Partie 1. Chapitre 1.1: Paris mon amour

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« Lorsqu'un gars te met à terre, ne te relève que s'il prévoit de te tuer. » Gennaro Angiulo (1)

- Encore ! 

- Mais frappe-le !

- Attention ta tête !

- Protège-toi !

- Mec fais un effort !

- J'aimerai bien t'y voir !

Ma remarque me valut un crochet du droit qui me fit mordre la poussière. Un goût métallique emplit ma bouche, la cicatrice à l'intérieur de ma joue s'était rouverte. Mon sang tachait le pavé de la ruelle. Je crachais. Encore. Je me tenais face contre terre, me demandant ce que j'allais faire. L'abandon ne faisait pas partie des conditions dans ce genre de combat et la défaite n'avait rien d'honorable. Je devais le faire, le faire pour elle.Je me suis relevé, tant bien que mal, ma mâchoire me lançait, mon genou aussi. Mes vêtements étaient rouges, trempés. J'ai regardé mon adversaire droit dans les yeux, puis je lui ai foncé dessus dans un cri rauque. Il se mit en défense et m'accueillit avec un crochet que j'esquivais de justesse. J'en profitai pour lui balancer un coup dans les côtes. Il se baissa quelques secondes, reprenant sa respiration. Ce fut assez pour que j'écrase son genou avec mon pied. Un crac retentit, soulevant mon cœur. N'attendant pas, je visai sa joue, concentrant toute la force qu'il me restait. Il fallait en finir. Sonné, il tomba à la renverse. J'envoyai alors mon pied dans sa tête pour m'assurer qu'il serait assez KO pour ne pas se relever. Les jambes tremblotantes, j'observai ma victime, blessée, les traités déformés par la douleur, ses yeux à peine ouverts, me suppliant de l'achever. Perdre ici c'était pire que mourir. On le savait tous, mais tuer n'était pas officiellement autorisé. L'arbitre autoproclamé sonna la fin du combat. Les mecs du gang d'en face récupèrent leur combattant. Au moment où ils le soulevèrent, je vis cette peur dans ses yeux, celle que l'on ressent tous à la fin d'une bataille lorsque la victoire est absente et que notre cœur bat toujours. Mon adversaire me fixait alors que son clan le soutenait, le traînant à travers la foule maintenant silencieuse. Les cris avaient cessé lorsque sa tête avait ricoché sur le béton, à présent couvert de nos sangs.

- Victor ? Aller viens mec, c'est fini, me dit Lucas. 

- Pour lui surtout, ricana Alex.

- Tu ne voudrais pas être à sa place Alex, lui rétorquai-je au milieu de deux crachats sanglants.

- Alors encore heureux que je ne le sois pas ! 

Un coup de feu retentit dans la nuit. Personne ne parlait, le gang d'en face venait de faire une faveur à leur guerrier abîmé. Je me tournai vers mes deux compagnons qui s'étaient déjà précipités pour récupérer leurs paris, insensibles à l'horreur de la nuit. Nous sommes repartis après avoir récupéré l'argent, traversant Paris sur nos bolides. 500 euros la soirée, c'était rentable quand on y pense, enfin, si on fermait les yeux sur les conséquences de ces combats illégaux. Les hôpitaux récupéraient parfois des combattants anonymes avec des commotions, des os cassés, qu'ils justifiaient par des chutes accidentelles dans l'escalier. Les médecins fermaient les yeux volontairement, le business était lucratif pour eux aussi. Dans ce monde, les billets arrangeaient beaucoup de choses, achetant le silence du plus honnête des hommes. Les morts étaient rendus à leur famille, ou brûlés dans des lieux tenus secrets. Attirer les flics n'était jamais une bonne idée. Nous nous arrêtâmes devant une pharmacie à quelques rues. Le pharmacien de notre gang nous attendait avec des bandages, et du désinfectant. Il devait avoir 25 ans, les cheveux sombres, des cernes jusqu'aux milieu des joues. Habitué, il ne dit mot, nous fit entrer par la porte derrière. Je m'essayais dans la réserve, soulagé, la nuit était finie. Les combats se commençaient au coucher du soleil, dans des lieux connus seulement de quelques privilégiés. Il y en avait plusieurs par mois. Nous y participions pour l'argent. En effet, ajoutée à l'argent du match, il y avait aussi une prime de risque si le gars d'en face était plus impressionnant et baraque que toi. Elle pouvait même doubler le rendement du combat. Je ne parle évidemment pas des paris que les spectateurs faisaient sur nous, atteignant parfois des sommes phénoménales. Tous en avaient pour leur argent. Lucas et Alex en étaient la preuve vivante. Même si au début, ils avaient été réticents à la vue de ma fine carrure, ils avaient fini par choisir mes adversaires et parier sur moi. Je ne préférai pas savoir combien ils gagnaient derrière mon dos. J'avais trop besoin d'argent. Mais ce soir, j'étais d'humeur curieuse.

- Au fait les mecs ? Vous aviez beaucoup parié sur moi ce soir ? leur demandai-je en regardant le pharmacien essuyer le sang qui perlait de ma blessure au genou.

-Tu ne veux pas savoir, me répondit Lucas en riant. Alex a parié 150 que t'allais perdre !

- Traître !! lui lançai-je, mon ego blessé.

- Ecoute, avec ton physique de petit joueur, j'ai couvert mes arrières ! se justifia-t-il. D'ailleurs, as-tu récupéré ta prime de risques ?

- Ouais, lui répondis-je en sentant un deuxième billet dans ma poche. Un mec avait dû le glisser dans mon blouson sans que je ne m'en aperçoive. Comment font-ils ça à ton avis ? 

- Personne ne le sait, me réplica Alex.

- Tu veux un petit remontant ? le coupa Lucas en me tendant une bouteille de vodka. Notre pharma va devoir te recoudre.

- Vas-y envoie. 

J'avalais une gorgée pour moi, et une pour me rincer la bouche. L'alcool brulant ma cicatrice. 18 ans et déjà accro à la bouteille. Je continuais de boire, oubliant la douleur des aiguilles raffistolant mon genou.

- Qu'est-ce qu'on a à faire ce soir ? leur demandai-je.

- La routine : Lucas et moi, on doit faire quelques rondes, toi tu rentres, tu te changes et on sort chopper quelques nanas. Prend une douche s'il te plait, tu fais peur. J'ignorai sa remarque sur mon apparence et enchainai :

- Où sont les autres ? 

- Divers combats dans le coin. Ce soir, c'est la folie, il y a plein d'action ! 

- Hum...

- Arrête avec cet air sinistre, t'es bien trop jeune pour ça, sourit Lucas. 

- C'est fini, nous interrompit le pharma. 

- Okay, on taille ! s'empressa Alex. 

J'enfilais mon blouson, saluai les gars qui payaient notre bon docteur, et sortis. L'air de la nuit me frappa en plein fouet. Cette soirée était loin d'être finie. Je vérifiai ma montre. 22h45, parfaitement à l'heure, malheureusement. Je traversai la rue et démarrai ma moto. Je montai dessus, et filai sur l'autoroute en direction de chez moi, espérant secrètement ne pas être suivi.

Les 1%Where stories live. Discover now