Jeux interdis

Chapitre 12

Impatiente, Dolores faisait les cent pas dans le vestibule de la maison, à deux doigts d'hurler. Il avait fallu que sa mère décide, par elle ne sait quel opération du Saint Esprit, que Ben l'emmène à sa conférence et y reste avec elle. Intérieurement, la jeune fille se doutait qu'il était derrière ces manigances. Elle le soupçonnait d'avoir prit cette excuse pour sortir rejoindre ses amis, elle n'était pas dupe et savait qu'il la laisserait là-bas pour les rejoindre, comme il l'avait laissé sous-entendre à Kenza et Caleb lorsqu'ils étaient venus à leur lycée. D'ailleurs, étrangement, sa mère avait disparu après le déjeuner. Au moment où elle allait perdre réellement patiente, Ben se présenta à elle, au bout du couloir, sourire aux lèvres.

-J'ai failli t'attendre, ironisa Dolores.

Elle sortit la première de la maison, replaçant la bretelle de son sac sur son épaule. Ben la suivit. Ils montèrent en voiture, et la jeune fille s'attacha, excitée de se rendre à cette conférence. Mais le véhicule de bougea pas. Elle tourna les yeux vers le conducteur qui la fixait.

-Cesse de me regarder ainsi et démarre, lança la jeune fille.
-Tu viens réellement de me donner un ordre?
-Ben, je vais être en retard.
-Ne me donne plus jamais d'ordre Dolores.

Il démarra enfin et la voiture quitta la maison pour s'engager dans la circulation. Ben regardait la route tout en sifflotant.

-Pourquoi?

Dolores sentie le regard sombre du jeune homme se poser sur elle. Ses sourcils étaient froncés, signe qu'il ne comprennait pas où elle voulait en venir.

-Pourquoi quoi?
-Pourquoi ne veux-tu pas que je te donne d'ordre?
-Tu ne peux pas comprendre.
-Explique moi.
-Tu recommence.
-Puisque tu as décidé d'être incroyablement emmerdant aujourd'hui, je ne t'adresse plus la parole!

Sur ces mots, Dolores croisa les bras sur sa poitine comme pour montrer physiquement son état d'esprit. Ce petit renfrognement fit sourire Ben. Quel sale caractère, pensa-t-il. Il passa une vitesse et en profita pour caresser imperceptiblement la cuisse de la jeune fille. Il ressentie sous ses doigts la tension soudaine de ses muscles, et de son être entier. Il souria, satisfait, puis reposa sa main sur le volant. Un lourd silence tomba dans le véhicule. Dolores était rouge écarlate, la respiration irrégulière, le coeur chamboulé.

-C'est moi qui domine, c'est moi qui donne les ordres.
-Par-pardon?
-C'est une règle.
-Je ne comprends pas.
-Qu'est-ce que tu ne comprends pas?
-Enfin c'est ridicule! Qu'est-ce que c'est que cette histoire de dominant?
-N'as-tu jamais ouvert un livre érotique de ta vie?
-Bien sûr que non!

Il s'arrêta devant un vieux gymnase public, où des personnes entraient. Ils étaient arrivés au lieu où se déroulerait la conférence. Ben se tourna vers Dolores. Il s'amusa à enrouler une de ses mèches de cheveux autour de son doigts.

-Je suis un dominant, Dolores. J'aime que mes partenaires sexuelles soient soumises entièrement à moi. J'ai ma façon de procéder. Et j'ai quelques débordements.
-Des...

Les yeux de la jeune fille brillaient d'une étrange lueur. Elle avait envie d'en savoir plus, mais elle ne comprenait pas bien cette notion de soumise.

-Retiens juste qu'il ne faut pas que tu me donne d'ordres.
-Mais...

Il se pencha pour ouvrir sa portière et lui fit signe de la tête de descendre. Elle s'exécuta, l'esprit flou, la pensée dans le vague. Tout ce qu'il lui avait dit l'intéressait. Tout. Elle ferma la portière et s'abaissa à la vitre passagère.

-Je vais faire un tour, préviens moi quand tu en auras fini, dit-il en lui faisant un clin d'oeil.

Ben démarra aussitôt, laissant derrière lui une Dolores perdue, déconcentrée, douteuse, curieuse et impatiente. Il était heureux d'avoir vu les joues de la jeune fille prendre une couleur rose, voir ses yeux briller de curiosité et de découverte. La laisser ainsi, avec si peu d'informations et avec son imagination infini le satisfaisait énormément. Elle allait à ses côtés découvrir la patience, mais aussi la frustration.

