26 - Souffle de sérénité

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Point de vue de Seira

Une semaine plus tard...

Je sentis son cœur s'emballer avant même qu'il ne se réveille — et cela ne manqua pas. Elyon se redressa d'un bond, secoué de tremblements, sa poitrine montant puis redescendant à un rythme effréné. Son front et son torse dégoulinaient de sueur ; ses yeux révulsés cherchaient ma présence. Je me rassis sur le lit, et d'une pensée, rallumai les torches longeant les murs de ma chambre. Mes jambes entourèrent son buste, me ramenant au plus près de lui. Mes mains emprisonnèrent son visage entre leurs paumes, obligeant son regard à se focaliser sur le mien. Je répétai d'une voix forte, encore et encore : « Elyon, je suis là. » Quand il me vit, ses traits se desserrent. Ses iris couleur océan brillaient. Et bien que ce cauchemar ne soit pas le premier depuis notre victoire, le blanc rougi de ses yeux me bouleversait toujours autant. Mon cœur se ratatina dans ma poitrine. Je savais à force qu'il n'y avait qu'une seule chose à faire : comme Lenora l'avait fait avec moi lors de sa disparition, je l'étreins de toutes mes forces. Mes bras ceinturèrent son cou, ses épaules, son dos. Il était brûlant ; mais c'était toujours mieux que la froideur épouvantable que j'avais sentie sur lui, quelque temps plus tôt. Son corps se remettait ; mais la tellum novissimis avait sérieusement abimé son cœur, et son esprit.

Sa respiration finit par retrouver un rythme normal, et je sentis les muscles de son dos et de ses bras se relâcher sous ma peau. Il caressa mes cheveux et en se reculant, m'embrassa avec passion, comme si sa vie en dépendait. Je répondis à son baiser, déterminée à le sauver de ses démons.

Son front vint s'échouer contre le mien, et ses paupières closes, ses mains dans les miennes, il chuchota, d'une voix rauque :

– Je suis désolé. Je t'ai encore réveillée.

La culpabilité dans sa voix me fut insupportable.

– Ne le sois pas. Je veux t'aider.

Il soupira, son souffle encore tremblant. Je m'enquis d'une voix douce, le ton prudent :

– Encore le même ?

– Presque. Cette fois, tu m'oubliais, répondit-il, des ombres dansant dans le noir de sa pupille.

– Il me dit quelque chose, celui-là, ironisai-je, pour le détendre. Pas très drôle... je préférais celui où je mourrai dans les flammes, il était moins crédible.

Un rictus releva le coin de sa lèvre, et même s'il demeurait hanté, absent, c'était toujours ça de gagné.

– Ça passera, un jour, repris-je.

– Je te demande pardon, pour la tellum novissimis, et ce qu'elle t'a fait endurer. Je crois que je n'avais pas complètement réalisé qu'elle retomberait sur toi, d'une autre manière.

Je l'écoutai attentivement, la gorge serrée. Ce souvenir ne cicatriserait jamais ; je ne pourrai jamais complètement me défaire de la sensation de vacuité qui me pourchassait, ce temps-là. Je pensai avoir réussi à dissimuler mes propres séquelles ; il fallait croire que je ne pouvais rien lui cacher.

Il réchauffa mes mains d'un baiser ; sa peau restait plus chaude que la mienne, et ce constat ne cessait de rappeler notre réel premier contact, au coin du feu, dans les bois.

– Il nous aurait utilisés, l'un contre l'autre. J'ai voulu te préserver, je n'aurai jamais pensé que...

Je le fis taire, plaquant ses lèvres contre les miennes.

– Je sais, répliquai-je après un temps. J'aurais fait le même choix. En l'état où tu étais, c'était la seule solution que tu avais.

Nous avions eu le temps de nous raconter nos mois, passés loin de l'autre. Le récit de mon âme sœur faisait froid dans le dos, alors même que certaines images — acquises durant sa période d'inconscience — restaient floues. Seuls témoignaient ses bleus, ses entailles, ses cauchemars.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome II. - L'EclipsisWhere stories live. Discover now