Chapitre 23

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Le lendemain, c'est la tête lourde que Ben se réveilla. La soirée de la veille l'avait épuisé. Il sortit des draps chauds et quitta bientôt sa chambre en laissant la fenêtre ouverte derrière lui. La maison était plongée dans le calme le plus complet. Il s'arrêta devant la chambre de Dolores. Prit de tendresse et de remords pour la jeune fille, il ouvrit lentement la porte. Quelle surprise eut-il de trouver la pièce vide. Il jeta un coup d'oeil circulaire autour de lui. Tout était propre et rangé. Seule la poubelle débordée de mouchoir usagés, signe que la jeune fille avait du pleurer beaucoup. Cela ne l'étonnait pas, mais cette pensée lui déchirait le coeur. Elle ne méritait pas tout ceci. Ainsi, le jeune homme fit demi-tour et descendit les escaliers. Il ne croisa personne jusqu'à la cuisine, où il trouva un mot de Jackie disant qu'elle serait absente pour la journée. Ben soupira en sortant une tasse du placard afin de se faire un café. C'est seulement et uniquement lorsque la machine fut en route et qu'elle fit un boucan d'enfer qu'il remarqua, par la baie vitrée, le corps de Dolores assis sur la pelouse verdoyante. Que faisait-elle dehors? Étrangement, il ne voulait pas la déranger. Déranger ce tableau paisible et bucolique. Le café était prêt et il décida de la rejoindre. Son odeur lui manquait, son regard aussi, son sourire et toutes ses manières. Elle ne se retourna même pas lorsqu'il ouvrit la baie. C'est en silence qu'il la rejoignit en s'installant à côté d'elle. Il l'entendit retenir sa respiration puis elle tourna enfin la tête vers lui. Ses yeux étaient rouges et gonflés, mais elle souriait doucement.

-Bonjour, Ben.
-Bonjour, princesse. Comment te sens-tu?
-Vidée.
-Ça va aller princesse, je suis là pour toi.

Elle élargissa son sourire.

-Tu m'as quitté hier.
-C'était...
-Je ne t'en veux pas. Je n'en ai même pas la force de toute façon. C'est aussi ma faute. Je suis plus un fardeau pour toi qu'un remède.
-Non. Je t'interdis de dire ça. Tu m'aide, vraiment, même si je suis contre. Je deviens plus calme, patient et doux grâce à toi.
-Tu avais déjà ces qualités.
-Je m'en veux pour hier. Que dirais-tu si je retirais tout ce que j'ai dit et qu'on oubliait tout?
-Tu sais bien que j'en serai heureuse. Mais toi et moi... c'est si différent. Je ne conçois pas le fait que je ne puisse même pas t'embrasser ni te toucher. Pourquoi Ben?
-Parce que. Écoute, pour moi, il n'y a pas la place pour les sentiments et tu le sais bien. Mais ce n'est pas pour autant que nous ne sommes pas bien ensemble et que...

Elle posa délicatement son index sur les lèvres du jeune homme afin de le faire taire. Il fronça les sourcils. Dolores leva le regard vers les nuages blancs moutonnés qui étaient éparpillés dans le ciel bleu. Cette fille était incroyable, il ne le savait que trop bien. Elle lui fit signe d'écouter les gazouillis des oiseaux, leurs chants printaniers, d'écouter le sifflement du vent dans la cime des arbres, les feuilles se frotter les unes aux autres. Ce paysage enfermé dans le jardin arrière la rendait encore plus belle que jamais. Il aurait voulu capturer ses lèvres, les goûter comme un enfant goûte à une pomme d'amour. Ses lèvres si douces, pulpeuses et en chaires contre les siennes. Oh oui! Il la voulait près de lui en cet instant précis, mais elle semblait si intouchable pourtant. C'est alors qu'il l'entendit sangloter. D'abord silencieusement, puis de plus en plus fort. Ben ne put résister plus et il la prit dans ses bras. C'est une dizaine de minutes plus tard qu'elle semblait être plus calme.

-Si tu savais comme je m'en veux princesse. J'aurai du être là. Si je n'étais pas parti, si je n'avais pas agit de façon si égoïste depuis le début de la soirée, jamais il ne t'aurait touché.
-J'ai passé la pire soirée de ma vie... J'ai d'abord cru t'avoir perdu, puis j'ai été maltraitée, humiliée...
-C'est de ma faute.
-Ce n'est de la faute de personne, tu le sais bien.
-Je suis sensé te protéger mais je n'ai pas su le faire hier, protesta Ben, dépité.

Dolores se laissa tomber sur le dos en regardant le ciel qui semblait l'envoûter.

-Dis-moi Ben, pour toi, qu'est-ce que l'amour.
-L'amour? Eh bien... pour moi ça n'existe pas. Enfin, je me comprends. Il existe à un instant précis mais disparaît tôt ou tard. L'amour est dans ce sens impossible et éphémère. L'homme pense aimer, mais en vérité il est juste attiré physiquement par la personne face à lui. C'est le désir qui est confondu avec l'amour.
-Alors pour toi l'amour disparaît, personne ne peut aimer quelqu'un pour toujours car il n'y a que désir.
-Oui, en quelque sorte.
-Laisse-moi te dire que ta vision de l'amour est bien triste.
-Donne-moi la tienne alors.
-Pour moi, commença Dolores, un sourire dans la voix, l'amour est tout. Il est unique et propre à chacun. Et à l'inverse du tien, il est éternel et puissant. Il transforme l'homme en être bon, il lui donne tant de qualités que je ne peux pas toutes les citer. L'amour nous rend bon, juste, et humain. Pour moi, c'est ça l'amour. Il lie intimement les êtres et ne les quitte jamais.
-C'est une vision enfantine, ne put se retenir Ben de critiquer.

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