Chapitre 46

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Chapitre 46.

Le camp de base des voleurs étaient rustiques, mais bien fait. Ils avaient bien assez de vivres pour subsister tout l'hiver. Haru fut surpris de voir la quantité de choses qu'ils avaient volées. Ce devait être des brigands très doués, mais aussi très dangereux. Il n'avait jamais entendu parler du Clan du Serpent auparavant. Il fallait dire qu'il n'était pas vraiment du coin... et que toutes les personnes qu'il avait fréquentées dans les derniers mois étaient rarement – voire jamais – sorties de la Cité.

Ils pénétrèrent dans la plus grande tente du campement et Yin le jeta sur la première table vide qu'il croisa.

— Alors, voyons vois si tu en vaux la peine, dit le brigand avec un air pervers.

En grimaçant, Haru s'appuya sur ses avant-bras pour soulever la haut de son corps et tenter de se reculer même s'il n'avait nulle part où aller. Chercher à ramper à l'extérieur de la tente serait une tentative d'évasion désespérée. Il devait essayer de la jouer plus fine...

— Vous aurez des problèmes si vous ne nous laissez pas partir.

Yin laissa échapper un petit rire.

— Ah, oui ? Et qui donc vous viendra en aide ? Notre repère est inconnu de tous et nous sommes au beau milieu de nulle part dans les montagnes.

— L'Empereur enverra ses soldats fouillez toute la forêt s'il le faut !

Le brigand arqua un sourcil sans cesser de se moquer.

— L'Empereur dis-tu ? Qu'est-ce que l'Empereur aurait à faire de toi ? Aux dernières nouvelles, son harem était bien rempli... et comme tu traînes seule en forêt avec un eunuque, même si tu es très désirable, je doute que tu en fasses partie.

Haru serra les dents, puis il décida de révéler son secret en espérant que cela fasse changer Yin d'avis.

— Bien sûr que je ne fais pas partie du harem, puisque je suis un homme.

— Un homme ?! Toi, tu serais un homme ?

Yin ne paraissait pas en croire ses oreilles.

— Je jure de faire de vous un eunuque si vous osez me toucher.

L'homme l'attrapa par les épaules pour le plaquer contre la table.

— Tu sais quoi ? Que tu sois un homme ou pas, ça ne me dérange pas quand je vois ton joli minois... je suis prêt à faire le test. Je ne l'ai jamais fait avec un homme avant. Laisse-moi voir si tu es aussi étroit qu'une femme...

Haru essaya de gigoter et de se débattre sous la prise de Yin, mais l'homme avait une force impressionnante. Il lui faisait mal.

— Lâchez-moi ! Puisque je vous dis que vous allez avoir des problèmes ! Laissez-moi partir et je ne révélerai l'emplacement de votre repère à personne.

— Je ne te crois pas. Tu bluffes. Ne penses-tu pas que j'ai déjà eu à faire à des femmes récalcitrantes par le passé ? Quand elles sont acculées au mur, elles sont prêtes à raconter n'importe quoi pour protéger leur sacro-sainte virginité.

Si seulement Yin savait ce que Haru avait fait avec l'Empereur... il saurait qu'il n'était plus vierge depuis longtemps. Dans un autre contexte, le Japonais aurait pu trouver la situation plutôt risible.

D'un seul coup, de sa main libre, le Chinois tira les cordons qui refermaient le hanfu de Haru, découvrant son corps dépourvu de poitrine. Yin semblait intrigué.

— Ainsi, tu ne mentais pas. Tu es bien un homme.

— Je ne vous ai menti sur rien. Vous aurez de graves ennuis.

L'homme haussa les épaules.

— Je suis prêt à prendre le risque. Ce ne serait pas la première fois...

Haru était à cours d'options, mais une idée commença à germer dans son esprit pour se déprendre de cette horrible situation. Il fallait bien que son visage finisse par lui servir. Son physique ne pouvait pas toujours être un désavantage.

— Alors soyez doux avec moi..., souffla-t-il en levant la tête pour croiser le regard du bandit.

