulait lui retourner la pareille. Alors s'il pouvait aider, il allait le faire. Il n'avait pas grand-chose à perdre.

Le guérisseur, qui était en train de ranger ses affaires dans son coffre de transport, s'étant fait discret durant leurs discussions, se tourna alors vers lui. Après l'avoir détaillé du regard de haut en bas, il lui lança avec un petit froncement des sourcils :

— Vous n'êtes pas venue me voir pour la rééducation. Avez-vous commencé de votre côté ?

Haru se figea avec surprise sans comprendre quoi le guérisseur voulait lui parler.

— Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas.

Le vieil homme toucha sa longue barbichette.

— C'est moi qui vous ai soigné et ausculté à votre arrivée. Vous avez pris beaucoup de retard du retard et c'est un processus très long... Si vous souhaitez remarcher un jour, il faudrait que vous veniez faire votre rééducation au plus tôt.

— Remarcher..., répéta-t-il avec incrédulité.

Il n'osait croire ce qu'il avait entendu. Il repensa au rêve qu'il avait fait dans lequel il pouvait courir et sauter. Pourrait-il refaire toutes ces choses un jour ? Il avait l'impression qu'on se moquait de lui et restait muet de stupeur et d'incertitudes comme si la plaisanterie allait tomber d'une seconde à l'autre. Il venait tout juste de commencer à faire réellement son deuil de ses jambes, d'accepter qu'il ne remarcherait plus jamais et qu'il serait cloué dans ce fauteuil pour le restant de ses jours. Il avait éclaté en sanglots le matin même en y pensant, alors qu'il n'avait plus pleurer depuis longtemps. Comment ce guérisseur pouvait-il se permettre de lui apporter autant d'espoirs dans un moment pareil ? Haru aurait aimé ne rien savoir... peut-être... il avait encore l'impression que cette révélation était une bulle de verre qui allait éclater à tout moment. Il n'avait pas le cœur assez solide pour endurer une autre déception.

Pourtant, le guérisseur affichait l'expression la plus sérieuse et professionnelle. C'était un vieil homme qui n'avait pas le temps de plaisanter.

— Je croyais qu'on vous avait transmis le message. Je l'avais dit à l'Empereur quand il s'est inquiété de votre état. Il croyait que vous ne vous réveilleriez pas.

Le Japonais se sentit trembler de colère. Il se souvenait très bien de sa première rencontre avec Xiong Li. À ce moment-là, il ignorait qu'il était Empereur. L'homme lui avait dit qu'il ne remarcherait plus jamais. Il avait encore ses paroles en tête, aussi claires que si elles avaient été prononcées la nuit dernière : « Je sais que tu ne peux plus marcher, les guérisseurs ont dit qu'ils seraient surpris si tu arrivais à utiliser tes jambes à nouveau un jour. »

Comment pourrait-il un jour lui pardonner ? Haru se sentait trahi.

Xiong Li lui avait menti. 

Fleur d'OrientWhere stories live. Discover now