~

Deux heures plus tard, la conférence prenait enfin fin. Étant complètement ailleurs, Dolores n'avait pas suivi un traître mot de ce qui c'était dit, et pourtant le sujet l'intéressait beaucoup trop, mais ses sentiments et ses pensées avaient pris le dessus. Alors elle avait enregistré à l'aide de son téléphone pour s'y plonger réellement plus tard, une fois chez elle. Elle se leva de sa chaise, impatiente de retrouver Ben pour en savoir plus sur cette histoire de domination et de soumission. Si elle suivait le sens premier de ces mots, elle... Une personne la bouscla soudainement, faisant tomber ses cahiers. L'homme s'en alla sans s'occuper d'elle. Lorsqu'elle se baissa, elle vit une main ramasser ses affaires. En relevant la tête, elle découvrit un jeune homme brun lui sourire en lui tendant ses cahiers. Elle souria, reconnaissante.

-Merci, c'est gentil.
-Vous venez souvent aux conférences de cette ville, fit remarquer le jeune homme.

C'était la première fois qu'on la vouvoyer ainsi, et cela lui donnait l'impression d'être une vraie femme, comme si elle faisait plus que son âge. Ils se dirigèrent ensemble vers la sortie, suivant le mouvement de la foule.

-Oui, c'est vrai, j'essaie de toutes les faire.
-Je vous vois souvent. Vous aviez l'air ailleurs aujourd'hui.
-Je suis juste un peu fatiguée.

Il hocha la tête silencieusement, comme s'il prenait en note ce qu'elle disait.

-Vous êtes étudiante?
-On peut dire ça comme ça. Je suis en dernière année au lycée, en fait.
-Oh! Je vois. Et vous êtes passionnée de science?

Dolores s'arrêta brusquement alors qu'ils sortirent du bâtiment. Un léger tremblement de lèvre la trahissa. Le jeune homme regarda dans la même direction qu'elle. Elle le regarda à peine en relevant la tête vers lui.

-Je dois y aller. Merci pour les cahiers.

Elle pressa le pas jusqu'à la voiture de Ben et s'y engouffra en une fraction de secondes. Il démarra aussitôt sans la dévisager une seule fois. Elle serra contre elle ses affaires comme pour s'aider à surmonter ce moment.

-Qui c'était ce type? demanda Ben, le visage défiguré par une grimace.
-On m'a bousculé et il m'a aidé à ramasser mes affaires.
-Tu semble l'intéresser.
-Ce n'est pas réciproque. Je vais au conférence pour le sujet et non pour me dégoter un petit-ami intrusif.
-Il t'a posé des questions indiscrètes?
-Il cherchait juste à faire la conversation. De toute façon je pense que tu as du le dissuader de m'approcher de nouveau avec le regard que tu lui as lancé.
-Tu ne sais pas sur qui tu tombe. Il faut être prudent.
-Il ne m'intéresse pas.
-Parfait alors.

Ben passa une vitesse d'un coup sec. Il était frustré. Il ne voulait pas qu'un autre que lui l'approche. Surtout pas un inconnu qui joue au chevalier servant! Il serra un peu plus sa prise sur le volant. Il devait apprendre à canaliser ses pulsions.

-Qu'est-ce que tu entendais tout à l'heure par pulsions sexuelles et débordements? demanda Dolores sur la réserve.
-Ça t'intéresse autant?
-Je veux juste comprendre. La soumission et...
-Lors des relations sexuelles, c'est moi qui décide, c'est moi qui prend les commandes, et ma partenaire se soumet à ma volonté et mes pulsions. Elle peut refuser certaine chose, mais généralement on en discute avant.
-Et qu'est-ce que tu entend par pulsions?
-Un désir puissant. J'arrive à mettre dans cet acte ma colère parfois.
-Et comment procède-tu?
-C'est mon petit secret ça.
-Bien... Et... qu'est-ce que tu veux dire par débordement?
-J'aime dominer ou diriger, si tu préfère, certaines choses dans sa vie. Mais ce n'est pas grand chose.
-Comme?
-L'interdiction de me donner des ordres par exemple.

Toutes ces informations firent leur cheminant rapidement dans le cerveau de Dolores. S'il lui avait interdit de lui donner des ordres, c'est qu'il comptait... Elle, une soumise? Impossible! Mais il la voyait ainsi... Pourquoi? Ils n'étaient pas ensemble, ils n'étaient pas intime, il n'y avait rien entre eux, mis à part quelques gestes sensuels de la part de Ben. La jeune fille s'écrasa un peu plus dans le fond de son siège, le visage en feu. La voulait-il vraiment?