— Ne t'inquiète pas, Haru, même si ce n'est pas dans mes habitudes, je serai délicat. Tu es aussi fragile que la porcelaine... alors j'essaierai de ne pas te casser même si je ne peux rien promettre. Tout dépendra de ta... coopération.

Et Haru était disposé à coopérer ou, du moins, il le laissa croire. Il hocha lentement le menton, puis sentant la brise de l'homme se relâcher sur ses épaules, il étira ses bras pour les passer autour de la nuque de l'homme, alors que celui-ci déposait un baiser dans le creux de sa gorge.

La sensation était étrange. Ce n'était pas comme avec Xiong Li. Pourtant, il y avait des similitudes entre les deux hommes et les situations dans lesquelles ceux-ci l'avaient mis, mais Haru ne parvenait pas à ressentir la même chose lorsque Yin faisait descendre ses lèvres le long de son cou jusqu'à sa clavicule. Son cœur ne s'affolait pas de la même façon et son corps refusait de répondre aux stimuli. Le Japonais fit exprès de gémir et laissa un de ses bras glisser le long des côtes du brigand.

L'homme en était venu à embrasser ses cuisses. C'est alors qu'il se figea net en remarquant une marque inhabituelle à l'intérieur de ladite cuisse.

— Qu'est-ce que... ?

Aussitôt, avant même que Yin ne puisse s'en rendre compte, Haru avait réussi à attraper son dāo et à lui glisser la lame contre la jugulaire, se servant à la fois de l'arme comme barrière entre lui et l'homme et comme menace. Visiblement surpris par les talents inattendus du Japonais pour la maîtrise des armes, le voleur écarquilla les yeux, n'osant plus bouger. Il n'avait pas pris de précautions particulières avec son arme, n'ayant jamais songé que son prisonnier puisse essayer de lui ravir et encore moins qu'il sache s'en servir.

— Reculez, ordonna Haru en serrant le manche du dāo entre ses doigts.

Prudent, Yin fit un pas en arrière. À n'importe quel moment, il pouvait appeler le reste de ses hommes, mais il ne le fit pas.

— Qu'est-ce que tu as sur la cuisse ? Cette marque... c'est le sceau de l'Empereur !

Haru jeta un rapide coup d'œil à la brûlure dans le creux de sa cuisse, les initiales de Xiong Li. Il eut un petit pincement au cœur en y pensant. Il n'aurait jamais cru que cela puisse jouer en sa faveur un jour.

— Je vous ai dit que vous aurez des problèmes. Quand l'Empereur se rendra compte de ma disparition et qu'il ne me verra pas revenir à la Cité, il enverra toute sa garnison. Ils fouilleront la forêt d'Est en Ouest s'il le faut jusqu'à ce qu'ils me retrouvent. Et vous en paierez le prix.

Haru bluffait. Xiong Li n'attendait pas son retour de sitôt, mais ça, Yin l'ignorait. Il priait pour que le sceau impérial suffise à convaincre le voleur de l'authenticité de ses paroles.

— Alors tu es la putain de l'Empereur !

— Laissez-moi et Fu-Hsi repartir et j'implorerai la clémence pour votre sort.

— Je pourrais demander une rançon.

— Vous y risqueriez votre vie.

Yin crispa la mâchoire, un rictus amer sur les lèvres.

— J'ai déjà perdu ma femme et ma fille... ma vie n'est d'aucune importance.

— Pensez à celle de vos hommes alors. Je sais ce que cela fait que d'avoir le sang d'innocents sur les mains.

Il revoyait les images de la mort de Ming Han défiler en boucle dans sa tête, puis celles des nombreux morts aperçus sur le champ de bataille en Corée. C'était le genre de chose qui revenait vous hanter même longtemps après. On n'oubliait jamais vraiment ceux dont on avait causé la perte.

Haru crut déceler une lueur d'hésitation et de douleur traverser les prunelles de Yin. Il ne lâcha pas l'arme, la tenant aussi fermement que possible entre ses doigts blanchis par l'effort, attendant que l'homme se décide à accepter de le laisser partir. Dans tous les cas, il ne se laisserait pas faire sans se battre autant que ses forces le lui permettraient.


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