Jeux interdis

Chapitre 8

Une semaine plus tard, la punition avait été levée. Dolores se faisait toute petite autant au lycée que chez elle, et cela n'avait pas échappé à Ben. Peut-être avait-elle peur de mettre sa mère en colère, ce qui pouvait se comprendre, mais elle ne parlait plus beaucoup, elle l'évitait à tout prix et ne voulait pas partir avec lui le matin au lycée. Son comportement à la maison avait changé. Et il comptait bien éclaircir ce mystère.
Dolores sortit de la salle de bains, prête à aller se coucher. Mais elle fut interrompue par un corps immense, chaud et musclé. Elle releva la tête, tétanisée. Si elle avait sut, elle ne lui aurait jamais tenu tête. C'est avec peine qu'elle avala sa salive.

-La salle de bains est libre, lâcha-t-elle pour combler le silence de mort qui les enveloppait.
-Je ne suis pas là pour ça.
-Oh...

Il s'avança pour qu'elle recule jusqu'au mur où il emprisonna son corps avec le sien. La jeune fille sentit une chaleur inexplicable prendre possession de son corps. Le parfum boisé et terreux de Ben l'enveloppa, la déconcentrant.

-Tu pourrais peut-être m'aiguiller sur quelque chose.
-Oui?
-Pourquoi m'évite-tu?
-Pardon?
-Je veux savoir pour quelle raison tu te tapie depuis une semaine, surtout en ma présence.

Sa respiration se coupa. Elle savait bien qu'en changeant de comportement il se douterait de quelque chose, mais c'était plus fort qu'elle.

-Ça ne...
-Je t'interdis de me dire que ça ne me regarde pas!
-Je ne voulais pas, je te jure!
-Qu'est-ce que tu ne voulais pas?
-J'ai... Ma mère a laissé un dossier ouvert dans le salon, et... j'étais curieuse et je pensais que ce n'était pas le tien, je pensais qu'elle allait accueillir un enfant, il arrive que...
-Viens en aux faits Dolores!
-J'ai lu tout ce que tu as fait... Les vols, la vente de drogue, les violences, les...
-Tu as lu mon dossier!
-Je ne savais pas.
-Pourquoi as-tu fait ça?!
-J'ai...

Elle ne put continuer sa phrase trop surprise par le violent coup que Ben donna au mur, juste au-dessus de sa tête. Par instinct, Dolores se baissa alors qu'il s'était reculé et se défoulait plutôt sur les objets posés sur la commode du couloir. Elle savait que ce qu'elle avait fait finirait par réveiller la bête qui sommeillait en lui.

-Ben! hurla sa mère.

Dolores la regarda s'approcher de lui, paniquée. Le visage du jeune homme se crispa encore plus. C'était de sa faute, elle le savait. Jackie emmena Ben dans sa chambre alors qu'il s'agitait encore plus. Elle se laissa ainsi glisser le long du mur, interdite face à la scène qui venait de se passer. Jamais elle n'avait vu une personne s'énerver autant et être aussi violente. Et tout était de sa faute.

~

Le lendemain matin, Dolores et Ben furent réveillés tous les deux part Jackie alors que le soleil n'était même pas encore apparu. Ils se retrouvèrent tous les trois dans la cuisine autour d'un déjeuner préparé par la maîtresse de maison. L'épisode d'hier était encore présent dans l'esprit de tous. Dolores ne pouvait regarder Ben, et lui ne relevait même pas la tête. Un silence de plomb enveloppait la maison.

-Vous vous doutez bien que je ne vous ai pas réveillé si tôt pour rien.

Ils relevèrent en un seul geste la tête vers Jackie. Elle avait un léger sourire, signe qu'une idée germait dans son esprit.

-Pourquoi? demanda Ben d'une voix rauque qui trahissait la mauvaise nuit passée.
-Après ce qu'il s'est passé hier soir, j'ai longuement réfléchit.
-Maman...
-Non, il faut que l'on en parle. Ben s'est emporté, ça arrive à tout le monde. Mais il a besoin qu'on l'aide à canaliser sa colère. Ben, mon grand, je ne t'en veux pas.

Il serra les mâchoires, mais sourira légèrement.

-Jackie...
-On fera tout pour que tu apprenne à gérer ce qui se passe en toi. Et je pense que le sport peut y parvenir, et Dolores aussi.
-Moi? s'égosilla la jeune fille.
-Oui. Alors j'ai décidé que vous irez courir chaque dimanche matin.
-Courir?
-Oui, Dolores, courir. Bon, finissez votre petit-déjeuner et allez vous préparer.

Sur ces indications, Jackie sortit de la cuisine. Ben et Dolores se regardèrent, complètement abattus par cette décision. Ben n'y croyait pas. Elle avait décidé d'abord de lui pardonner, puis de l'aider. Il savait que le sport serait sûrement une bonne chose car il avait déjà essayé par le passé et ce défoulement avait porté ses fruits, peu de temps certes mais assez quand même. Dolores, elle, aurait voulu mourir plutôt que d'aller courir, surtout avec Ben après ce qu'il s'était produit hier! Elle détestait faire du sport, elle détestait courir, elle détestait sa mère de lui imposer ça. Furieuse, elle ne put finir son repas et s'empressa de rejoindre sa chambre.
Ils allaient courir, et connaissant sa mère, ce sera durant deux bonnes heures, et en plus il faisait humide et froid! Quelle catastrophe! Dolores se laissa tomber en tailleur devant sa penderie. Elle vit du coin de l'oeil son anorak orange. Dans quel pétrin s'était-elle encore fourrée? Dans un élan de courage extrême, elle se leva, retira son long tee-shirt et son legging, qu'elle avait porté pour la nuit, pour les échanger contre une brassière, un legging noir, un tee-shirt noir, et son anorak. Elle enfila une vielle paire de baskets noires ainsi qu'un bonnet pour couvrir ses oreilles et ses cheveux de l'humidité. En un coup d'oeil dans le miroir, elle sut qu'elle ne ressemblait pas à grand chose. Mais de toute façon elle ne voulait pas y aller, alors ça ne l'embêtait pas que sa tenue n'ait aucune concordance. Dolores se tourna vers la porte. De son côté, Ben ne se prit pas plus la tête non plus. Il enfila un jogging, un tee-shirt, un sweat-shirt et des baskets. Il n'avait pas plus envie d'aller courir que Dolores, mais pas pour les mêmes raisons. Il ne voulait pas qu'elle soit proche de lui, qu'elle ait à supporter sa présence, à se forcer pour lui, pour faire plaisir à sa mère. Et il avait peur maintenant du regard qu'elle pouvait porter sur lui. Celui de la peur. Il ne supporterait pas qu'elle le fixe avec cette étincelle de terreur au fond des yeux.
Ce petit effort ne les tuerait, du moins ils l'espéraient tous les deux...