Chapitre 7: Dissension

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Ils avaient tout partagé très tôt.

Au départ bien sûr, ce fut surtout Diluc qui accepta de laisser à Kaeya une partie de ce qui constituait sa vie. D'abord son lit, ses jouets, puis sa chambre, sa maison, son jardin. Plus tard, lorsqu'il s'intégra au Domaine de l'Aurore, Kaeya profita aussi du service des domestiques et des cours donnés à l'héritier Ragnvindr. Enfin, lorsqu'il fut adopté, ce fut son père que le garçon flamboyant partagea avec son camarade. Ce serait mentir s'il n'avait pas déjà eu quelques moments de jalousie lorsque Crepus accordait un peu trop d'attention à Kaeya alors que lui-même ne faisait pas partie de leur échange. Dans ces cas-là, il boudait pour signaler son mécontentement, et allait même parfois jusqu'à s'inviter pour se mettre entre eux, s'assurant qu'il pouvait les tenir tous les deux.

Cela amusait Crepus et rendait Kaeya perplexe, voire anxieux d'avoir fait une bêtise.

Plus tard, il comprit que le jeune homme aux cheveux rouges faisait juste preuve d'une possessivité puérile, ne supportant pas d'être exclu de l'affection qui grandissait entre son père et son frère adoptif. D'abord surpris, le plus jeune eut ensuite la même réaction que l'adulte, à savoir trouver mignonne cette réaction de la part du plus vieux. Diluc ne pouvait pas être parfait après tout, il était quand même l'enfant unique d'une famille aisée: il avait aussi son petit caractère malgré sa gentillesse et sa générosité. Cela restait néanmoins assez innocent, surtout qu'il semblait parfois incertain de qui, de son père ou de Kaeya, il était jaloux. Un peu des deux, très certainement.
Ils en rediscutèrent bien plus tard à tête reposée et loin des oreilles indiscrètes.

"Tu sais, Gege, tu resteras toujours son premier fils. Même s'il m'apprécie, il ne m'aimera jamais plus que toi, et c'est normal."

Kaeya ne pouvait pas reprocher à un père d'aimer l'enfant qui partageait son sang plus que celui qu'il avait adopté, il y avait tout un bagage émotionnel derrière, ne serait-ce que par la mère de Diluc, et le fait qu'il l'ait vu naître. Bien sûr, le temps pourrait gommer petit à petit cet écart d'affection, mais le garçon à l'iris bleu savait qu'il ne pourrait jamais totalement le combler, et c'était normal après tout. Il était déjà heureux d'avoir une petite place dans le coeur des Ragnvindr, que ce soit le père ou le fils.

"Ce n'est pas ça!" Protesta Diluc, légèrement blessé par ces paroles. "C'est juste que... Moi je t'aime plus que lui! Et je veux pas que ça change."

"Pourquoi ça changerait?"

"Je ne sais pas..."

"Si tu m'aimes toujours comme maintenant, je peux t'assurer qu'il ne m'aimera jamais plus que toi parce que... Tu as été le premier à m'aimer ici."

C'était vrai. Alors que tout le monde, même Crepus, avait manifesté de la méfiance le premier jour de son arrivée à Mondstadt, Diluc l'avait immédiatement accepté sans poser de questions. Cet amour existait depuis leur rencontre, et n'avait fait que s'épanouir, tandis que Kaeya avait dû se battre pour obtenir celui des autres, et il sentait qu'il devait toujours en quelque sorte se battre pour le conserver. Que si jamais il faisait quelque chose de mal, même insignifiant, alors cette acceptation et cette affection de ses pairs lui seraient sitôt retirées sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit.

Diluc était le seul à ne pas lui donner cette impression.

"Et toi, tu m'aimes?" Demanda alors le fils de Crepus dans son honnêteté déconcertante.

Kaeya se retrouva sans voix devant cette étrange question. Parle de l'amour des autres lui était devenu facile, maintenant qu'il avait appris à comprendre les émotions des autres. Parler de ses propres sentiments lui semblait impossible. Jamais dans son ancienne vie ce sujet n'a été abordé, encore moins avec son père. Les seules fois où ce genre d'émotion était mentionnée, c'était pour savoir les décrypter et les manipuler. Attiser la colère de quelqu'un pour provoquer une faille. Exploiter sa tristesse pour exposer sa faiblesse. Être source de sa joie pour gagner sa confiance. Et ne jamais soi-même céder à ses propres sentiments pour ne pas risquer ce genre de tromperie.

La chaleur de tes brasWhere stories live. Discover now