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L U C A S 

— J'espère que t'es content, il y a un délai de plusieurs semaines, maintenant. Et encore, on a de la chance de le connaître !

Ma mère me rabâche depuis qu'elle est rentrée que je suis un imbécile, inconscient de ma chance. Et j'aimerais savoir de quelle chance elle parle exactement ? Parce que je ne la vois pas, nulle part. Il n'y en a aucune à se rendre chez un médecin qui répètera la même chose que j'entends depuis toutes années : « on ne sait pas comment remédier à ça ». Sans blague...

— Je n'irai pas, alors tu peux annuler. Tout ça, c'est une perte de temps et j'en ai marre de tourner en rond !

— Ce n'en est pas une ! Comment tu vas faire à la fac avec des cours toujours plus intensifs, du travail personnel renforcé, quand tu as déjà du mal en dernière année ? La médecine évolue, Lucas. Ça ne coûte rien de chercher des solutions.

Je me mords la langue pour ne pas balancer ce que mon esprit hurle.

Je n'irai pas à la fac. Je vivrai comme je l'entends. Tant pis si mon avenir n'est pas aussi brillant que le tien et celui de papa : je ferai ce que j'aime.

Tous ces mots restent coincés dans ma gorge depuis des mois, des années. Ils ne sortent jamais : ils exploseront, sans prévenir, le jour où mes parents se rendront compte d'eux-mêmes de mes plans d'avenir. Avant ça, je dois prendre mon mal en patience. Marre de leurs reproches, de leurs ambitions qui ne me correspondent pas. C'est trop demandé de vouloir tenter d'exercer un métier que j'aime ?

Je fixe ma mère, dont les iris verts brillent de tristesse, mais aussi d'une détermination qui la rend aveugle à ma propre douleur. Un soupir m'échappe alors que je me détourne de son attention, passant une main dans mes cheveux.

— Bien, j'y réfléchirai, mens-je pour la tempérer. Je dois y aller. Je serais là demain pour voir Josh et l'aprèm j'ai mon cours de soutien. Bonne soirée.

Elle replace une mèche châtain derrière son oreille, les lèvres pincées.

— T'as plutôt intérêt. Sois prudent.

Toujours.

Je quitte la maison sans un mot de plus, d'un pas pressé. L'air frais du soir souffle le feu qui commençait à ravager mes nerfs sous cette sourde colère qui éclot à la moindre discussion autour de médecins ou d'avenir. J'ai déjà vu un de mes rêves se briser, je n'ai pas envie de tirer un trait sur les autres. Et ça, mes parents peinent à le comprendre.

Sans perdre plus de temps, je retrouve ma voiture et envoie un message à Julie pour la prévenir que je suis en route. Dès que je l'ai récupérée, nous partons chez Theo, notre hôte pour les prochaines heures.

Arrivés dans le quartier, nous comprenons que ce sera une soirée comme notre ami l'entend : avec plus de personnes que nécessaire. Sans parler de remplir sa maison jusqu'au point de rupture, Theo aime être entouré.

Julie tente de me prendre la main tandis qu'on marche jusqu'à l'entrée de la maison, mais je me défile en envoyant un message à Isaac pour savoir où il est. Elle s'empresse de sonner à la porte, les bras croisés contre sa poitrine.

Le bout de bois disparaît et laisse place à notre hôte, grand brun basané, qui a l'air d'être à la fac plutôt qu'au lycée.

— Hey ! Lucas, ça fait un bail ! s'exclame mon ami en arborant une moue ravie.

Nos poings s'entrechoquent l'un contre l'autre. Il salue Julie avec plus de retenue, puis se décale pour qu'on pénètre dans la maison. L'entrée donne tout de suite sur un salon spacieux où pas mal de personnes se trouvent déjà, dont les discussions se mélangent à la musique rap qui envahit la pièce.

Falling for you : Through your eyes - Tome 1 [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Where stories live. Discover now