Chapitre 1.2: Paris mon amour

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J'arrivai à la banque la plus proche de chez moi, gelé et jetai quelques regards par-dessus mon épaule, histoire d'être sûr que j'étais seul. On n'était jamais trop prudent. Je sortis l'argent que j'avais gagné ce soir de ma poche et la carte bancaire de ma mère que je lui avais subtilisée pendant son sommeil. Je l'introduisis dans la machine, tapai son code et déposai les 1000 euros sur son compte. Heureusement, elle l'ignorait. Elle ne savait pas ce que je faisais, qui j'étais ni pourquoi. C'était mieux ainsi. Je n'ose imaginer la tête qu'elle ferait si elle savait que son enfant turbulent était un gangster.


Une fois cela fait, je pris les escaliers de l'immeuble. Chaque marche constituait une torture pour mes muscles, m'arrachant des grimaces de douleur. Je sentais les points de suture retenant ma peau sur mon genou, unique souvenir du caïd qui était mort ce soir. Il fallait que je passe à autre chose, c'était notre routine. Devant la porte de mon appartement, je pris une grande respiration sachant par avance ce qui m'attendait. J'ouvris la porte, l'odeur d'alcool envahissant mes narines. A contrecœur, je franchis le seuil, avertissant ma mère que j'étais à la maison. Ne recevant aucune réponse, je me précipitai dans le salon, la trouvant allongée, en train de ronfler, une bouteille d'alcool vide près du canapé, l'autre renversée sur le sol. Je soupirai. Le plus discrètement possible, je traversai la distance qui nous séparait, évitant la vodka qui jonchait le sol, récupérai les bouteilles, et nettoyai son carnage. C'était ce spectacle qui m'attendait tous les soirs depuis le divorce. Elle se mettait une cuite, pleurait par culpabilité et continuait de boire pour l'oublier. Je sortis avec les deux cadavres, les balançai avec les autres dans les poubelles dehors.


Je remontai, ignorant ma douleur, vérifiai qu'elle dormait toujours et commençai à fouiller machinalement dans ses cachettes habituelles. Où pouvaient-elles bien être ? Après une inspection minutieuse, je découvris la caverne d'Alibaba. Trois bouteilles d'Absolut, 2 de rhum reposaient au fond d'un placard à double fonds, attendant d'être vidées. Je levai les yeux au ciel. Ma mère avait profité de mon absence pour refaire son stock. Je pris mon sac à dos, mis les bouteilles dedans. Elles seront plus utiles pour la soirée à venir.
Ensuite, je pris ma douche, laissant l'eau débarrasser mon corps des dernières traces de sang séché. Je fermai les yeux tentant d'ignorer l'onde de souvenirs qui m'envahissait chaque fois que j'étais seul. Je voulais verrouiller mes émotions, oublier ma haine, ma peine, mes choix. Je soupirai, c'était beau de rêver. Je te jure Paris, un jour tu auras ma peau. Mais pas aujourd'hui. En sortant de la chaleur rassurante de la douche, j'examinai mes blessures. Une ou deux côtes fêlées, des bleus un peu partout, une mâchoire abîmée et un genou suturé, je pouvais survivre. Je sortis une des bouteilles d'Absolut de mon sac, pris quelques gorgées, en versai sur mon genou retenant un cri au contact de l'alcool avec ma peau à vif, avant de mettre un pansement. J'enfilai un tee-shirt moulant rouge bordeaux, un jean à trous noir, mes chaînes, mon collier avec ma croix templière, mes bagues qui pour moi représentaient qui j'étais, mes valeurs et celles que je défendais. J'observai ma veste en cuir sans manche, avec mes patchs et les symboles de mon club. Veste que j'allais porter toute la soirée, et qui attirait les filles comme on harponne des poissons avec un hameçon. Je l'enfilai, me coiffai, sans grand succès. Dans ce genre de soirée, l'apparence était la clef du succès. Plus on avait l'air dangereux et brisé, et mieux ça fonctionnait. Les filles étaient attirées comme des aimants par les badboys, « ces hommes mystérieux aux lourds secrets » avais-je entendu une fois. Merci les films américains, grâce à vous, notre travail devenait si simple. Avant de partir, je recouvrai ma mère avec une couverture, déposant un baiser fugace sur ses boucles dorées malgré les effluves de l'alcool.
Ma moto m'attendait dehors, fidèle compagne de mes nuits d'ivresse. Je la fis chauffer, et pris mon téléphone.


« Je suis prêt. Envoie l'adresse. », envoyai-je à Lucas. Deux secondes plus tard, mon ami me la fit parvenir. Toujours au rendez-vous ! Je la rentrai dans mon GPS : j'en avais pour une petite demi-heure. Je mis mon casque, mes gants, posai le pied sur l'embrayage. Le doux bruit du moteur vrombit dans l'air de la nuit, le son de la liberté. Je montai sur mon bolide type Harley Davidson, fonçant au clair de lune. Il n'y avait personne dans les rues de Paris à cette heure-ci. J'accélérai, grillai les feux rouges, le vent fouettant mes bras dénudés. J'adorai ce sentiment d'harmonie, d'union avec le danger indéniable que représentait la moto. Les monuments de la ville de l'amour défilaient, s'oubliant dans la vitesse. Je quittai Paris intramuros pour obliquer vers la banlieue riche de Neuilly.

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