#5 - Khaleb

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Appuyé contre le capot de ma voiture, je tire sur ma clope avant de souffler la fumée. Je regarde les gens passer, rire, téléphoner, vivre, sans réellement les voir. Toutes mes pensées sont absorbées par l'homme qui sort enfin de l'immeuble. Les sourcils froncés, il tire son paquet de clopes de sa poche, en allume une et le range pour prendre son téléphone. Il ne lance pas un regard dans ma direction, et pourtant, c'est vers moi qu'il se dirige, sans une once d'hésitation. Ses yeux regardent des deux côtés de la route avant de traverser tout en tapant un message. Puis il enfonce son téléphone dans sa poche et recrache la fumée en relevant enfin les yeux.

Ils percutent immédiatement les miens et mon cœur loupe un battement. Bordel, c'est dingue qu'après autant de mois, Ryan me fasse toujours cet effet.

- Je fous le feu à son bureau, la prochaine fois qu'elle me fait poireauter une demi-heure.

- T'es pas censé sortir de tes rendez-vous de bonne humeur ? je ricane en haussant un sourcil et il grogne en s'arrêtant devant moi pour finir sa cigarette. Tu sais que t'es vraiment chiant à râler pour un rien ?

- C'est pas ça qui t'a plu, au départ ?

Je roule des yeux en soufflant la nicotine et il ricane. Mes doigts attrapent le passant de son jean et je tire dessus pour qu'il fasse un pas vers moi. Ryan se laisse faire et ses pieds se calent entre les miens alors que je lève les yeux, toujours assis sur le capot de ma bagnole, pour le regarder.

- Ca a été, sinon ?

- Si parler pendant une heure de mes traumatismes avec ma psychiatre veut dire que ça va, alors ouais.

- Ryan, je marmonne en fronçant les sourcils et il écrase sa clope du bout du pied. Ca faisait un mois que tu ne l'avais pas vu.

- Et je m'en portais très bien.

Il s'écarte pour récupérer le mégot, le jette dans une poubelle à deux mètres et revient face à moi. Il doit voir que je suis contrarié parce qu'il soupire et passe une main sur ma nuque en se penchant vers mon visage.

- Ca m'a fait du bien, murmure-t-il en plongeant son regard dans le mien. Et encore heureux, après un an de thérapie.

- Tu la revois quand ?

- Dans un mois. Elle pense que je n'ai plus besoin d'elle mais j'ai préféré prendre un autre rendez-vous, au cas où.

Ouais, au cas où ses insomnies reviennent, ses souvenirs le fassent cauchemarder. Il a beau voir quelqu'un depuis treize mois, son passé est encré en lui et il ne peut pas aller de l'avant en un claquement de doigts. Ce sont encore des années de travail sur soi, d'accompagnement, de médication peut-être, qui l'attendent. Mais il n'est plus seul et il le sait.

Ses lèvres frôlent les miennes et je couine quand il s'écarte avec un sourire. Puis il ne se fait pas prier et m'embrasse, m'attirant un peu plus près de lui. Juste un baiser, juste quelques secondes et c'est toujours la même envolée vers le paradis.

- On y va ? Dylan m'attend.

- J'ai besoin de passer chez le couturier pour récupérer mon nœud papillon, avant. Ca te dérange ?

- Celui qui est à côté de la boutique de bijou ? demande Ryan en passant sa langue sur sa lèvre inférieure et j'acquiesce. Je t'accompagne, faut que je trouve un cadeau pour Emy.

Un sourire étire mes lèvres et il s'éloigne sans cacher son irritation alors que je me moque de lui. Je monte derrière le volant après avoir jeté ma clope et je prends la route tandis que Ryan s'accoude à la portière en gardant les yeux posés sur le paysage qui défile. Son autre main est posé sur ma nuque, derrière l'appuie-tête et comme toujours, je savoure ce contact. On ne se parle pas, on n'en a pas besoin.

Jeu de soirée [édité]Where stories live. Discover now